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top 10

  • Top Films 2014

     

     

    1. Nymph()maniac de Lars von Trier

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    Joe, le personnage incarné par Charlotte Gainsbourg (mais aussi par Stacy Martin et Maja Arsovic) souffre (comme Justine/Kirsten dans Melancholia) de la double contrainte exercée par une société ultra-moralisante et hypocrite, ici incarnée par Seligman (Stellan Skarsgard en chaste vieux garçon) et par ses propres velléités de plaisir et de liberté. Ne nous y trompons pas : si Welcome to New York et Nymph()maniac ont suscité un tel rejet (j'entends encore les vociférations haineuses de Pierre Murat au Masque et la Plume), comme en 2013 la séquence centrale de La Vie d'Adèle, c'est qu'ils renvoient les spectateurs à leurs propres rapports – forcément ambivalents – à la sexualité. Or Nymph()maniac est précisément un grand film sur le sexe et la culpabilité, un peu foutraque par moments, je n'en disconviens pas, mais passionnant du début à la fin, ne serait-ce que parce qu'il représente le sexe comme aucun film avant lui (ce qui en dit long sur le puritanisme de l'époque), et certainement pas l'industrie porno qui ne représente rien mais se contente d'exhiber : non une parenthèse, non une ellipse, certainement pas une simple étape romantique sur le camino du bonheur, encore moins une provocation – mais bien cette réalité foutraque elle aussi, qui pour être crue, n'en est pas moins belle, du sexe concret, cet entrelacs atrocement complexe de pulsions, de désirs, de tabous, de terminaisons nerveuses, de gouffres intimes et de gestes fous. Joe/Charlotte encordée au canapé, la croupe offerte aux coups de son partenaire – ou à son sexe, et c'est cette incertitude qui confère tout son érotisme à la séquence –, ce n'est pas joli, ce n'est pas mystique, ce n'est peut-être même pas esthétique au sens artistique du terme – et pourtant c'est extrêmement émouvant, c'est d'une beauté inouïe. J'y reviendrai. Forcément.

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    2. Maps to the Stars de David Cronenberg

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    Maps to the Stars est le plus grand film sur Hollywood depuis Mulholland Drive. Les deux films débutent d'ailleurs sur une scène identique : une jeune femme (Naomi Watts chez Lynch, Mia Wasikowska chez Cronenberg) débarque de sa province pour conquérir Los Angeles et ses stars. À ceci près qu'à la beauté glamour de Bethy répond le visage charmant mais défiguré d'Agatha, ange exterminateur schizophrène qui n'aura de cesse, avant de disparaître, de brûler vifs les faux-semblants d'un monde réduit à se répliquer en permanence. Que les jeunes louveteaux de la critique aient dans l'ensemble boudé un tel chef d'oeuvre est un authentique mystère. Maps to the Stars, c'est Paul Éluard contre les robots, et c'est magnifique.

     

     

     

    3. Welcome to New York d'Abel Ferrara

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    Le film d'Abel Ferrara inspiré de l'affaire DSK ne méritait pas le mépris critique dont il a été l'objet. Comme tous les grands films de Ferrara (King of New York, Snake Eyes, The Funeral...), Welcome to New York nous entraîne avec son personnage dans une chute vertigineuse, et la bestialité de Deveraux, qui grogne et qui ahanne, incarné jusqu'au malaise, puis jusqu'à l'égarement, par un énorme et fascinant Gérard Depardieu – dont le film fait aussi le portrait – rappelle la dérive désespérée du Harvey Keitel de Bad Lieutenant au coeur du mal. À ce détail près, toutefois, que Deveraux ne semble jamais se repentir de ses excès. Nulle rédemption, ici – mais bien plutôt la découverte que la Bête, en vérité, est un homme, capable de douceur, d'intelligence, de finesse – et de parole – en même temps que de l'asservissement conscient et amoral à ses pulsions sexuelles. Terrible. Et bouleversant.

     

     

     

    4. Whiplash de Damien Chazelle

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    Duel intense entre un batteur, élève d'une fameuse école de musique, et son professeur – entraîneur sportif, quasi militaire, qui nous rappelle inévitablement l'instructeur de Full Metal Jacket –, Whiplash traduit ses enjeux narratifs simples (la fabrique fasciste, au sang et aux larmes, d'un génie du jazz) par une mise en scène au diapason, certes parfois un peu attendue – quand il s'agit de filmer la musique comme une succession bressonnienne de plans brefs et précis – mais d'une impressionnante maîtrise du cadre et des champs et contrechamps, dans les confrontations entre le maître menaçant et l'élève obstiné – jusqu'à un final hypnotique et franchement hallucinant. On ignore trop souvent combien jouer Caravan relève du sacrifice...

     

     

     

    5. P'tit Quinquin de Bruno Dumont

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    Fausse série ? Film en épisodes ? Peu importe. Loin des sentiers confortables – aussi étonnants soient-ils, comme ce fut le cas cette année de True detective – des séries modernes, P'tit Quinquin est de la trempe du Pialat de La Maison des Bois, un objet filmique assez stupéfiant pour renvoyer l'ensemble de la production télévisuelle à sa condition de loisirs consommables. Jamais je n'oublierai le lieutenant carpentier et le commandant van der Weyden, dont le burlesque grotesque peut un temps dérouter, mais qui à force d'être confronté au Mal, finit par rejoindre le monde obscur, ambigü, démoniaque et sublime – en un mot : bernanosien – du p'tit Quinquin.

     

     

     

    6. Under the Skin de Jonathan Glazer

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    Under the Skin n'est pas un film parfait, et l'on pourra toujours s'accorder sur tel ou tel défaut, mais il nous faudra néanmoins convenir qu'avec ses scènes emblématiques, comme les plongées des mâles victimes de Scarlett Johansson, créature nue, froide et désirable, dans les eaux noires de l'inconscient – ou comme la séquence finale de mue extraterrestre dans la forêt, Jonathan Glaze aura fourni quelques unes des images les plus marquantes de l'année.

     

     

     

    7. Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch

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    Shoot opiacé, entre Tanger (hommage à Burroughs) et Detroit (fantomatique) d'un couple de vampires (Tom Hiddleston en rockeur dépressif, Tilda Swinton livide à souhait) plusieurs fois centenaires, dandys las de traverser nos existences de « zombies », désemparés par un monde moderne qu'ils ne comprennent plus (figuré par l'inévitable et charmante Mia Waskikowska) et où le sang contaminé étend son empire, Only Lovers Left Alive, servi par l'excellente bande son de Jozef van Wissem, dépeint non la fin d'un monde, mais l'abandon d'âmes vieillissantes qui se laissent lentement glisser vers le sommeil et la mort, comme l'émouvant John Hurt en Christopher Marlowe agrippé à ses vieilles (et drôlatiques) rancoeurs envers l'auteur présumé de Hamlet. À moins qu'une étincelle ne ravive soudain le désir...

     

     

     

    8. Sunhi de Hong Song-soo

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    Le cinéma-ritournelle de Hong Sang-soo poursuit sa voie mélancolique et dépouillée. Ce qui se dévoile dans cette même scène sans cesse rejouée, c'est l'impossibilité, pour les personnages, de connaître vraiment leur prochain. Comme le soleil qui troue le premier plan du film, comme Sunhi (sunny ?), comme avant elle Haewon et tant d'autres avatars ou miroirs du cinéaste, nous brillons par notre présence mais nous dérobons toujours au regard, astres aux orbites entrelacées mais toujours solitaires. Dès lors ne se transmet, de l'un à l'autre, qu'une parole virale, quasi parasitaire, qui s'exprime à travers nous et ne renvoie à rien d'autre qu'à son origine fantasmatique.

     

     

     

    9. Le Vent se lève de Hayao Miyazaki

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    J'étais convaincu, allez savoir pourquoi, peut-être parce que la critique avait trop appuyé sur le caractère élégiaque et testamentaire du film, ou par son caractère plus « réaliste » que d'ordinaire, que Le vent se lève était ennuyeux. Mais il a suffi de quelques secondes d'une ouverture onirique ébouriffante pour balayer mes craintes : le nouveau film de Miyazaki est histoire d'amour et de rêve, émouvante et d'une grande beauté formelle. Nul n'a jamais figuré un tremblement de terre avec autant de génie.

     

     

     

    10. Le conte de la princesse Kaguya d'Isao Takahata

    kaguya.jpg

    Même s'il vire un peu kitschouille dans son dernier acte, le Conte de la princesse Kaguya (rien à voir avec la cagouille charentaise) est une splendeur poétique et mélancolique. Le dessin, proche de l'estampe et de l'aquarelle, et qui rappelle un peu, pour son caractère d'esquisse, celui de Mes Voisins Yamada, s'adapte au rythme et à la teneur du récit – ainsi les traits sont-ils tantôt fins, tantôt jetés sur la toile, comme dans cette extraordinaire séquence de fuite, au cours de laquelle la jeune fille et le paysage perdent tout contour net pour se muer en pure expression picturale.

     

     

     

  • Top Séries 2013

    1.

    Game of thrones

     

     

    Game of thrones

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Game of thrones

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    2.

    sherlock 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    3.

    The Walking Dead

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    4.

    Homeland

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     5.

    Luther

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    6.

    Top of the Lake

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    7.

    Hannibal

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     8.

    House of Cards

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    9.

    Les Revenants

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     10.

    Nurse Jackie

     

     

     

  • Top Films 2013

     

    1. La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche

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    La Vie d'Adèle n'est sans doute pas le film le plus novateur de l'année, et n'est probablement pas exempt de défauts – pour preuve, les longs et passionnants débats autour de ses scènes de sexe – mais force m'est de constater qu'il a tout emporté sur son passage. La Vie d'Adèle m'a littéralement habité des semaines durant. Terrassant chef d'oeuvre d'un cinéaste qui nous avait déjà impressionnés avec L'Esquive et La Graine et le Mulet. Ce n'est pas seulement de sa merveilleuse actrice que je suis tombé amoureux en vérité, mais bien du film lui-même – sa construction en deux chapitres gravitant autour d'une pure singularité, son sens de la durée, son filmage en scope et en gros plans, son génie à restituer à l'écran, avec des moyens cinématographiques, le torrent d'émotions d'une passion amoureuse, puis de sa chute, et cette manière unique, qui s'enracine chez Cassavetes et Pialat mais aussi dans les précédents films de Kechiche, de nous faire partager, jusqu'à l'aimer, l'existence entre deux mondes – le réel et son double – de son « modèle » Adèle Exarchopoulos. Jamais, je crois, un cinéaste n'était parvenu à créer chez moi un tel sentiment d'intimité avec son personnage.



    2. Leviathan de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel

    leviathan

    leviathan

    Leviathan

    Léviathan laisse après lui un lumineux sillage ; De l'abîme, on dirait qu'il est blanchi par l'âge. Expérience sensorielle sidérante et sans précédent, que ce sombre Leviathan, immersion radicale (et parfois littérale, quand les caméras portées à bout de bras plongent sous la ligne de flottaison) entre naturalisme halluciné et pure abstraction, à bord d'un monstre marin au large de New Bedford, chalutier industriel qui tient aussi bien de Moby Dick ou d'Achab que du Pequod. On en ressort lessivé, avec l'impression d'avoir essuyé une tempête dans l'obscurité d'une nuit en haute mer.



    3. La Fille de Nulle part de Jean-Claude Brisseau

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    la fille de nulle part, jean-claude brisseau

    Avec La Fille de Nulle part, tourné en numérique dans son propre appartement, avec dans les rôles principaux lui-même et son assistante réalisatrice Virginie Legeay, Jean-Claude Brisseau prouve qu'on peut réaliser un grand film avec une poignée d'euros. On pourrait rire de certains effets spéciaux (le guéridon dévastant le salon rappelle les reconstitutions des émissions TV consacrées aux phénomènes paranormaux !) ou du jeu rohméro-bressonien de Brisseau, qui récite son texte comme pour conférer un surplus de réel à sa partenaire (Dora, réincarnation de sa femme morte il y a vingt-cinq ans ?). Mais on est plutôt saisi d'angoisse et d'émotion au spectacle dérisoire d'un vieil homme qui, sentant sa fin venir, n'a plus que ses fantômes – et le gouffre « innommable et silencieux » qui le sépare chaque jour davantage des jeunes filles et de leurs sortilèges. Il y a une grande poésie (et une scène magique avec Lise Bellynck, la blonde des Anges exterminateurs) dans ce Vertigo minimaliste, bercé par l'adagietto de la Symphonie n°5 de Mahler.



    4. L'inconnu du Lac d'Alain Guiraudie

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    Avec ses films un brin foutraques, Guiraudie ne nous avait guère habitués à cette maîtrise. Il n'y avait guère que Ce Vieux rêve qui bouge (une sorte de Théorème tranquille dans une usine en plein démontage) pour annoncer une telle plénitude. La sensualité calme de la première partie, qui se permet de faire cohabiter harmonieusement badinage, humour et sexe cru, laisse place à l'érotisme inquiet et quasi fantastique de la seconde, sans jamais, toutefois, se départir de cette incroyable douceur guiraudienne, à nulle autre pareille.



    5. Spring Breakers d'Harmony Korine

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    Fascinant Spring Breakers, cauchemar ouaté (Cliff Martinez, toujours la même musique, toujours la même apesanteur) et rejeton postmoderne du Kids de Larry Clark (d'ailleurs co-écrit par Korine). Le point de vue est ambigu – épouser celui de ses héroïnes : images MTV en boucle et bikinis ad nauseam – mais ces fêtes du spring break ne sont jamais attirantes, seulement montrées telles qu'en elles-mêmes, sexy, si l'on veut, mais aussi dans toute leur aberration – non comme un rêve à vendre mais comme celui de ses héroïnes, étudiantes au rapport nébuleux avec la réalité sociale. Pourquoi Korine ne nous montre-t-il jamais leur vie quotidienne, ce réel rasoir auquel Faith, Candy, Brit et Cotty voudraient échapper éternellement, dans un spring break perpétuel, sinon pour nous plonger, de gré ou de force, dans leur délire, leur absence de morale et de conscience – leur rêve, qui ressemble à un long tunnel de clips de rap ou de R'n'B, c'est-à-dire, pour nous, un cauchemar. La seule fille qui n'ait pas totalement renoncé à sa lucidité, Faith, est évidemment la première à disparaître du film. Quant aux autres, elles adhèreront à la vision du monde pathétique et définitivement déconnectée du réel d'Alien, petit caïd local. Mais entre la première partie – orgies de corps bronzés et épilés, de bikinis, de drogues et d'alcools –, et la seconde – fantasme fluorescent tiré de Scarface et du gangsta rap –, il n'y a pas rupture mais bien continuité. Carrément flippant.



    6. Haewon et les hommes de Hong Sang-soo

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    Un top 10 de l'année sans Hong Sang-soo, ce serait comme un film de Hong Sang-soo sans scène de beuverie. Mais ce qui rend si triste Nobody's Daughter Haewon (Haewon et les hommes), c'est sans doute que c'est cette fois avec les yeux de la jeune femme (très belle Jeong Eun-chae) que nous regardons l'habituel personnage du réalisateur, prof et amant, lâche, veule et buveur de soju, qui n'a rien à lui apporter que crises de jalousie, auto-apitoiement et poésie de pacotille avec sa version synthétique cheap et grésillante de la 7e symphonie de Beethoven.



    7. Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont

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    Dans Camille Claudel 1915, sous-estimé et oublié des palmarès, il nous faut d'abord accepter de partager l'ennui et le cauchemar de Camille – terrible première partie, magistrale Juliette Binoche – avant la fantastique arrivée de son frère Paul (Jean-Luc Vincent), onctueux, magnétique, bernanosien, illuminé jusqu'à l'aveuglement.



    8. Only God Forgives de Nicolas Winding Refn

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    Étrange film, certes (mélange improbable de David Lynch, de catégorie III de Hong-Kong et de film-cerveau Shining-like), voire carrément expérimental, mais assez fascinant. L'ange Ryan Gosling n'est plus exterminateur mais impuissant, victime d'une mère excentrique et castratrice (Kristin Scott Thomas), et dans le colimateur d'un flic psychopathe (Vithaya Pansringarm) qui n'aime rien tant que le karaoké et le démembrement au sabre (castration, encore). Et, as usual, excellent score de Cliff Martinez.



    9. Passion de Brian De Palma

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    Curieux Passion de Brian De Palma, thriller ludique hanté par Lang et Hitchcock – mais remake d'un film d'Alain Corneau –, brillant fantôme de ses grands films passés, qui tient toutes ses promesses, mais seulement ses promesses. Ce jeu de regards et de faux semblants est excitant mais ne semble renvoyer qu'à lui-même. Peut-être est-ce là, d'ailleurs, le véritable sens du film, plus qu'aucun autre ancré dans la post-modernité numérique : quand l'oeil est partout – téléphones mobiles, webcams, écrans de surveillance... –, quand chacun peut voir ou être vu, alors l'image n'est plus trace, fétiche ou oeuvre d'art, mais produit, outil, d'une manipulation...



    10. The Grandmaster de Wong Kar Wai

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    Une première partie somptueuse d'extase esthétique, où les duels confinent à l'expérience érotique, puis une seconde partie plus confuse, à la 2046, au cours de laquelle le film, bien qu'encore traversé d'incroyables fulgurances (le combat de la gare !), semble se diluer dans les ambitions épiques et historiques sergioleono-tsuiharkiennes mal maîtrisées de Wong Kar Wai, grand maître inégalé du temps vanveenien (Chungking Express, Happy Together, In The Mood For Love) : The Grandmaster est raté, donc, surtout si l'on s'attend à un film de kung-fu comme l'Ip Man de Wilson Yip (2008), mais visuellement incroyable.

  • Top 10 Films 2012

     

    1. Le Cheval de Turin de Béla Tarr & Ágnes Hranitzky

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    Symphonie minimaliste et répétitive absolument unique. Six jours d'apocalypse lente. Six jours pour que le souffle et la lumière désertent la création. Une plaine décharnée balayée par le vent, une ferme en ruine, un arbre mort. La nuit s’abat lentement sur le vieux paysan taiseux (Jànos Derzsi) et sa fille (Erika Bók), trahis par l’assèchement de leur cheval, de leur puits et du monde. Terrassant.

     

     

    2. Faust d'Alexandre Sokourov

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    L'idée géniale de Sokourov, qui signe son meilleur film depuis Mère et Fils, est d'avoir trouvé une formidable expression formelle du mythe. Si le docteur Faust lui-même brille surtout par sa fadeur, c'est en vérité parce que nous sommes les véritables victimes du démon. C'est nous (pulsion scopique) qui désirons la virginale et sensuelle Marguerite, nous qui nous attardons sur son éblouissant visage, nous qui vrillons son bas-ventre du regard. C'est nous, encore, que corrompent Méphistophélès (aussi bien Sokourov) et son corps difforme (chairs visqueuses, parties génitales à l'arrière / image anamorphosée), nous qui choisissons délibérément la voie de la volupté. Ce sont bien eux (sans oublier le talent du chef opérateur Bruno Delbonnel) irrésistible objet du désir – qui, comme le notait très justement Jacky Goldberg dans sa belle critique, finit par irradier la toile comme une icône – et monstrueuse représentation de la volonté de puissance, qui permettent au film, commencé dans la glauque lumière d'un village à l'atmosphère de mort, d'atteindre progressivement au sublime, jusqu'à l'hallucinant dénouement volcanique.

     

     

    3. Amour de Michael Haneke

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    L’appartement d’Amour n’est pas qu’un décor (fort réaliste, grâce aux talents du cinéaste et de son chef opérateur Darius Khondji), il est la représentation spatiale, topographique et dynamique, du couple incarné par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva et de son rapport au monde extérieur : fenêtres, portes, fermées, ouvertes, seuils, franchissements. C'est que, pour ces vieux amants qui n'ont d'autre désir que de se frayer un passage vers un autre monde où ils seront à nouveau réunis, heureux, l’extérieur est une menace : qu’on sonne en rêve à la porte et c’est l’asphyxie ; qu’une fenêtre s’ouvre et ici Anne s’écroule, là s’introduit un pigeon – évident psychopompe, renvoyé une première fois, puis serré sur le giron du vieil homme qui n’aspire qu’à une chose : libérer l’âme de sa bien-aimée et la retrouver telle qu’en elle-même, assise derrière son piano par exemple : ce même piano sur lequel Georges, pathétique, se met à jouer le bouleversant Ich ruf zu Dir, Herr Jesu Christ (BWV 639) de Jean-Sébastien Bach, rien moins que le thème d’ouverture de Solaris de Tarkovski – un film auquel Amour renvoie secrètement : ce n’est qu’à la disparition des avatars de Khari – malades – que Kris peut enfin rejoindre son îlot d’espace-temps ; de même, Georges ne quittera l’appartement qu’après le dernier souffle de sa femme.

     

     

    4. Cosmopolis de David Cronenberg

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    Le monde extérieur est une toile muette (cf. les génériques de début – pollockien et dans la droite lignée de celui de A Dangerous Method – et de fin – Rothko) où s'impriment non les mots mais leurs extensions fantasmatiques. Tableau expressionniste. Il suffit que le milliardaire Packer (Robert Pattinson, rigoureusement parfait) et son jeune analyste financier Michael Chin évoquent un poème dans lequel le rat devient l'unité monétaire dominante, pour que les rats se mettent à envahir l'extérieur – vu à travers l'écran/vitre de la limousine-telepod insonorisée. Eric Packer glisse dans la ville-monde en plan rapproché comme dans un rêve absurde et violent, pontué par la fascinante partition d'Howard Shore, qui n'est pas sans rappeller celle de Crash. Et l'intérieur feutré de la stretch-limo, c'est la métaphore de l'esprit, comme siège (en cuir) d'une parole virale et délirante. L'esprit du temps, le Zeitgeist, le fantôme du capitalisme.

     

     

    5. Drive de Nicholas Winding Refn

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    Bluette d'une mièvrerie éhontée, film de vengeance violent et hyper-stylisé, Drive avait tout pour me déplaire. Et pourtant, mon moi-midinette et mon moi-Conan se sont unis secrètement pour m'injecter une dose quasi mortelle d'endorphine devant cette post-série B idéale dont a toujours rêvé Michael Mann sans jamais oser la réaliser. Splendide composition des plans, avec une recherche quasi systématique des lignes de fuite (copyright Hélène Bora Coquecigruë). D'accord, Drive est sorti le 5 octobre 2011. Mais c'est moi qui fixe les règle. Okay ?

     

     

    6. Moonrise Kingdom de Wes Anderson

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    A l'image de Fantastic Mr. Fox, Moonrise Kingdom est un authentique et euphorisant cartoon live, d'une inventitivé visuelle de tous les instants. Il y a même, mais oui, quelque chose de bouleversant dans cette course effrénée du couple d'enfants-amants vers un impossible et autistique jardin d'Eden. Un rythme fou, et une grande maîtrise.

     

     

    7. The Day He Arrives (Matins calmes à Séoul) de Hong Sang-soo

    The Day He Arrives.jpegEmouvante énième variation du coréen Hong Sang-soo autour de sa figure fétiche de cinéaste paumé, lâche et alcoolique. Comme d'habitude – mais dans le magnifique noir et blanc qui conférait déjà à La Vierge mise à nu par ses prétendants une pointe irrationnelle de nostalgie Nouvelle Vague – les personnages se croisent et les événements (comme les films) se répètent, mais ici le décalage suscite le malaise, parce que les reprises des mêmes scènes – en particulier dans le bar « Roman » – interviennent dans une narration à priori linéaire. Dès lors Seungjun nous apparaît hagard, comme empêtré dans la trame sans fin de ses échecs, prisonnier de ses propres schémas mentaux. Rohmer + 3 bouteilles de soju = Resnais.

     

     

    8. Un monde sans femmes de Guillaume Brac

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    Comédie mélancolique sur les déboires sentimentaux d’un célibataire maladroit dans une station balnéaire de Picardie. Le réalisateur saisit au vol avec une rare délicatesse ces instants fugitifs du jeu de la séduction, quand un courant inattendu passe soudain entre deux êtres… Il y a du Rohmer (décidément) dans le cinéma de Guillaume Brac, du Rozier aussi. Touchant.



    9. Le Marin masqué de Sophie Letourneur

    Le marin masque.jpgSophie Letourneur m'avait déjà passablement impressionné avec La Vie au Ranch, chronique survoltée et discrètement désenchantée d’un groupe d’étudiantes fêtardes et immatures. Elle confirme avec un court-métrage rohmero-truffaldien franchement réussi. Noir et blanc désuet, dialogues post-synchronisés (façon Nouvelle Vague, encore) et voix off légère créent d’incessants décalages : façon efficace et sophistiquée de noyer la mélancolie sous les artifices acidulés. Ca ne dure que 38 minutes mais c’est un pur plaisir.

     

     

    10. Avengers de Joss Whedon

    avengers.jpg À mille lieues des boursouflures d'un Hobbit, Joss Whedon maîtrise son sujet presque à la pefection : scénario et découpage efficaces, effets spéciaux réussis, dynamisme et maîtrise des scènes d'action. Tout juste regretterons-nous le caractère trop impersonnel des bestioles venues d'Asgard, lors de la bataille finale. Mais ne boudons pas notre plaisir : voir Thor le bombeur de torse, Captain America le propre sur lui, Iron Man l'alcoolique et Hulk le pas content réunis pour contrer l'infâme et tragique Loki, c'est un plaisir purement régressif, certes, mais non moins intense. Les filles ne peuvent pas comprendre.