Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Malcolm Lowry, Sous le Volcan, chapitre 10

    Quetzalcoatl, malcolm lowry, sous le volcan, under the volcano

     

    X

     

    « "Mescal", prononça presque distraitement le Consul. » Génie inaugural du premier mot, le mescal – cette boisson dont Geoffrey lui-même annonçait plus tôt à Laruelle que s'il se remettait à boire, la fin ne serait pas loin (en version originale : « I'm afraid, yes, that would be the end »). (Il semble que l'ajout dans les bouteille de mescal d'une larve de chilocuil ne date que des années quarante. Or, selon Lowry, le chapitre ne fut achevé qu'après l'incendie de sa maison, en 1944. J'ignore donc s'il avait connaissance de cette pratique naissante, mais je ne peux m'empêcher d'attribuer au mescal, boisson habitée par le serpent, quelque propriété occulte).

    Lire la suite

  • Malcolm Lowry, Sous le Volcan, chapitre 9

    sous le volcan, malcolm lowry, under the volcano, Miquel Barceló, La cuadrilla

    Miquel Barceló, La cuadrilla, 1990

     

     

    IX

     

    And I will show you something different from either

    Your shadow at morning striding behind you

    Or your shadow at evening rising to meet you;

    I will show you fear in a handful of dust

    T. S. Eliot, The Waste Land

     

    Et je te montrerai quelque chose qui n'est

    Ni ton ombre au matin marchant derrière toi

    Ni ton ombre le soir surgie à ta rencontre;

    Je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière.

    (Terre Vaine, trad. Pierre Leyris)

     

    « Sus à l'arène sanglante » avait dit le Consul, faisant pleurer Yvonne, hantée par l'image d'un chien mourant « dont les ruisseaux de sang striaient le trottoir désert ». Dans les gradins bigarrés où seuls s'excitent les borrachos, elle croit voir, à travers le miroir, obscurément, la vieille aux dominos de Tarasco – mauvais présage –, ou encore son propre père : s'arrachant au spectacle pathétique des monteurs de taureau, Yvonne s'abîme dans ses souvenirs d'enfance – ses ambitions d'actrice (Yvonne Constable la « Boomp Girl »,) qui d'étoile en devenir (Yvonne la Terrible – ni tsar ni star) finit par étudier l'astronomie sous la coupe de son oncle à Honolulu avant d'épouser un millionnaire puis de tenter à nouveau sa chance à Hollywood, où elle rencontre Jacques Laruelle, le réalisateur du Destin d'Yvonne Griffaton (allusion au Griffon sans doute, puissant symbole de résurrection). À peine tirée de sa rêverie, elle replonge illico dans le fantasme d'une vie édénique avec… Hugh ? non, le Consul plutôt : une maison en pin, en bord de mer, théâtre de leur amour cosmique… Les rêves d'évasion d'Yvonne sont moins pathétiques que profondément émouvants – parce qu'au bout du chemin, elle le sait, sa lumière sera ternie par silhouette incertaine d'une « femme hystérique tressautant comme une marionnette et cognant des poings contre le sol »… Et quand Hugh, velléitaire, se jette dans l'arène et dompte un taureau apathique, Geoffrey et Yvonne, probablement mus par quelque funeste pressentiment, sont comme des « prisonniers limités par le temps qui se dépêchent de bavarder et de s'accorder dans la confusion », se hâtant de préparer leur résurrection… Ce n'est hélas, comme la vision d'Yvonne, qu'un funeste mirage, la « réverbération du soleil sur des milliers de bouteilles cassées »...