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  • Top 10 Films 2012

     

    1. Le Cheval de Turin de Béla Tarr & Ágnes Hranitzky

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    Symphonie minimaliste et répétitive absolument unique. Six jours d'apocalypse lente. Six jours pour que le souffle et la lumière désertent la création. Une plaine décharnée balayée par le vent, une ferme en ruine, un arbre mort. La nuit s’abat lentement sur le vieux paysan taiseux (Jànos Derzsi) et sa fille (Erika Bók), trahis par l’assèchement de leur cheval, de leur puits et du monde. Terrassant.

     

     

    2. Faust d'Alexandre Sokourov

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    L'idée géniale de Sokourov, qui signe son meilleur film depuis Mère et Fils, est d'avoir trouvé une formidable expression formelle du mythe. Si le docteur Faust lui-même brille surtout par sa fadeur, c'est en vérité parce que nous sommes les véritables victimes du démon. C'est nous (pulsion scopique) qui désirons la virginale et sensuelle Marguerite, nous qui nous attardons sur son éblouissant visage, nous qui vrillons son bas-ventre du regard. C'est nous, encore, que corrompent Méphistophélès (aussi bien Sokourov) et son corps difforme (chairs visqueuses, parties génitales à l'arrière / image anamorphosée), nous qui choisissons délibérément la voie de la volupté. Ce sont bien eux (sans oublier le talent du chef opérateur Bruno Delbonnel) irrésistible objet du désir – qui, comme le notait très justement Jacky Goldberg dans sa belle critique, finit par irradier la toile comme une icône – et monstrueuse représentation de la volonté de puissance, qui permettent au film, commencé dans la glauque lumière d'un village à l'atmosphère de mort, d'atteindre progressivement au sublime, jusqu'à l'hallucinant dénouement volcanique.

     

     

    3. Amour de Michael Haneke

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    L’appartement d’Amour n’est pas qu’un décor (fort réaliste, grâce aux talents du cinéaste et de son chef opérateur Darius Khondji), il est la représentation spatiale, topographique et dynamique, du couple incarné par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva et de son rapport au monde extérieur : fenêtres, portes, fermées, ouvertes, seuils, franchissements. C'est que, pour ces vieux amants qui n'ont d'autre désir que de se frayer un passage vers un autre monde où ils seront à nouveau réunis, heureux, l’extérieur est une menace : qu’on sonne en rêve à la porte et c’est l’asphyxie ; qu’une fenêtre s’ouvre et ici Anne s’écroule, là s’introduit un pigeon – évident psychopompe, renvoyé une première fois, puis serré sur le giron du vieil homme qui n’aspire qu’à une chose : libérer l’âme de sa bien-aimée et la retrouver telle qu’en elle-même, assise derrière son piano par exemple : ce même piano sur lequel Georges, pathétique, se met à jouer le bouleversant Ich ruf zu Dir, Herr Jesu Christ (BWV 639) de Jean-Sébastien Bach, rien moins que le thème d’ouverture de Solaris de Tarkovski – un film auquel Amour renvoie secrètement : ce n’est qu’à la disparition des avatars de Khari – malades – que Kris peut enfin rejoindre son îlot d’espace-temps ; de même, Georges ne quittera l’appartement qu’après le dernier souffle de sa femme.

     

     

    4. Cosmopolis de David Cronenberg

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    Le monde extérieur est une toile muette (cf. les génériques de début – pollockien et dans la droite lignée de celui de A Dangerous Method – et de fin – Rothko) où s'impriment non les mots mais leurs extensions fantasmatiques. Tableau expressionniste. Il suffit que le milliardaire Packer (Robert Pattinson, rigoureusement parfait) et son jeune analyste financier Michael Chin évoquent un poème dans lequel le rat devient l'unité monétaire dominante, pour que les rats se mettent à envahir l'extérieur – vu à travers l'écran/vitre de la limousine-telepod insonorisée. Eric Packer glisse dans la ville-monde en plan rapproché comme dans un rêve absurde et violent, pontué par la fascinante partition d'Howard Shore, qui n'est pas sans rappeller celle de Crash. Et l'intérieur feutré de la stretch-limo, c'est la métaphore de l'esprit, comme siège (en cuir) d'une parole virale et délirante. L'esprit du temps, le Zeitgeist, le fantôme du capitalisme.

     

     

    5. Drive de Nicholas Winding Refn

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    Bluette d'une mièvrerie éhontée, film de vengeance violent et hyper-stylisé, Drive avait tout pour me déplaire. Et pourtant, mon moi-midinette et mon moi-Conan se sont unis secrètement pour m'injecter une dose quasi mortelle d'endorphine devant cette post-série B idéale dont a toujours rêvé Michael Mann sans jamais oser la réaliser. Splendide composition des plans, avec une recherche quasi systématique des lignes de fuite (copyright Hélène Bora Coquecigruë). D'accord, Drive est sorti le 5 octobre 2011. Mais c'est moi qui fixe les règle. Okay ?

     

     

    6. Moonrise Kingdom de Wes Anderson

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    A l'image de Fantastic Mr. Fox, Moonrise Kingdom est un authentique et euphorisant cartoon live, d'une inventitivé visuelle de tous les instants. Il y a même, mais oui, quelque chose de bouleversant dans cette course effrénée du couple d'enfants-amants vers un impossible et autistique jardin d'Eden. Un rythme fou, et une grande maîtrise.

     

     

    7. The Day He Arrives (Matins calmes à Séoul) de Hong Sang-soo

    The Day He Arrives.jpegEmouvante énième variation du coréen Hong Sang-soo autour de sa figure fétiche de cinéaste paumé, lâche et alcoolique. Comme d'habitude – mais dans le magnifique noir et blanc qui conférait déjà à La Vierge mise à nu par ses prétendants une pointe irrationnelle de nostalgie Nouvelle Vague – les personnages se croisent et les événements (comme les films) se répètent, mais ici le décalage suscite le malaise, parce que les reprises des mêmes scènes – en particulier dans le bar « Roman » – interviennent dans une narration à priori linéaire. Dès lors Seungjun nous apparaît hagard, comme empêtré dans la trame sans fin de ses échecs, prisonnier de ses propres schémas mentaux. Rohmer + 3 bouteilles de soju = Resnais.

     

     

    8. Un monde sans femmes de Guillaume Brac

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    Comédie mélancolique sur les déboires sentimentaux d’un célibataire maladroit dans une station balnéaire de Picardie. Le réalisateur saisit au vol avec une rare délicatesse ces instants fugitifs du jeu de la séduction, quand un courant inattendu passe soudain entre deux êtres… Il y a du Rohmer (décidément) dans le cinéma de Guillaume Brac, du Rozier aussi. Touchant.



    9. Le Marin masqué de Sophie Letourneur

    Le marin masque.jpgSophie Letourneur m'avait déjà passablement impressionné avec La Vie au Ranch, chronique survoltée et discrètement désenchantée d’un groupe d’étudiantes fêtardes et immatures. Elle confirme avec un court-métrage rohmero-truffaldien franchement réussi. Noir et blanc désuet, dialogues post-synchronisés (façon Nouvelle Vague, encore) et voix off légère créent d’incessants décalages : façon efficace et sophistiquée de noyer la mélancolie sous les artifices acidulés. Ca ne dure que 38 minutes mais c’est un pur plaisir.

     

     

    10. Avengers de Joss Whedon

    avengers.jpg À mille lieues des boursouflures d'un Hobbit, Joss Whedon maîtrise son sujet presque à la pefection : scénario et découpage efficaces, effets spéciaux réussis, dynamisme et maîtrise des scènes d'action. Tout juste regretterons-nous le caractère trop impersonnel des bestioles venues d'Asgard, lors de la bataille finale. Mais ne boudons pas notre plaisir : voir Thor le bombeur de torse, Captain America le propre sur lui, Iron Man l'alcoolique et Hulk le pas content réunis pour contrer l'infâme et tragique Loki, c'est un plaisir purement régressif, certes, mais non moins intense. Les filles ne peuvent pas comprendre.