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  • Top 5 Films 2011 (1) A Dangerous Method

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    1/ A Dangerous Method - David Cronenberg

     

    1904. Le jeune psychiatre suisse C. G. Jung (Michael Fassbender, dont la prestation nous rappelle le Jeremy Irons de Dead Ringers et de M. Butterfly), protestant polygame et assistant d’Eugen Bleuler à la clinique du Burghölzli, entreprend la thérapie d’une jeune étudiante russe en psychiatrie sujette à l’hystérie, Sabina Spielrein (Keira Knightley, animale). Plutôt que de la soigner selon les moyens traditionnels (saignées, bains d’eau froide…), Jung expérimente la méthode psychanalytique (the talking cure, la guérison par la parole) prônée par Sigmund Freud. La cure est un franc succès, mais Jung, encouragé par son patient toxicomane Otto Gross (lui-même psychiatre anarchiste, adepte de l’immoralisme sexuel), finit par entretenir une liaison torride (et, ici, sadomasochiste) avec sa patiente, au grand dam de Freud (Viggo Mortensen, impérial) dont il est entre temps devenu le meilleur disciple. 

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    Sur un scénario de Christopher Hampton, A Dangerous Method fait donc le récit de ces amours tumultueux, en même que celui de la relation entre Jung et le patriarche viennois – qui joua un rôle limité mais essentiel dans le dénouement de leur dangereuse liaison –, jusqu’à leur brouille de 1912-1913, essentiellement liée à leur profond désaccord sur la théorie de la libido. Pour Freud, les créations de l’inconscient sont des symptômes et ont une origine sexuelle – même s’il avait de la sexualité, de l’aveu même de Jung, une idée incroyablement élastique. Jung, en revanche, concevait la créativité de l’inconscient non pas comme un simple et négatif dispositif défensif, mais comme l’accomplissement d’une fonction compensatrice de l’esprit (notons que leurs différends théoriques reposaient souvent sur la mauvaise foi ou le contresens). La psychologie analytique jungienne s’oppose également à la psychanalyse freudienne par l'optique de sa thérapie, qui ne consiste pas seulement à comprendre et à guérir mais à accompagner positivement le patient dans le développement de son Soi – l’archétype totalisant et paradoxal de l’esprit, quasi-synonyme de l’âme.

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    Bien qu’il feigne d’adopter le point de vue de C. G. Jung, A Dangerous Method est en réalité essentiellement freudien. De la conception jungienne de l’inconscient, le film ne dira quasiment rien. De la doctrine freudienne non plus, du reste… Pas de manière explicite, du moins : comme toujours chez Cronenberg, tout se joue sous la surface – du corps, de l’esprit, de l’image. Et ce, dès le générique, proche de celui de Spider : les pleins et les déliés calligraphiques sur du papier à lettre sont semblables aux planches du Rorschach : manifestement, quelque chose est écrit – quelque chose d’incontrôlé, d’inquiétant et d’attirant. Et, en effet, A Dangerous Method, c’est aussi la synthèse métaphorique des principaux schèmes freudiens, à commencer par l’Œdipe, concept crucial de sa doctrine, avec Jung en sujet, Sabina Spielrein dans le rôle de la mère désirée dont il lui faudra se détacher (voir leur séparation finale sur les berges du lac Léman), et Freud dans celui, plus explicite, du père, celui qui doit être tué, le chef de la horde primitive, celui qui empêche la réalisation des désirs (et quand l’Aryen Jung voit Freud prendre sa sœur juive Sabina sous son aile, l’on songe au Siegfried de Richard Wagner – principale inspiration musicale du film – et à ses parents, Siegmund et Sieglinde, les jumeaux incestueux créés par Wotan pour fonder une nouvelle lignée… L’on peut également faire le lien entre l’amour de Sabina pour Siegfried, et le caractère incestueux de ses relations sadomasochistes avec Jung, qui font directement écho au trauma infantile de la jeune femme – son excitation sexuelle lorsque son père l’humiliait… Et l’on peut encore voir Freud en Wotan, dieu déchu irrité par l’arrogance de Jung-Siegfried, et Sabina en Brunehilde – que dans l’opéra Siegfried prend un instant pour sa mère)…

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    Mais le film s’organise principalement autour de la deuxième topique freudienne. Le réalisateur ne cache d’ailleurs pas l’influence des concepts psychanalytiques sur la structure du récit. À l’égard de son désir sexuel envers sa patiente, mais aussi de son ambition d’ouvrir la psychanalyse aux grands mythes fondateurs des civilisations primitives, et non plus, comme chez son mentor, à la seule sexualité, C. G. Jung – qui, en tant que personnage principal, est évidemment le Moi – est tiraillé entre désir et culpabilité, entre, d’une part, le Ça, grand réservoir de la libido, véritable chaos de pulsions primitives et de désirs refoulés soumis au principe de plaisir (et sur lequel le Moi essaie d’imposer le principe de réalité) qui s’incarne d’abord en Sabina Spielrein, l’obscur objet du désir, puis en Otto Gross, génialissime Vincent Cassel, double dionysiaque du psychologue qui l’incite à laisser libre cours à ses pulsions les plus primaires et, je cite, à défoncer sa patiente jusqu’à l’agonie, et, d’autre part, son Surmoi (qui certes plonge dans le Ça – et Freud n’omet surtout pas de rappeler à son disciple que les névroses font partie du paysage mental – mais qui est en quelque sorte l’intériorisation – liée à la résolution de l’Œdipe – de tous les interdits et autres forces répressives rencontrés par le sujet au cours de son développement), instance d’abord figurée par la sage Emma Jung – Sarah Gadon, remarquable –, puis par son autre double, Freud, père apollinien et juge impitoyable.

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    Formellement, cette répartition des rôles trouve une expression spatiale des plus simples et efficaces. Sabina Spielrein et Otto Gross viennent d’en bas, des profondeurs de l’esprit. Lors de sa première apparition, Sabina, en pleine crise hystérique, est conduite en calèche à la clinique, située sur une colline boisée au sud-est de Zurich. La voilà donc, Brunehilde choisissant le monde des mortels, qui monte jusqu’à la colline du Burghölzli où exerce le professeur Jung. Vient alors leur première confrontation : Ça-bina est assise sur une chaise, en proie à une forte agitation. Jung lui fait face, debout : leur dialogue est filmé en champ-contrechamp alternant plongées (sur la patiente) et contre-plongées (sur le médecin). Jung s’installe alors sur une chaise située derrière elle : le Moi-Jung plonge dans l’univers pulsionnel de son Ça… L’apparition d’Otto Gross, un plan rapproché de Vincent Cassel sur la colline, face à la clinique, produit le même effet que celle de la jeune femme. Mais sa rencontre avec Jung montre plutôt son ascendant immédiat sur le médecin : Jung est assis à son bureau, tandis que Gross fouille le cabinet de fond en comble, ouvrant les tiroirs, jetant un œil aux courriers du médecin, s’emparant d’un flacon de pilules… D’emblée, nous comprenons que le Ça-Gross a pris l’ascendant sur le Moi-Jung. Lorsque Freud apparaît, à l'inverse, il est évidemment en surplomb, dans des escaliers, et descend à la rencontre de Jung...

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    Otto ascendant.jpg

    À cette dimension dynamique de l’inconscient freudien s’ajoute une dimension topologique. Dans A Dangerous Method, les scènes, les lieux, sont filmés comme autant d’espaces mentaux, intimes, le plus souvent en gros plans à courte focale – ponctués de plans larges à l’effet insulaire. La chambre d’Otto Ça-Gross est un capharnaüm couvert de dessins érotiques, le cabinet de Surmoi-Freud est une bibliothèque oppressante, la maison zurichoise de Moi-Jung et de son Surmoi-Emma est un modèle d’ordre bourgeois. Et quand il cherche à s’isoler, seul ou avec les voix  de sa conscience – Sabina, Freud, un lettre de son père spirituel –, Jung navigue sur le lac dans son petit bateau à voile, hors du monde. Les personnages sont régulièrement filmés dans les angles des pièces, qui sont les recoins de l'esprit, les lignes de partage entre les doubles et les instances. Par ailleurs, nous les voyons souvent de face, qu'ils soient seuls, côte à côte (Jung et Freud, Jung et Otto...) ou l'un derrière l'autre (Jung et Sabina), soulignant leur gémellité.

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    Film intérieur, donc, mais pas seulement. S’il est absent à l’image, le monde extérieur, social et historique est bien là, tapis dans les dialogues et dans l'ombre. Voici d’ailleurs l’autre grande métaphore du film – semblable à celle du Ruban Blanc de Michael Haneke –, celle d’une Europe surmoïque sur le point de basculer dans la violence la plus inouïe de son histoire. C’est désormais le règne de l’industrie, de la technique et de la rationalité (la psychanalyse elle-même, pour Freud, c’est la recherche des mécanismes de l’esprit). C’est aussi – et les deux faits sont étroitement liés – le déferlement d’un violent antisémitisme, notamment en Russie et chez les peuples germaniques. Que Cronenberg insiste plus d’une fois sur le climat délétère entre Juifs (Spielrein, Freud…) et Aryens (Carl et Emma Jung…) n’est évidemment pas anodin. Rappelons tout de même que c’est par mesure de prévention contre l’antisémitisme que Freud, qui redoutait l’assimilation de la psychanalyse à une « science juive », plaça Jung, son premier disciple non-Juif, à la tête de son mouvement. Le patriarche, qui se méfiait des Aryens, n’en soupçonnait pas moins son champion d’être antisémite, ce dont Jung se défendit farouchement, en dépit de textes accablants publiés sous l’égide d’Hermann Göring.

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    Comme Jung, donc, la bourgeoisie austro-hongroise corsetée dissimule sous un délicieux vernis glacé – que l’ambiance particulièrement lumineuse conçue par Peter Suschitzky restitue admirablement –tout un monde de désirs et d’angoisses, de « choses inavouables », pour reprendre les termes de Cronenberg lui-même. Cette dissimulation inconsciente, est, selon Freud, la « pierre d’angle sur quoi repose tout l’édifice de la psychanalyse » (L’interprétation des rêves) : c’est le refoulement, c’est-à-dire le mécanisme de défense du sujet qui consiste à « repousser ou à maintenir dans l’inconscient des représentations (pensées, images, souvenirs) liées à une pulsion. » (J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Dictionnaire de la Psychanalyse). Pour le professeur viennois cependant, ce qui est refoulé n’est jamais anéanti et resurgit à l’extérieur sous forme de symptômes (rêves, actes manqués, lapsus, névroses etc.). C’est ce qu’il appelle le retour du refoulé. Et c’est sous cette forme seulement – une tache de sang sur le linge de Sabina après son dépucelage – que transparaît dans A Dangerous Method la judéophobie souterraine de Jung – qui s’enracine structurellement, pourrait-on dire, dans la nature même de sa doctrine culturaliste.

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    Bref, qu’il s’agisse de Jung, l’homme des synchronicités – ces coïncidences que l’esprit interprète comme des signes, et dont le film nous montre quelques exemples –, lorsqu’il relate son rêve apocalyptique à Sabina Spielrein sur les rives du lac Léman dans le beau final, ou de la société bourgeoise, bientôt mûre pour ses deux grands épisodes psychotiques, « ça parle », comme disait Lacan.

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    On a beaucoup reproché au film son « académisme », son aspect « trop sage », son « bavardage », son « didactisme »… Or, la réussite d’A Dangerous Method repose précisément sur le monde extraordinairement complexe, latent, si l’on veut, qui grouille sous la surface, magistrale transposition formelle des lieux et dynamiques de l’inconscient. Telle est, semble-t-il, la véritable ambition de ce film mal compris mais très impressionnant : enchevêtrer, par un remarquable travail de condensation – auquel participe l’omniprésent Siegried de Wagner avec ses thèmes d’inceste, de races et de filiation –, l’histoire d’amour de Jung avec sa patiente, ses relations avec Freud, les balbutiements pratiques, théoriques et éthiques de la dangereuse méthode du docteur viennois, et les concepts psychanalytiques qui eux-mêmes s’entremêlent. A Dangerous Method est sans doute le film le plus cérébral de David Cronenberg.

     

     

  • Top 5 Films 2011 (2) Le Gamin au vélo

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    2/ Le Gamin au vélo - Luc et Jean-Pierre Dardenne

     

    Toujours ancrés dans la dure réalité sociale de la Belgique industrielle, les frères Dardenne suivent cette fois – à Sereing, dans la banlieue liégeoise – la trajectoire de Cyril (formidable Thomas Doret), douze ans, placé dans un foyer par son père démissionnaire (Jérémie Renier, au visage de plus en plus marqué) et approché par le dealer du coin. Comme d’habitude chez les Dardenne, une authentique tension s’installe, ici autour des choix qui s’offrent à Cyril : suivre Samantha, la patronne d’un salon de coiffure qui l’accueille le week-end (Cécile de France, franchement excellente ; au cœur du cinéma des Dardenne il y a toujours le récit d’une rencontre) ou la petite frappe locale, Wes (Egon Di Mateo), voyou gominé accro aux jeux vidéo.

    Ici-bas, c’est toujours la même jungle, où la survie autorise toutes les bassesses. Ainsi le personnage de Fabrizio Rongione, qui incarnait en 1996 le vague petit ami de Rosetta, n’est pas un mauvais bougre mais fait à nouveau preuve de lâcheté. Mais c’est bien sûr, et encore, Jérémie Renier, qui inscrit Le Gamin au vélo dans un cycle excédant le film lui-même. Renier, chez les Dardenne, est plus qu’un acteur fétiche : un anti-Doinel, figure du temps qui accomplit son œuvre, et du renouvellement permanent d’un cinéma obsessionnel (quelques notes de musique, un cadre moins serré, plus serein, une lumière d’août). Enfant de la débrouille élevé par un père aimant mais salaud dans La Promesse, le personnage de Jérémie Renier rejette aujourd’hui, et pour la seconde fois, son propre fils, après l’avoir vendu en bas-âge à des trafiquants dans L’Enfant. Et quand il refuse d’ouvrir la porte de son restaurant à Cyril, c’est la fiction elle-même qu’il semble vouloir éviter, comme s’il n’aspirait qu’à vivre en hors champ, loin des drames et de la tension du cinéma des Dardenne – comme s’il transmettait au gamin le fardeau de la fiction avant de s’en laver les mains (quand il revend le vélo de Cyril, c’est du moteur du récit dont il entend se débarrasser). Mais la vie pour nos cinéastes n’est pas qu’un cycle de noirceur  sans fin : quand survient l’accident de Cyril, qui fait directement écho à celui de La Promesse, c’est à une résurrection que nous assistons, à bout de souffle. Non, le destin de Cyril n’est peut-être pas tout tracé. Oui, après Le Silence de LornaLe Gamin au vélo est encore un grand film.

     

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  • Top 5 Films 2011 (3) Hors Satan

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    3/ Hors Satan - Bruno Dumont

     

    Un Nord faulknérien. Un homme (un ange ? un Mychkine, un Aliocha ?) prie et contemple la Création. Il vit dans les dunes et fait souffler le vent où il veut – jusque dans les corps – jusqu'au miracle. Réminiscences tarkovskiennes (la lente traversée du bassin, l’incendie, les paysages), pages lumineuses arrachées au soleil de Satan (on pense souvent à l’Ordet  de Dreyer – pour le vent, pour la lumière, pour la parole rare – et à Pialat – un homme marche dans la campagne…), Jeanne ressuscitée (la fille, nouvelle Mouchette aux allures de Jeanne d’Arc), Bernanos comme figure tutélaire, mise en scène bressonienne : Hors Satan de Bruno Dumont.

     

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  • Top 5 Films 2011 (4) Melancholia

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    4/ Melancholia - Lars von Trier

     

    Un prologue sublime et pompeux – extrêmes ralentis proleptiques, images-cristal du désastre à venir. Puis, très vite, l’agacement : est-ce un retour au Dogme ?... Ce mariage catastrophique, serait-ce un Festen bis ?... Mais non. En vérité Lars von Trier n’a pas son pareil pour filmer le vertige de la chute. À mesure que se déroule la réception guindée chez sa sœur Claire (Charlotte Gainsbourg) – avec son lot de fausses joies, d’hypocrisie et de rancœurs, filmé avec virtuosité mais déjà vu cent fois –, la belle et blonde Justine (fantastique Kirsten Dunst) n’en finit plus de s’effondrer, jusqu’au fiasco, jusqu’au malaise, jusqu’à la catatonie. Et cette étoile qui disparaît de la voûte céleste… Commence alors le deuxième acte du film, complètement fou : l’ancien monde de Justine – le nôtre, celui de la réalité consensuelle, celui du koinos kosmos – sera bientôt anéanti par une planète à la dérive. Melancholia, ou la dépression d’une jeune femme filmée comme la fin du monde. 

     

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  • Top 5 Films 2011 (5) L’Apollonide

    L'Apollonide, bertrand bonello

     

    5/ L'Apollonide (souvenirs de la maison close) - Bertrand Bonello


    Quand la caméra flottante de Bertrand Bonello navigue dans l’ivresse d’une soirée au bordel, le puissant parfum des Fleurs de Shanghai nous revient en mémoire. Mais ici, point de torpeur opiacée : le sordide le dispute à la sensualité ; dans les salons et dans les chambres de la maison dirigée par Madame, l’excellente Noémie Lvovsky, le commerce du plaisir mène à l’éternel recommencement, au flétrissement, à la maladie – et à la mort. Et si le ballet des putains dans les décors magnifiques de l’Apollonide est, à lui-seul, assez fascinant, c’est avec les séquences du rêve (fantasme ? prémonition ?) de Madeleine, puis de sa mutilation, que le film atteint sa pleine dimension : défigurée au couteau – évident substitut phallique –, celle qu’on appelle désormais « la femme qui rit » (la prostituée n’a pas de nom, réduite à sa fonction : la juive, la petite, l’Algérienne, Belles cuisses, la Poilue et même Caca, ainsi surnommée pour sa spécialité…) finit par pleurer des larmes de sperme. Et nous pardonnerons volontiers l’inutile incursion finale sur nos bruyants trottoirs parisiens, trop heureux, encore, d'avoir été émus par le slow pathétique – et d’une hallucinante anachronie – des putains, sur le Night in White Satin de Moody Blues.

     

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