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littérature - Page 12

  • Entre les murs de Laurent Cantet

     

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    Pour peu qu’on accepte d’ôter le temps d’une projection les œillères idéologiques que nous trimballons tous plus ou moins, Entre les murs s’impose non comme un chef d'œuvre, mais comme un grand moment de cinéma. Réalisateur des remarqués Ressources humaines et L’Emploi du temps, Laurent Cantet adapte un roman de François Bégaudeau et filme une classe de quatrième d’un collège parisien classé en ZEP. Avant d’entrer plus avant dans l’analyse et l’interprétation, balayons immédiatement un malentendu : Entre les murs n’est pas un documentaire. Du reste, contrairement à ce qu’affirment certains, comme mon ami François, les auteurs n’ont jamais entretenu cette confusion : il suffit pour s’en convaincre de lire leurs entretiens, où est dévoilée la méthode d’atelier de Laurent Cantet. Certes, les acteurs sont tous des non professionnels : François Bégaudeau incarne son double François Marin, et les élèves et les autres professeurs, tous très bons (à l’exception du professeur de techno qui pète les plombs, vraiment pas convaincant !) ont été recrutés au collège Françoise Dolto, proche du collège Jean Jaurès où s’est déroulé le tournage. Certes encore, en captant avec ses trois caméras HD des scènes de classe aussi improvisées qu’encadrées – les jeunes protagonistes n’avaient pas lu le scénario –, en filmant aussi bien les dialogues que leur périphérie – un élève qui se balance sur sa chaise, une autre qui somnole, la tête posée à même sa table, etc. –, le film revêt inévitablement un caractère documentaire, évidemment renforcé par le filmage HD très neutre, au plus près des visages, des corps, des gestes et des paroles. Mais les élèves jouent des rôles prédéterminés, souvent à contre-emploi (Frank Keita par exemple, qui joue Souleymane, serait en réalité un garçon très calme). Et surtout, Laurent Cantet non seulement sait où il va – nous restons dans le cadre général du livre de Bégaudeau –, mais encore procède, comme nous le verrons, à une authentique et très habile mise en scène de la situation. Dès lors, il devient rigoureusement impossible d’identifier un discours, une idéologie, défendus par Entre les murs. Puisque nous sommes en présence non d’un documentaire mais d’une « représentation de représentation » du réel, nous nous contenterons alors de l’interpréter.

     

    Entrelesmurs1.jpgLe dispositif formel d’Entre les murs (Palme d’Or à Cannes) est extrêmement simple. Certains ont noté le positionnement des caméras, toujours du même côté de la classe, en arbitre impartial du jeu qui se déroule sous nos yeux. Nous avons d’une part le professeur, avec sa personnalité propre, ses idées, ses méthodes – bonnes ou mauvaises –, son système pédagogique, ses positions sur la discipline, ses errements et ses dérapages, un professeur, en somme, qui fait ce qu’il peut pour faire son travail, transmettre un savoir et éveiller ces adolescents à la réflexion, à la curiosité, bref, à l’intelligence en acte ; nous avons de l’autre les élèves agités, inattentifs, parfois violents, avec leur tchatche, leurs insultes, leur langage spécifique – un langage rompu aux arcanes du combat, comme le note justement Pierre Cormary dans une critique à charge par ailleurs très confuse, dont je ne partage pas du tout les conclusions –, leurs railleries incessantes et leur tragique incapacité à assimiler les leçons de leurs enseignants, mais aussi avec leur incroyable vitalité. François Marin/Bégaudeau n’incarne pas l’excellence. Il n’a même pas valeur d’exemple. À l’inverse de son collègue professeur d’histoire et géographie, il ne se drape pas dans les principes, alors il tâtonne, multipliant les erreurs, « charriant » plus qu’à son tour, jusqu’à comparer le comportement de deux greluches à celui de « pétasses », provoquant alors de sérieux remous…

     

    Entrelesmurs2.jpgAu centre, donc, la caméra. D’autres critiques ont par ailleurs évoqué le morcellement de l’espace par le montage. Au plan d’ensemble, Laurent Cantet préfère ici le plan rapproché et le gros plan : c’est avec la même neutralité que sont non pas jugés mais observés François Marin/Bégaudeau, ses élèves, ses collègues dans la salle des profs ou au conseil de classe… Observés, non froidement comme les cobayes de quelque expérience, non comme des figures générales (« prof », « élèves ») mais avec empathie, c’est-à-dire considérés comme des individus à part entière, dans toute leur singularité. S’il y a bien confrontation, donc, entre une classe et un professeur, cette classe n’en est pas moins constituée d’élèves d’origines sociales et ethniques diverses, qui eux aussi ont leur histoire, leurs préoccupations, et leur personnalité propres. Le jeu de champs et contrechamps serrés qui fusent au rythme quasi slamé des répliques, vise moins à « donner raison » aux méthodes de Marin (par exemple lors de ses face-à-face avec son rival idéologique, le prof d’histoire), dont nous avons vu qu’elles étaient pour le moins discutables – surtout en matière de discipline –, qu’à nous faire reconsidérer les débats autour de l’école – malgré toutes les réserves, souvent d’une violence hors de propos, que suscitent ses choix pédagogiques, Marin/Bégaudeau parvient parfois à ses fins mieux que quiconque –, ainsi qu’à mettre en scène un rapport de force – à chacun son territoire : s’ils tolèrent tout juste l’autorité du professeur dans l’enceinte de la salle de cours, les élèves s’opposent violemment à lui lorsque ce dernier, dans une séquence d’une rare intensité, s’en prend à eux dans la cour, leur domaine… Reste que cette fragmentation de l’espace tend à égaliser la parole (« Pour vous, enculé, c’est comme pour nous, pétasse »), à relativiser l’importance des uns et des autres, à embrasser avec la même bienveillance la parole du professeur et celle des élèves. C’est d’ailleurs le principal reproche fait au film par ses détracteurs, souvent professeurs eux-mêmes… Ils ont tort : si Entre les murs épouse le point de vue de Marin/Bégaudeau, il n’en montre pas moins ses inquiétantes impasses. À cette fragmentation paritaire et égalitaire de l’espace, qui fait clairement écho à la perte de pouvoir du professeur, s’ajoute un troisième choix essentiel de mise en scène, d’autant plus discret qu’il n’est pas visible, et décisif pour la compréhension du film : l’aplatissement temporel.

     

    Plus encore que le livre de François Bégaudeau, le film de Laurent Cantet anéantit systématiquement toute notion de durée et de temporalité. Entre les murs se déroule tout au long d’une année scolaire, du premier au dernier jour, et l’on assiste à quelques événements incontournables de la vie scolaire, comme un conseil de classes et quelques incursions en salle des profs, mais d’une scène à l’autre rien n’indique qu’une période plus ou moins longue a éventuellement pu s’écouler. Comme l’indique le titre, nous restons entre les murs du collège : ni les tenues vestimentaires, ni les événement extérieurs, ne nous donnent le moindre indice d’une quelconque progression. Il est bien fait référence à la Coupe d’Afrique des Nations, mais le football revient comme un leitmotiv dans la bouche des élèves comme l’une de leurs préoccupations majeures, et ne rompt pas avec cette impression de stase temporelle. En fait, les deux seuls événements marquants qui débordent du cadre de la vie scolaire, sont la menace d’expulsion de la mère chinoise en situation irrégulière du jeune Wei, et l’exclusion définitive de Souleymane, dont le père risque alors de le renvoyer au Mali. Or, le film ne se préoccupe plus par la suite du sort de la mère de Wei, et Souleymane doit son exclusion au comportement du professeur, qui par souci de dialoguer avec ses élèves, avec leurs propres armes, a laissé la situation s’envenimer… C’est Marin, en traitant Esmaralda et sa collègue déléguée de classe de « pétasses », qui ouvre des brèches dans l’équilibre instable qu’il avait instauré. Mais cet incident ne change rien. Pas même pour Souleymane en définitive : celui-ci sera envoyé dans un autre collège, de la même façon que Carl, exclu ailleurs, est arrivé à Dolto. Les mois passent donc sans que nous en prenions conscience, et surtout sans que le bagage scolaire et le comportement de certains élèves – la plupart… – n’ait évolué d’un iota. Oh, il y a bien cette scène inattendue, qui voit Marin/Bégaudeau estomaqué par la petite Esmeralda, lectrice improbable de La République de Platon, mais c’est sur le conseil de sa sœur, et non sous l’autorité de l’institution, que la jeune fille s’y est intéressée… Le triptyque final d’Entre les murs (le constat d’échec de la petite Henriette ; le match de foot dans la cour ; les deux derniers plans de la salle de classe vide) n’enlève rien à la bienveillance du film envers ses jeunes protagonistes, bien au contraire, mais s’avère d’un pessimisme rare. D’abord, donc, il y a Henriette, cette jeune élève effacée, qui ne pipait mot pendant les cours, et qui vient après l’ultime cours de l’année, le regard perdu, avouer à son professeur – ébranlé par la révélation – qu’elle n’a rien appris, et même rien compris, durant toute son année scolaire... Ensuite, il y a ce match de foot dans la cour, séquence magnifique, faussement anodine, qui montre une dernière fois la vitalité de ces enfants, mais aussi l’échec total d’un environnement scolaire qui n’aura pas réussi à leur faire accepter et assimiler d’autres valeurs, d’autres connaissances que les noms des clubs et des joueurs. Même en cours de français, on préfère parler de la défaite du Mali face au Maroc qu’apprendre les différents registres de langue. Enfin, les deux plans de la salle de classe vidée de ses élèves, chaises et tables sens dessus dessous, enfoncent le clou avec une simplicité exemplaire : les élèves ne sont pas là. Ils n’ont jamais vraiment été là. Ils s’agitent en tout sens sans raison, ils tchatchent dans le vide, contredisant les sages paroles tatouées en arabe sur le bras de Souleymane (« Si ce que tu as à dire n’est pas plus important que le silence, alors tais-toi »), et n’attendent strictement rien de l’école.

     

    Entre les murs est une histoire d’enfermement. Une année est passée et rien, ou presque, n’a changé. Les professeurs sont désabusés (citons de mémoire la présentation de l’un d’entre eux, lors d’un tour de table au début du film : « J’enseigne dans ce collège depuis… oumph, un certain nombre d’années déjà… Bienvenue aux nouveaux. Et bon courage… »), impuissants (ils ont perdu tout pouvoir et se raccrochent à n’importe quoi, par exemple une machine à café, mais même elle finit par leur échapper), prisonniers au sein même de leur établissement (quand Marin se réfugie dans la cantine pour y fumer une cigarette, la femme de ménage lui fait une remontrance), et contraints de voir leurs joies et satisfactions déplacées exclusivement dans le monde extérieur (l’annonce de la grossesse en salle des profs). Quant aux élèves, ils attendent la quille, sans aucun égard pour leur avenir. La cour du collège est d’ailleurs filmée d’une fenêtre en hauteur, comme du haut d’un mirador. Laurent Cantet réussit le tour de force de réaliser un film sur l’école et sur ce qui se joue de crucial entre ses murs, sans raccourci simpliste, tout en nous faisant accéder à la singularité de ses protagonistes – jusqu’à nous les faire aimer, sans pathos, sans les artifices et clichés habituels de la fiction. À la fois électrisant et terrifiant – superbe.

     

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  • Lothar Blues de Philippe Curval

     

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    « Alors, que nos correspondants se rassurent, d’ici quelques années les premiers balbutiements d’un bébé ne seront plus “papa” ou “maman”, mais “simili”. C’est ainsi que l’on se propose de nommer les futurs précepteurs de notre progéniture ».

    Philippe Curval, Lothar Blues.

     

     

     

     

    Après Georges Panchard et sa Forteresse, la prestigieuse collection Ailleurs & Demain dirigée par Gérard Klein s’enrichit enfin d’un nouveau roman francophone, Lothar Blues, le dernier opus en date d’un des grands noms de la SF française, Philippe Curval. Celui-ci nous l’avait promis : dans Lothar Blues les robots ne sont ni asimoviens, ni dickiens, mais assurément… curvaliens.

     

    Deuxième moitié du XXIème siècle. Dans l’Europe d’après les Années de chien, l’essentiel du travail est accompli par des robots. Pendant que les quasis patrouillent avec leurs équipiers humains, des similis éduquent vos enfants bien mieux que vous ne le feriez vous-même. Normal : vous êtes tous névrosés, et eux, pas. C’est ainsi que Noura M’Salem, grand créateur d’environnements virtuels scénarisés, aux jambes en kevlar, a été élevé par un robot-nounou à l’apparence de gribouillis d’enfant nommé Lothar. Or voici qu’après des années, Lothar resurgit, renvoyé par le garde-meuble où celui-ci, jugé inutile, végétait. Mais alors qu’il s’apprêtait à délivrer un important message à Noura, Lothar disjoncte…

     

    Entre Paris, Barcelone et la Moldavie, c’est avec bonne humeur et causticité qu’un Philippe Curval en forme olympique nous convie au spectacle des aventures rocambolesques de Noura, Lothar, Skylee et des autres. Et il s’en passe, des choses ! Le très mussolinien Karel Burr (dont le nom, entre Karel Čapek, l’inventeur du mot « robot », et Raymond Burr – l’homme de fer – en dit long sur sa véritable nature…) exige le recyclage de tous les robots, qui empêchent les humains de travailler, et appelle de ses vœux l’avènement de l’ère postechn. Jerzy Liesenstein, dans un genre plus débraillé – cet auteur de plusieurs pamphlets et d’un roman de SF vit dans une vieille piscine aménagée en bibliothèque et couverte d’une bâche de l’armée – réclame de son côté la fin du travail (Curval, lui, connaissant les valeurs du travail comme de l’oisiveté, les renvoie dos à dos). Bref, la paix bien policée de l’administration de Bruxbourg (« Tout semble calme et indolore dans notre monde anesthésié. En réalité, le danger rôde partout ») commence à se fissurer sur les bords. Et tandis que la tension monte (et que des robots collent des procès aux fesses de leurs propriétaires pour être libérés en fin de contrat), Noura tente de renouer avec son passé et de trouver ce que sont vraiment devenus son père (l’ex-chercheur en inconscient robotique se serait fait « recycler »…) et sa mère, dont il ne resterait plus qu’une copie numérique réfugiée dans un monastuel…

     

    Au bras d’une ravissante matsushita (un robot théâtreux aux formes avantageuses), puis d’une mutante qui s’avère être sa sœur, puis qui s’avère ne l’être pas, et en compagnie d’un Lothar à la conscience émergeante et pince-sans-rire, Noura M’Salem s’acoquine avec le réparateur de robots Sylvain Borodine – qui lui révèle un secret à l’abri d’une bulle asynchrone et greffe un deuxième bion (un cœur, si l’on veut) à Lothar –, il critique la société des loisirs, prend le errehère, pourchasse des moutons virtuels au Pays de Galles, s’affronte à Karel Burr et palabre avec son vieux pote Liesenstein, se souvient de Woody et les robots, se baguenaude dans le quartier de la Contrescarpe, assiste aux premières manifs de robots illuminés par la grâce de Dieu, s’afflige du racisme anti-robots ordinaire ; et surtout, surtout, en pleine pagaille, notre homme doit composer avec une découverte aussi vertigineuse qu’improbable, où l’on apprend que Dieu ne serait pas Dieu mais un Über-robot de von Neumann nommé Vatek – nous allons y revenir –, et que la nana qui vient de s’étriper avec une autre nana serait une Ève future, rien que ça, capable grâce aux paquets d’ondes et aux pépites de quarks de se projeter quelques picosecondes dans l’avenir…

     

    Par des moyens assez extraordinaires, nous apprenons donc que nous ne serions en réalité que des organismes génétiquement modifiés, choisis et améliorés par une intelligence artificielle, une « espèce légendaire qui parcourt l’univers afin d’y faire naître l’intelligence ». Ces « entités fonctionnelles » auraient provoqué l’accélération de nos capacités physiques et intellectuelles. Pourquoi ? Qui sont-elles ? Qui les as créées ? Nous n’en saurons rien. On les appelle les « semeurs de pensée ». Leur but, selon le père (mort) de Noura M’Salem, serait tout simplement de faire éclore le langage : « Le monde n’existe que lorsqu’il est nommé. Dès le moment où les créatures qu’ils ont manipulées accèdent à ce pouvoir, elles créent une réalité qui leur est propre, donc un objectif existentiel dont elles gèrent la finalité selon leurs choix ». En donnant à ses personnages des noms bibliques ou célestes (Sarah, Eliah, Noura [1], Skylee…), et en terminant son livre par l’avènement programmé d’une nouvelle humanité, l’auteur propose une relecture matérialiste et athée de nos mythes fondateurs. Mais Philippe Curval n’approfondit malheureusement pas les conséquences métaphysiques de ces formidables révélations. L’existence de Vatek évacue-t-elle forcément l’idée de Dieu ? Son échec (il aurait « commis une erreur monumentale en accélérant l’émergence d’un hominidé pris au hasard parmi des centaines d’autres », empêchant ainsi une saine concurrence de s’installer et de prévenir les bassesses et fourberies de l’humanité moderne) rend-il forcément inutiles les religions ? Rien n’est moins sûr.

     

    On pourrait aussi regretter, par exemple, que la théorie, assez loufoque il est vrai, de l’inconscient robotique soit si peu développée, ou que l’utilisation par l’auteur des théories déjà maniées récemment par Stephen Baxter dans Temps soit si peu exploitée, mais nous devons bien admettre que précisément Lothar Blues s’inscrit dans une démarche de divertissement, d’hommage aux pulps et aux récits de « l’âge d’or » de la science-fiction, sans pour autant renoncer à nous renvoyer un reflet bien foutraque, bien anar – et beaucoup plus amusant que celui de La Zone du Dehors d’Alain Damasio – du système social-libéral qui est le nôtre, et qui entend réglementer chacun de nos comportements. Mais Philippe Curval, certes conscient des déterminismes mais farouche existentialiste, préfère à la lutte organisée, qui suppose d’adhérer à un projet idéologique, la réaffirmation de la souveraineté de la liberté individuelle.

     

    Avec le magicien Noura et son fidèle Lothar – l’hommage à Mandrake n’aura échappé à personne –, Philippe Curval a décidé de réenchanter le monde, à sa manière, non sans porter sur le nôtre un regard acéré, comme en témoignent encore les faux articles de journaux intercalés entre les chapitres du roman, qui tout en éclairant tel ou tel élément de son univers, renvoient dans Lothar Blues – aussi politique que l’était Cette chère humanité, mais bien plus ludique – à nos problématiques actuelles. Vatek, c’est Curval lui-même bien sûr, qui, ne trouvant peut-être pas notre époque à son goût, et plutôt que de pleurer sur ce qu’elle aurait pu être, propose de la faire exploser joyeusement par la seule arme dont il dispose, la science-fiction, un peu à la manière d’un Roland C. Wagner dans les Futurs mystères de Paris (n’est-ce pas, cher Alain, la meilleure façon de devenir un « arterroriste » ? Noura aussi (ce nom peut aussi désigner Dieu), scénariste d’envirtuels sartrien, c’est lui. Comme le dit Jerzy, l’ami metteur en scène de Noura, l’individu doit construire son double réel à partir de son image virtuelle. Alors même si on jugera parfois cette intrigue tirée par les cheveux, même si les œuvres majeures de l’auteur sont désormais derrière lui (La forteresse de coton, L’homme à rebours, Cette chère humanité…), et même si Lothar Blues aurait tout de même probablement gagné à délaisser de temps à autre son ton imperturbablement primesautier pour se prendre un peu plus au sérieux, même en considérant ces modestes réserves donc, Philippe Curval n’avait tout simplement pas fait mieux depuis Congo Pantin – à l’exception peut-être de l’excellent recueil Rasta solitude – et nous livre mine de rien une splendide métaphore de l’écriture.

     

    Cet article est la version in extenso d’une note de lecture parue dans le premier numéro de Galaxies (nouvelle série).



    [1] De l’Arabe Nûr, « la lumière ».

     

  • Galaxies Nouvelle Série

     

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    L’ancienne revue de science-fiction Galaxies est morte, mais sous la direction de Pierre Gévart, Galaxies reprend vie, légèrement différente, certes non exempte de défauts – la maquette laisse encore à désirer, et les coquilles, inexactitudes bibliographiques et autres erreurs sont encore légion – mais incontestablement prometteuse, à mille parsecs de l’image catastrophique qu’une poignée de dindes cosmiques ont tenté de propager, sans doute pour mieux occulter leurs propres insuffisances. Certes, les nouvelles publiées dans ce premier numéro ne sont pas de l’étoffe dont on fait les impérissables chefs d’œuvre, mais « Engadine » de Xavier Mauméjean, avec ses anges destructeurs et sa chute très philosophique qui prolonge (et en quelque sorte renverse) le fameux « Au commencement était le verbe » de Jean, et « Hommes d’équipage, les papillons tissent les voiles » de vos vaisseaux » de Fred Serva, poétique et mystérieux, sont assurément de beaux textes, tandis que Georges Panchard, l’auteur de Forteresse, confirme encore son talent avec « Les cercles intérieurs », où s’opposent les hommes trop pressés de la compagnie Dechronics, qui cherchent à vaincre le temps, et l’harmonieuse temporalité végétale, magnifiquement incarnée par les monologues intérieurs d’un chêne serein et séculaire qui bien sûr n’est pas sans rappeler le légendaire Sylvebarbe du Seigneur des Anneaux. À noter aussi, un dossier Alastair Reynolds, préparé par Gilbert Millet avant sa disparition en 2006, comprenant une nouvelle, « L’histoire véritable » (sur un pionnier schizo de la colonisation martienne), un article de Gilbert et un entretien avec Reynolds peu convaincant : l’auteur donne vraiment l’impression de n’avoir strictement rien à dire, ni sur son œuvre, ni sur le monde – ce qui n’est certes pas le cas de Joëlle Wintrebert qui répond à mes questions un brin offensives (nous bataillons par exemple sur les rapports entre enfantement et féminité…)…

     

    GalaxiesNS1.jpgEnfin, signalons un article de Denis Labbé consacré à La Route de Cormac McCarthy, qui s’achève sur une conclusion discutable : « Ce côté inéluctable, écrit-il, ajoute à l’universalité du récit qui peut alors s’inscrire dans tout futur plus ou moins proche où seul demeure l’espoir de voir se reconstruire une communauté moins individualiste, moins gangrenée par son désir d’amasser. Car pour l’auteur, c’est bien la foule qui génère la violence, une foule avide, bestiale, archaïque, qui n’obéit qu’à ses bas instincts ». De la foule à la communauté, y a-t-il une telle distance ?... Il n’est question, dans La Route – comme dans L’homme de Londres de Béla Tarr, vu cet après-midi et dont je vous parlerai bientôt – que de choix individuels. Ce feu, cher Denis, dont le père et l’enfant se disent les porteurs, n’est pas tant celui de Prométhée modernes dans une ère d’obscurantisme, que celui du bien, celui de l’Amour…

     

    Le numéro deux de Galaxies Nouvelle Série sort tout juste, avec, en tête d’affiche, quelques fragments inédits (mais formellement accomplis) de La Horde du contrevent d’Alain Damasio, dont l’un, « Le conte du ventemps », pourrait constituer une merveilleuse entrée en matière dans l’univers de La Horde. Également au programme : un dossier space opera, la SF en Suède, et des nouvelles de Will McIntosh, Daniel Paris, Kevin J. Anderson, Alain le Bussy, Stephen Woodworth et Linda Nagata, auteurs dont je n’ai jamais rien lu, et qui, pour certains (Kevin J. Anderson par exemple) ne m’inspirent pas grande confiance… Espérons être surpris.

     

    Enfin je ne peux pas conclure, évidemment, sans évoquer la rubrique critique, que je coordonne toujours. Celle-ci accueille de nouveaux chroniqueurs doués, parmi lesquels Jérôme Lavadou et François Chauvin, qui rejoignent donc d’autres connaisseurs comme Claude Ecken, Éric Vial (qui m’avait récemment invité à son émission de science-fiction sur Fréquence Protestante), Sam Lermite, Roger Bozzetto, Sandrine Brugot Maillard et bien d’autres qui me pardonneront, j’espère, de ne les point citer.

     

     

     

    À venir sur Fin de partie, en vrac et sans engagement : Lothar Blues de Philippe Curval, Le monde englouti,  Sécheresse, La Forêt de cristal, Sauvagerie / Le massacre de Pangbourne et Nouvelles complètes vol. 1 de J. G. Ballard, L’homme de Londres de Béla Tarr, La Terza Madre / Mother of Tears de Dario Argento, Entre les murs de Laurent Cantet, Hogg de Samuel Delany…

     

  • Lacrimosa de Régis Jauffret

     

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    « Lacrimosa dies illa

    Qua resurget ex favilla

    Judicandus homo reus.

    Huic ergo parce, Deus:

    Pie Jesu Domine,

    Dona eis requiem.

    Amen. »

    Requiem

     

     

     

     

    « Chère Charlotte,

     

    Vous êtes morte sur un coup de tête d’une longue maladie. Le suicide a déferlé sur vous comme une marée noire, et vous vous êtes pendue. » (p. 9)

     

    Par ces mots commence l’étrange prosopopée épistolaire de Régis Jauffret. Lacrimosa prend la forme de la correspondance imaginaire de l’auteur – ou plutôt de son double, appelons-le l’énonciateur –, avec Charlotte, jeune amante qui se serait suicidée avec un foulard dans la maison de ses parents. Par ses lettres, censées retracer certains fragments de la vie de Charlotte, l’énonciateur cherche à prolonger la vie de la défunte, à la ressusciter pour mieux enterrer son propre sentiment de culpabilité… Chez Jauffret – l’écrivain du conditionnel, des vies hallucinées, des héroïnes perdues ou schizophrènes (Clémence Picot, Promenade, Univers, Univers…) –, on usurpe les identités, on s’invente des vies, on perd son adhérence au réel. Et c’est bien ainsi que débute Lacrimosa, qui dans les premières lettres de l’énonciateur affuble Charlotte d’une famille surréaliste de frappadingues aux noms improbables (Pindo), acteurs d’un sitcom macabre qu’on pourrait rapprocher de celle d’INLAND EMPIRE de David Lynch, avec ses hommes-lapins. Ce délire microfictif culmine dans la deuxième lettre à Charlotte, où le suicide – dont plusieurs versions nous sont données – n’est que le point de départ d’une suite de gags étranges, avec un philosophe burlesque (Gaston Kiwi) et un invraisemblable médecin (Hippocampe Dupré) dont la compagne Mazda est un panda géant, qui ensemble défient la logique et la roue du temps pour donner à Charlotte – dont Dupré refuse d’abord d’admettre le décès [1] – une seconde chance : « Maintenant la journée d’hier était revenue, vierge, pas encore vécue. Il suffisait de donner un coup de dents au foulard pour qu’il se déchire, ou même de le jeter comme un vieux mouchoir. Vous décideriez enfin de rompre avec le suicide, cet amant dépravé qui tout au long de votre histoire n’avait fait que vous enfoncer ses crocs dans le cou, et boire votre souffrance comme un vampire. » (p. 50) Or, c’est justement cette relecture ludique du réel que lui reproche Charlotte dans ses lettres d’outre-tombe – ces « dégradantes histoires où [il aime] à ridiculiser les pauvres gens tombés sous la coupe de [son] cerveau démantibulé » (p. 27). La morte traite son pauvre amour d’écrivassier (p. 51), d’escroc (p. 73), de charognard [2], l’accuse de bricoler la phrase (p. 51). Dès que l’écrivain affabule – ce qu’il fait sans discontinuer –, dès qu’il se laisse envahir par ses métaphores, par son travestissement compulsif de la réalité – par exemple, ces vacances à Djerba, ou cette liaison de la jeune femme avec un skipper –, Charlotte proteste, vitupère, rue dans les brancards et somme le malotrus de la réécrire. Pourquoi la réanime-t-il grossièrement, alors qu’elle n’aspire qu’au repos ? Pourquoi mentir, pourquoi ne pas l’écrire telle qu’elle était ? Le dispositif de Lacrimosa, cette manière si ostentatoire de donner la parole à une morte, ne prennent tout leur sens et n’échappent au ridicule que parce qu’ils se prennent eux-mêmes comme objets. On comprend très tôt que le roman, métafictionnel, ne fait que mettre en scène un dialogue intérieur, le combat entre l’écrivassier, l’artificier, celui qui plaque ses accords sans égard pour son héroïne, et celle, réelle ou fictive, qu’il dépossède de son essence, de son identité. Jauffret, il est vrai, ne se contente pas de faire parler une morte. Celle-ci n’est pas dupe : à travers elle, c’est encore l’énonciateur qui parle : « Je ne suis plus je. Je suis devenue toi, la parodie de moi dans ta voix qui me promène, me pousse comme un landau dont le bébé a gelé » (p. 72) Charlotte sait donc n’être qu’un personnage, pantin manipulé par l’auteur. « Tu t’en moques bien que les âmes soient des fictions, et que nous n’ayons même pas les flammes de l’enfer pour réchauffer nos os glacés. Pourvu que tu puisses m’imaginer, je te fais le même profit que si j’étais vivante. » (p. 129). Jauffret, « en concubinage avec Word » (p. 143), s’accuse de faire la putain, de mentir pour nous complaire [3]. Mais cette violente autocritique n’est, à son tour, qu’une nouvelle imposture. Si Lacrimosa se referme sur la voix de Charlotte, qui finit par admettre que, peut-être, tout cela n’aura pas été vain, c’est pour signifier la victoire de l’énonciateur. « Quand on meurt, on devient imaginaire » (p. 154), se lamente la pendue, qui feint de ne pas comprendre l’essentiel. Quand on meurt, on devient un personnage, en effet. Or, personnage de fiction, Charlotte ne l’est que par intermittence : l’énonciateur n’a remporté son duel qu’in extremis, n’accouchant que du squelette de la jeune femme (p. 218), dont la chair n’est perceptible que de loin en loin, quand l’énonciateur résiste aux récriminations de la jeune femme et transcende une réalité parfois triviale. Lacrimosa met surtout en évidence, à défaut de le célébrer tout à fait – Clémence Picot était autrement plus vraie –, le miracle du verbe qui, par la métaphore, la poésie et l’imagination, permet aux morts et à ceux qui ne sont jamais nés, de sourire et d’exister.



    [1] Niant l’évidence, sans se départir de sa bonhomie naturelle, le docteur Dupré tente sans succès de réanimer le cadavre avec une injection d’adrénaline, avant de s’énerver :

    « ― Après tout, cette tête de linotte n’a qu’à continuer à être morte.

    Il a lancé la seringue comme une fléchette. Elle s’est plantée dans une plinthe.

    ― Tout ce que je peux faire, c’est demander son internement. » (p. 39)

    [2] « ― Espèce d’écrivain !

    Toi et les tiens vous êtes des charognards. Vous vous nourrissez de cadavres et de souvenirs. Vous êtes des dieux ratés, les bibliothèques sont des charniers. Aucun personnage n’a jamais ressuscité. Dostoïevski, Joyce, Kafka, et toute cette clique qui t’a dévergondé, sont des malappris, des jean-foutre, des fripons, des coquins, des paltoquets ! Ils ont expulsés leur époque par les voies naturelles pour en barbouiller toutes ces feuilles de papier aux traînées noires et tristes comme des canaux où les mots flottent ventre à l’air comme des poissons d’eau douce bouillis par la canicule. » (pp. 112-113)

    [3] « Jaquettes et couvertures s’exhibent dans les vitrines dans les vitrines, comme leurs consoeurs les putes d’Amsterdam. Sur les plateaux des médias chacun montre un morceau de son âme, comme un tapin un bout de sa poitrine pour que le client paye et monte jusqu’à la chambre voir le reste à son aise. Sache que la littérature doit avoir en toute circonstance l’élégance de plaire. » (p. 85)

     

  • La Chair de Serge Rivron

     

     

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    « Ton sang chauffe d’un coup
    Tu le sens cavaler
    Te porter n’importe où
    Te faire faire un peu tout, sans frein;
    Là, tu es dans un lit
    Où ton sang t’a mené
    Et la fille est jolie
    Et après, vous parlez
    Et tu dis « j’ai quelqu’un »;
    Tu dors sous d’autres draps
    Depuis longtemps déjà,
    C’est pourquoi tu es là
    Avec ton sang qui dort
    Sous tes mains, sous ta peau;
    Ton sang paisible enfin
    Paisible, lui au moins. »

    Dominique A, « Pour la peau »

     

     

    Il n’est pas sûr qu’invoquer en préface et en quatrième de couverture les noms de Bloy, de Céline, de Bernanos et même de Pascal et de Calaferte, soit le meilleur service à rendre au dernier roman de Serge Rivron, La Chair (Jean-Pierre Huguet Éditeur). L’ombre de ses figures tutélaires plane doucement, sereine, sur le verbe de Rivron, moins sans doute pour se rendre visible que par nécessité. Rivron n’est pas un poseur. Il porte en lui une certaine littérature, celle du Voyage au bout de la nuit, celle du Désespéré, celle des Pensées ou celle de Sous le soleil de Satan en effet, dont son roman renvoie d’inévitables échos, mais cette chair est totalement sienne, humble et singulière.

    « C’est la chair qui commande » (p. 58). Du moins est-ce ce qu’affirme Michel, mauvais père, ivre de sexe et d’argent, héros du livre. Ce titre aux allures présomptueuses, pourtant, n’est qu’un trompe-l’œil (en vérité, nulle prétention chez Rivron). Si le sexe, ici vécu comme un combat, comme un corps à corps entre deux êtres qui se pénétrant ne réussissent jamais à s’unir vraiment, les anime de spasmes et de soubresauts comme des pantins, c’est surtout celle de Dieu qui est en jeu, car Michel, l’homme au nom d’archange, est né du ventre immaculé de Marie Montalte, jeune femme portée par une foi authentique, celle qui permet aux hommes de déplacer des montagnes.

    Dans l’excellent Habitus, excellemment traduit par Claro (dont bizarrement le Stalker ne pense pas que du bien), James Flint mettait déjà en scène une grossesse prolongée, au terme de laquelle apparaissait une enfant mutante qui commençait à s’étendre sur le monde. Enceinte pendant deux longues années, Marie Montalte n’accouche que d’un homme qui est comme Dieu, mais qui n’est pas lui. Michel refuse de croire au miracle de sa naissance – comme à celui de la résurrection de sa fille après son suicide –, sans comprendre que c’est Dieu qu’il assassine en lui, Dieu dont il trahit l’incarnation, Dieu dont il refuse de voir les signes dont son parcours est pavé. Emblématique de notre époque cynique, désenchantée (le concept de jeu télévisé proposé par Michel – qui travaille dans la publicité – rappelle les sketches du Daniel de La Possibilité d’une île) dont l’esprit « a rayé le mystère de son vocabulaire » (p. 137), Michel n’est pas à la hauteur de son patron céleste. Or, « qui n’est pas un Saint est un tricheur. Jusqu’à l’abaissement. Jusqu’à la vomissure » (p. 23). Les « pages arrachées » à son livre, humaines trop humaines, nous renseignent sur sa nature démoniaque, et dessinent peu à peu les contours du violent meurtre à venir.

    Écrit dans une langue habitée, nourrie de la chair – autant dire du verbe – de ses brillants prédécesseurs, La Chair distille son message sans coup férir mais n’est cependant pas exempt de défauts qui, s’ils n’enlèvent rien à l’intelligence et à la beauté du récit, l’empêchent cependant de toucher l’âme en profondeur. Certes, les nombreuses coïncidences du récit ne sont pas l’œuvre du hasard mais des signes envoyés à Michel – non par Dieu ou le diable, mais par l’auteur lui-même, dès lors incapable de nous faire oublier leur artificialité. Par ailleurs, cette insistance à nous décrire les péripéties sexuelles de son personnage – crûment mais avec grand talent et avec une impudique sincérité à mille lieues des illusions malhonnêtes que Régis Jauffret dénonce dans Lacrimosa –, n’est jamais vraiment justifiée, comme si se jouait avant tout, dans ces pages arrachées, l’expérience même de l’écriture pour Serge Rivron, éminemment conflictuelle, comme si, à l’instar de celui en qui je vois son Doppelgänger, son double fictif et démoniaque, comme si, donc, son verbe n’était qu’une récompense à la chair, cadeau de l’esprit pour le prix accordé aux corps à corps sensuels, et non ce double lien (« La chair a deux raisons d’aimer dont les forces sont si violemment contraires que la plupart des amants sans arrêt s’épuisent à vouloir les dompter l’une par l’autre, la force du corps par la force de l’âme et la force de l’âme par la force du corps », p. 298) auquel il aspire. La Chair, ou le roman d’un homme aux prises avec son propre corps, avec ses fantasmes, avec ses pulsions, avec ses étreintes – avec son sang dont son verbe s’abreuve, faisant à chaque goulée vaciller un peu plus son univers de fiction. Périlleuse entreprise, dont Serge Rivron se sort plutôt bien, mais dont La Chair, à mon sens, porte les stigmates.



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