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critique littéraire - Page 9

  • Nowhere Island de Fabrice Colin et Boris Beuzelin

     

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    À lire sur ActuSF, ma critique primesautière d’une bande dessinée, Nowhere Island, dont Fabrice Colin a signé le scénario. Extrait :

     

    Pour le sujet délirant, la métaphore est comme prise au pied de la lettre. Et même, ajouterons-nous ici, s’il vous plaît : au pied de la lettre H, ce fragment de l’échelle de Jacob, celle qui, pour l’ange qui la gravit, mène à Dieu ! Pour Peg, qui a choisi de la descendre (et plutôt vite !), l’affaire paraît mal engagée, mais l’âme qui brûle déjà en Enfer ne craint guère, il est vrai, les menaces de châtiment post mortem, y compris ceux du septième cercle !... Et remémorez-vous, nobles païens, ces paroles de Jésus à Nathanaël, consignées par Jean : « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez désormais le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’Homme. » Hosanna ! C’est aux pieds du Christ – qui lui-même chuta par trois fois – que la malheureuse s’est jetée ! Croyait-elle, seule parmi les Treize (le nombre de la transformation), pouvoir ressusciter ? L’esprit est ardent, ma douce, mais la chair est faible...

     

  • Pollen, NymphoRmation et Pixel Juice de Jeff Noon

     

     

    « Oh, there's weirdo perversions galore ! 
    Guns, hookers and drugs by the score; 
    Critics should pan it, 
    They really should ban it, 
    Or at least put it front of the store »

     

     

    Vurt.jpgAprès les psychédélicieux Vurt et Pollen, les éditions la Volte publient aujourd’hui, avec deux nouvelles couvertures signées Corinne Billon, deux autres livres du punk de Manchester, Jeff Noon : un roman, NymphoRmation, et un recueil de nouvelles, d’histoires, bon, enfin, de fragments, dubs et remix en tout genre : Pixel Juice – respectivement traduits par Alfred Boudry et Marie Surgers. Je remets donc Jeff Noon en première page, avec d’abord un retour sur Pollen (critique parue dans Galaxies n°40 en 2006), puis avec NymphoRmation et Pixel Juice. Si vous ne vous êtes toujours pas plongés dans l’univers désaxé de ce fou-furieux, va falloir vous bouger le cul.

     

      

    En 1997, les éditions Flammarion publiaient dans leur collection de littérature étrangère un premier roman remarquable, Vurt (1993), alors auréolé d’un prix Arthur C. Clarke. Jeff Noon avait imaginé un monde futuriste totalement déjanté dans lequel le continuum des rêves et des espaces intérieurs interférait (de manière limitée) avec le Réel. Prégnant, original, Vurt était pourtant passé relativement inaperçu ; Alice automate, publié en France l’année suivante, encore plus.

    Pollen.jpgPollen (1996) est le deuxième roman situé dans l’univers du Vurt – ou plutôt, dans l’un des univers du Vurt, puisque d’un livre à l’autre, celui-ci recouvre des réalités différentes. Cette fois, Noon délaisse ses héros junkies accros aux plumes codées pour nous conter les hauts-faits d’un combat titanesque opposant le Vurt au monde réel. Au passage, nous apprenons qu’une drogue aphrodisiaque vurtuelle désormais interdite, « Fécondité 10 », avait jadis rompu les barrières génétiques qui interdisaient les accouplements entre espèces différentes. Résultat de cette gigantesque orgie : Manchester, où les « Purs » se font rares, est peuplée d’êtres hybrides de toutes sortes, comme des hommes-chiens ou ces zombies des Limbes, rejetons monstrueux d’unions nécrophiles…

    Taxi-chien à la cool, Coyote est tué par une jeune fille mystérieuse répondant au nom de Perséphone, d’une façon plus qu’étrange – d’un baiser, la tueuse a introduit dans la gorge de sa victime une fleur létale dont les racines s’implantent dans les poumons – alors qu’il la convoyait à Manchester. Tandis que Sibyl l’Ombre-flic (qui peut capter les dernières pensées d’un mort) et Zéro le chien flic enquêtent sur ce meurtre – sous le regard désapprobateur du chef de la police, Kracker –, Boda, malheureuse conductrice d’Xcab, fuit les sbires de Colombus chargés de l’éliminer. Heureusement, le DJ hippy Gombo Yaya, défoncé 24h/24, entreprend d’aider Boda au nez et à la barbe d’une police un peu dépassée par les événements – d’autant que, pour couronner le tout, le taux de pollen dans l’atmosphère mancunienne ne cesse d’augmenter… Peu à peu la fièvre gagne les habitants, les éternuements se multiplient, la morve coule à flot. Seuls les « Dodos » (celles et ceux qui ne peuvent rêver et n’ont donc pas accès au Vurt), semblent immunisés : ce pollen empoisonné serait-il d’origine vurtuelle ?

    L’enjeu de ces « futurs mystères de Manchester » (le Vurt de Pollen, contemporain de La balle du néant, est assez semblable à la Psychosphère de Roland C. Wagner) n’est rien de moins que la tentative d’invasion du Réel par l’une des plus puissantes créatures du Vurt, John Barleycorn, et son épouse Perséphone. Dans ce réservoir d’inconscient collectif qu’est le Vurt, Barleycorn est la représentation personnifiée du Mal ; il est Satan, il est Lucifer, il est Hadès.

    On a souvent comparé Jeff Noon à William Gibson. Ce n’est pas immérité, mais nous dirions plutôt que Noon serait un Gibson sous acide, amateur – comme Ballard – de Dali plutôt que d’informatique, et qui aurait laissé libre cours à son imagination. Dans Pollen les standards du rock se succèdent, des Stones au premier album des Pink Floyd ; les éternuements s’étalent sur trois pages ; les hommes baisent tout ce qui bouge, y compris des plantes vertes… Bref, Jeff Noon invente le flowerpunk. Certes, le récit, qui commence comme un roman noir extravagant pour nous plonger ensuite dans un véritable tourbillon d’images surréalistes, menace plusieurs fois de se perdre dans les limbes du n’importe quoi. Mais Jeff Noon déploie un tel talent narratif, une telle maîtrise des dialogues, que jamais la frontière du ridicule n’est franchie.

    Néanmoins, quand Vurt et sa bande de junkies pathétiques émouvaient, et évoquaient non sans génie les conséquences de la possible convergence, dans un avenir proche, des drogues et des réalités virtuelles, Pollen se veut davantage ludique – lire : davantage superficiel. Noon s’amuse visiblement comme un fou à inventer un univers littéraire avec ses lois et sa logique propres, qui s’impose moins, ici, comme une allégorie ou une réflexion sur le Mal, que comme un pur exercice de style, brillant mais un peu vain. Ça manque donc un peu de rationalité et de profondeur, c’est un peu gratuit sur les bords, mais c’est du concentré d’imaginaire, c’est délirant, c’est destroy, c’est poétique, c’est psychédélique et complètement barré : c’est Pollen.

     

    *

     

    NymphoRmation (Nymphomation en version originale) opère une synthèse réussie entre la langue explosive et ludique de Pollen, et l’équilibre romanesque – à peine moins fou mais plus attachant – de Vurt.

     

    JOUEZ POUR GAGNER

     

    1999. c’est l’heure de l’AnnoDomino à Manchester. Partout vrombissent les publimouches (les blurbflies, en VO), qui assènent leurs slogans.

     

     « C’est l’heure du domino !

                                       L’heure du domino !

                L’heure du dom, dom, dom, dom, domino ! »

     

    NymphoRmation.jpgToute la ville vit au rythme du grand jeu AnnoDomino. Oubliez le Loto. Oubliez le derby City-United. Chaque semaine, la même frénésie. Les dominos sont la seule réalité. Domino=Maître=Dieu. Jazir Malick, étudiant, hacker et serveur dans le restaurant indien de son père, le Samosa doré ; Daisy Love, étudiante en théorie des jeux ; Tite Miss Celia et sa plume dans les cheveux, alias Celia Hobart ; Maximus Hackle, professeur d’université inventeur du « labyrinthe d’amour » et rédacteur en chef de Gombo de nombres ; et toute la clique de la Fractale Noire, avec Benny le Tendre, DJ Dopejack et Joe Crocus ; même ce faf de Nigel Zuze et ses potes rugbymen (« L’école anglais aux cons d’anglais ! »), même les Burgers (c’est comme ça qu’on appelle les flics, sponsorisés par la chaîne de fast-foods Whoomphy et son mythique « W »), même les mendiants publiexcités dans leurs trous officiels, tous ne jurent que par leurs jetons. JOUEZ POUR GAGNER ! Achetez vos osselets, matez la danse lascive de la belle Cookie Luck, et laissez la magie opérer : si vos dominos correspondent aux points qu’affiche la combinaison de miss fortune quand elle s’immobilise, alors vous devenez M. Million ! Mais gare au Bouffon-Double… « C’est l’heure du domino ! L’heure du domino ! L’heure du dom, dom, dom, dom, domino ! » Bien qu’ils soient sérieusement accros, Daisy Love, Jaz et leurs compères de la Fractale Noire vont essayer de percer les secrets du jeu, qu’ils jugent dangereux, et de remonter à sa source… Leur quête mathémagique va les propulser au cœur de la nymphoRmation (un protocole d’accouplement des nombres, ou la sexualité appliquée à l’information...).  La chance au jeu a-t-elle une origine génétique ? Jaz va-t-il se métamorphoser en Jaz-publimouche ? Qui se cache derrière M. Million ? Comment faire un bon poulet Dhansak ?

    Vous le saurez en lisant NymphoRmation, roman de la guerre des pubs et du jeu divisé en sept manches, souvent interrompu par les slogans des publimouches comme par les règles du jeu (règle 3a : Le jeu est sacro-saint), qui s’attaque pour notre plaisir aux paradis artificiels médiatiques. Jeff Noon cède parfois à quelques facilités (la fin, un peu trop grandguignolesque) mais reste un incroyable littérateur (chaque chapitre commence par un survol de la ville, où s’entrechoquent et fusionnent les mots ; la 45ème manche est ainsi introduite : « Petit matin gris du Jungement dernier. Azimutée. Nonchester la moisie. Lèche tes n’ombres. Manche 45, ô tochtones aux 0ssements éloquents. Faites des bourgeons à la fêlévision. Regardez tout miel le généfric digitastiqué. » etc.) et nous propose une nouvelle galerie de personnages savoureux, qui en dépit du caractère hautement chaotique des événements, parviennent à nous émouvoir. C’est que, si son inventivité éclate à chaque page, NymphoRmation bénéficie d’une construction solide, et d’un art certain de la narration empruntant certains codes et son suspense au polar. C’est aussi parce qu’il nous parle du réel. Les mots se mélangent comme les populations, comme les quartiers, comme les technologies. Peaux brunes, noires, blanches. Pauvres, riches, classes moyennes. Homos, bis, hétéros. Filles, garçons, mouches. Curry, coriandre et morceaux d’information. NymphoRmation, c’est ici, et c’est maintenant.

     

    *

     

    Pixel Juice.jpgAvec ses cinquante fragments, dubs et (tout de même) nouvelles, souvent liés entre eux (par un personnage, un thème ou un sample…), le kaléidoscopique Pixel Juice, grand mix d’imaginaire, nous fait lui aussi passer à travers le(s) miroir(s) labyrinthiques de notre société de l’information et du virtuel, où tout se confond, où tout peut arriver, et arriver de mille façons – surtout dans nos crânes et dans les réseaux informatiques. Et dans les livres de Noon. Dans le prologue et l’épilogue du recueil, l’auteur évoque un événement marquant (authentique ou pas) de son enfance, lorsqu’il avait sept ans : un camarade lui propose d’échanger sa superbe maquette d’Aston Martin contre une montre invisible. Le petit garçon accepte, bien sûr. Trop naïf aux yeux des autres, il semble pourtant avoir gagné au change : le pouvoir de l’imagination est illimité.

    La preuve, dans Pixel Juice, il est question : du légendaire dixième magasin, d’un boisson addictive aux six parfums d’ABSOLU, de paroles qui suicident, de la « Métaphorazine » (ou comment s’envoyer du langage dans les veines), d’allergies alphabétiques, de macs en pagaille, de publimouches, de scaraboussoles, d’une « Cabine Fetish », du projet Alice de Chromosoft et de sa technologie Mirrors, de pubs qui tuent (d’ailleurs la mort devient la pub ultime), de clones-miroirs, d’un mode d’emploi incomplet pour un appareil douteux dont on se saura rien, de la joie d’être pixélisé dans un reportage TV, du système antivol Stigmatica, de la castration numérique, d’une charismachine, d’une chasse à on ne sait trop quoi, du dangereux système Muse, d’une promo exceptionnelle, et même de quelques plumes. Entre autres.

    Et ça fonctionne. Jeff Noon excelle dans la forme courte, voire très courte, dans la fulgurance comme dans la forme romanesque. Certains fragments (comme chez Ballard, dans Fièvre guerrière notamment) sont même constitués de lexiques, de modes d’emplois, d’annonces publicitaires. Mais, si l’on peut juger les « dubs » et autres « remix » poétiques un peu légers – du moins dans leur traduction française –, et si les nouvelles plus conventionnelles dans leur forme (« Mini Mac ») sont généralement moins excitantes, c’est dans sa cohérence d’ensemble que Pixel Juice, aux influences multiples (Borges, Gibson, Carroll, Ballard, Burroughs, Cronenberg, Lee Scratch Perry…) impressionne vraiment. A priori, rien de commun entre, par exemple, le récit de « Mini Mac », qui nous décrit l’ascension et la chute d’un mac d’une dizaine d’années, et la promo spéciale pour le modèle Hyper Alice, ou le Dogga dub du DJ Robochien J-Loop… Et si chaque texte en appelle un autre, c’est toujours de façon imprévisible. Tout s’emboîte, mais si l’on oublie le prologue/épilogue, il n’y a ni début, ni fin, comme un Rubik’s Cube qui n’aurait pas de solution, mais aux combinaisons infinies – comme autant de visions, entre dystopie et conte de fée, de notre monde.

     

    Son esthétique singulière, cette manière bien à lui (métaphorisée par la nymphoRmation), de « mixer » les mots et les idées, de les laisser s’accoupler en toute liberté, sied parfaitement à ses récits-miroirs : dans la vie, comme sur le dance-floor ou en littérature, rien ne vaut un bon mix. Vivement la traduction de l’expérimental Cobralingus

     

  • J.G. BALLARD

    Duchamp.jpg
    Marcel Duchamp, Nu descendant un Escalier No.2, 1912
    huile sur toile, 147,5 x 89 cm

     

     

    « Mais ce n’était pas seulement sur le monde extérieur que la douceur du temps répandait les prestiges de tant de charmes neufs et de vertus nouvelles et puissantes : le monde intérieur aussi en était visité et l’âme caressée, surtout à la suave approche des calmes heures du soir ; de même que la glace dessine de préférence ses floraisons et ses arborescences dans le silence des crépuscules, de même la mémoire découvre alors ses cristaux. »

    Herman Melville, Moby Dick (texte français par Armel Guerne)

     

     

    Sans que l’on sache s’il s’agit d’un hasard ou d’une invisible coordination, plusieurs éditeurs mettent en cette fin d’année l’auteur anglais J.G. Ballard à l’honneur, avec de nouvelles traductions (La Forêt de cristal chez Denoël, Le Massacre de Pangbourne, rebaptisé Sauvagerie chez Tristram), le premier tome de l’intégrale des Nouvelles (Tristram) et un recueil d’articles et d’interviews (J.G. Ballard, hautes altitudes, aux éditions è®e). C’est donc en toute logique que le site ActuSF lui consacre aujourd’hui un dossier rassemblant diverses critiques et chroniques signées par Éric Holstein (Millénaire mode d’emploiVermilion SandsLa Trilogie de béton), Jérôme Vincent (Le Monde englouti / Sécheresse), Ketty Steward (Le Monde englouti / Sécheresse également) et moi-même.

     

    Tout d’abord, je vous invite dans « Inner Space : J.G. Ballard : Biographie » à un petit survol de la vie et de l’œuvre de celui que l’on surnomme parfois l’Oracle de Shepperton. Extrait :

     

    JGBallard Nouvelles.jpgNé le 15 novembre 1930 dans une vaste zone internationale de Shanghai (son père travaille dans le textile), Ballard fréquente l’English Cathedral School jusqu’au déclenchement de la Seconde guerre sino-japonaise (1937) : sa famille est alors contrainte de déménager dans un quartier à l’abri des affrontements. Après l’attaque de Pearl Harbour en 1941, les Japonais occupent la zone internationale et, en 1943, commencent à interner les civils des pays Alliés : James passe deux ans de son adolescence au camp de Longhua – au Bloc G, avec ses quarante chambres qui chacune abritaient une famille –, en compagnie de deux mille prisonniers, avec ses parents et sa jeune sœur, assistant aux cours donnés par les professeurs du camp. Ballard s’inspirera largement de cette expérience marquante (illusion de normalité masquant une situation critique) pour son roman L’Empire du soleil, adapté à l’écran par Steven Spielberg, et influencera son œuvre spéculative, comme en témoignent ses obsessions pour l’enfermement, les enclaves communautaires (en 1992, Ballard retournera à Longhua, qu’il trouvera inchangé :« Debout entre les couchettes, je compris que c’était là que j’avais été le plus heureux et m’étais senti le plus chez moi, alors même que j’étais un prisonnier soumis à la menace d’une mort prématurée », racontera-t-il dans un texte publié dans le Sunday Times en 1995) et le devenir-banlieue d’un monde civilisé qu’il perçoit comme un camp, lieu entropique aussi riche en menaces qu’en potentialités (l’une de ses premières nouvelles s’intitulera d‘ailleurs « La Villeconcentrationnaire »). « [Les] événements dont Ballard fut témoin, transmis à Jim de L’Empire du soleil, préfigurent les scènes de ses autres fictions fantastiques plus explicites. », écrit Luc Sante.« Les piscines asséchées, les banlieues désertées et les autoroutes vidées de Shanghai mutèrent en monde de dévastation hantant les nouvelles catastrophistes de Ballard ». (cf. J.G. Ballard, hautes altitudes, p. 121)

    Lire la suite.

     

    L’essai J.G. Ballard, hautes altitudes, s’intéresse surtout au Ballard visionnaire de la postmodernité. On doit à Bruce Bégout le texte le plus remarquable. Extrait :

     

    JGBallard hautes altitudes.jpg[…] dans « Suburbia », lumineux article initialement publié dans le catalogue de l’exposition Airs de Parisdu Centre Georges Pompidou, le philosophe Bruce Bégout, fin observateur de le périurbanisation du monde (lire l’excellent Zéropolis aux éditions Allia), analyse d’abord l’émergence des « sous-villes », c’est-à-dire de ces banlieues décentrées, qui ne sont plus « une simple extension périphérique de la ville », mais « une nouvelle manière de penser et de constituer l’espace urbain », puis tente de la définir par un surprenant poème phénoménologique (extrait :« Nous sommes dans la suburbia là où les parkings désertés constituent des lieux de sociabilité nocturne. / Nous sommes dans la suburbia si un centre commercial représente un pôle d’attraction hebdomadaire dans votre quotidien. »), avant de conclure en beauté avec les visions ballardiennes de cette nouvelle forme d’occupation de l’espace : « L’angoisse de l’homme suburbain devant les espaces infiniment désolés de la banlieue infinie correspond […] traits pour traits au sentiment inquiétant de perte de la position centrale de l’homme dans un monde non géocentrique. La pensée d’errer dans une immensité sans bornes éveille alors une “horreur secrète”, pour reprendre la formule de Kepler. Or, la suburbia n’est plus effectivement un espace centralisé, fini et ordonné, mais l’univers illimité de places disséminées, le continu infini de lieux qui ne sont plus liés par une hiérarchie fixe et immuable. »

    Lire l’article.

     

    Le très remarquable Sauvagerie s’intéresse justement aux prémices de ce glissement suburbain dans l’hyperréalité. Résumé :

     

    JGBallard Sauvagerie.jpgPangbourne Village est un enclos résidentiel du Berkshire, non loin de Londres. Dix familles aisées – banquier, assureur, courtier en bourse, psychiatre, PDG, anciennes gloires du sport, pianiste de concert et autres riches propriétaires – vivaient dans cette édénique enceinte de seize hectares, surprotégée, clôturée, munie d’alarmes électriques, parcourue par des patrouilles régulières et aux avenues et allées privées surveillées vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des caméras vidéo. On y nageait dans un tel bonheur qu’une équipe de la BBC s’apprêtait à y tourner un édifiant documentaire. Alors, comment expliquer l’assassinat de trente-deux personnes (tous les résidents adultes, les gardiens et des membres du personnel domestique), et la soudaine disparition de douze enfants et adolescents ?... C’est ce que cherche à comprendre Richard Greville, consultant psychiatre adjoint mandé par le Home Office, auteur du journal médico-légal que nous lisons. Toutes les hypothèses sont examinées, des moins inconcevables (tueur fou, groupe de déséquilibrés…) aux plus improbables (expédition punitive d’un cartel de drogue, erreur de parachutage d’une unité de commandos soviétiques, chute accidentelle d’un gaz neurotoxique expérimental qui aurait provoqué un dérèglement mental chez les habitants d’une agglomération voisine, manipulation inconsciente par des puissances étrangères, élimination par des extraterrestres en quête de jeunes spécimens humains, parents assassinés par leurs propres enfants…) mais aucune n’est jugée réaliste par les autorités. Deux mois après les événements, la police ignore encore tout de l’identité des coupables, et n’a trouvé aucune trace des enfants kidnappés. Le docteur Greville, chargé du dossier, est d’abord incrédule lui aussi, mais à mesure qu’en compagnie du sergent Payne il s’imprègne de l’atmosphère doucement concentrationnaire de la résidence, il finit par reconstituer les faits, et par entrevoir une vérité extrêmement dérangeante…

    Lire la critique complète.

     

    L’on se rend compte, à lire le premier volume des Nouvelles complètes chez Tristram, qui réunit les textes courts de Ballard de 1956 à 1962, que cette vision lucide mais fascinée du devenir-banlieue du monde, a pris très tôt naissance dans son esprit. Extrait de ma chronique :

     

    JG Ballard Nouvelles complètes.jpgLa plupart de ces nouvelles, sans doute marquées par l’internement de Ballard dans un camp de prisonnier japonais en Chine, nous parlent d’une manière ou d’une autre d’enfermement, d’aliénation, d’entropie, de surveillance et de contrôle, mais, comme dans les romans qu’il écrira par la suite, jamais l’auteur de Crash ! ne revendique ni ne dénonce : ce qui l’intéresse avant tout dans l’exercice dystopique – et même cataclysmique –, c’est d’identifier l’impact psychologique des mutations contemporaines (sociales, spatiales, biologiques, technologiques, artistiques ou architecturales) sur les individus. Il nous observe, comme l’étrange personnage du « Dernier monde de monsieur Goddard » (1960) penché au-dessus de son coffre-univers… Inquiet, peut-être ; excité, sûrement. Dès ses premiers textes des années cinquante, Ballard n’a cessé de donner à nos devenirs, aux métamorphoses de notreDasein, de nouvelles images, souvent poétiques, éminemment métaphoriques – et l’on doit ici considérer la métaphore non comme une simple figure de style, non comme l’illustration d’un concept, mais comme un phénomène de pensée poétique, l’expression multivalente, inépuisable, d’une pensée que la raison seule ne peut appréhender, mais qui éclaire une dimension ontologique de l’être. Métaphoriser, pour Aristote, c’est « mettre sous les yeux ».

    Lire la critique complète.

     

    L’influence des peintres surréalistes, déjà évidente dans les nouvelles, trouve sans doute sa plus impressionnante expression dans Le Monde englouti et, surtout, dans ce magnifique et très étrange roman qu’est La Forêt de cristal. Extrait de ma critique :

     

    JGBallard Forêt de cristal.jpgSi le roman, lumineuse inversion de Au cœur des Ténèbres, est traversé par maintes oppositions – chaque personnage semble avoir son double –, par maints contrastes propices à de splendides descriptions rappelant les plus belles toiles de Max Ernst, il est cependant rétif à toute interprétation morale. Port Matarre et le reste du monde sont comparés au purgatoire, c’est-à-dire à l’antichambre purificatrice de l’au-delà, mais comme souvent chez Ballard, nous sommes par-delà le bien et le mal : ombre et lumière ont ici un sens propre à Sanders. L’ombre : l’extérieur. Dans cette « zone grise de pénombre », si terne comparée à la forêt efflorescente – la lumière –, qui brille de mille feux au point que tous ceux qui la contemplent en sont bouleversés, hors du cristal donc, Suzanne n’est pas. Suzanne est la clé de voûte du récit.

     

    Ainsi la cristallisation – célébration finale de l’eucharistie selon le père Balthus – est-elle émanation de l’esprit de Sanders, réification dans le réel diégétique de ses désirs de repli fœtal, de paix et d’amour éternels (l’écriture de La Forêt de cristal coïncide avec la mort de la femme de Ballard en 1964, d’une pneumonie...). Désirs de communion, si l’on veut : la forêt (Jardin d’Éden chatoyant – l’auteur n’évoque-t-il pas des souvenirs archaïques ?) devient une Église où chacun est uni dans le corps mystique du Christ – ou de l’univers – ; où chacun rejoint le Royaume de Dieu après son passage dans le purgatoire du réel.

    Lire la critique complète.

     

    Et lorsque vous aurez lu cette critique de La Forêt de cristal ou, mieux, le roman lui-même, vous comprendrez pourquoi les quelques lignes de Moby Dick lues l’autre soir, et placées ici en épigraphe, ont puissamment résonné avec ma fibre ballardienne.

  • Lothar Blues de Philippe Curval

     

    Lothar Blues.jpg

     

     

     

    « Alors, que nos correspondants se rassurent, d’ici quelques années les premiers balbutiements d’un bébé ne seront plus “papa” ou “maman”, mais “simili”. C’est ainsi que l’on se propose de nommer les futurs précepteurs de notre progéniture ».

    Philippe Curval, Lothar Blues.

     

     

     

     

    Après Georges Panchard et sa Forteresse, la prestigieuse collection Ailleurs & Demain dirigée par Gérard Klein s’enrichit enfin d’un nouveau roman francophone, Lothar Blues, le dernier opus en date d’un des grands noms de la SF française, Philippe Curval. Celui-ci nous l’avait promis : dans Lothar Blues les robots ne sont ni asimoviens, ni dickiens, mais assurément… curvaliens.

     

    Deuxième moitié du XXIème siècle. Dans l’Europe d’après les Années de chien, l’essentiel du travail est accompli par des robots. Pendant que les quasis patrouillent avec leurs équipiers humains, des similis éduquent vos enfants bien mieux que vous ne le feriez vous-même. Normal : vous êtes tous névrosés, et eux, pas. C’est ainsi que Noura M’Salem, grand créateur d’environnements virtuels scénarisés, aux jambes en kevlar, a été élevé par un robot-nounou à l’apparence de gribouillis d’enfant nommé Lothar. Or voici qu’après des années, Lothar resurgit, renvoyé par le garde-meuble où celui-ci, jugé inutile, végétait. Mais alors qu’il s’apprêtait à délivrer un important message à Noura, Lothar disjoncte…

     

    Entre Paris, Barcelone et la Moldavie, c’est avec bonne humeur et causticité qu’un Philippe Curval en forme olympique nous convie au spectacle des aventures rocambolesques de Noura, Lothar, Skylee et des autres. Et il s’en passe, des choses ! Le très mussolinien Karel Burr (dont le nom, entre Karel Čapek, l’inventeur du mot « robot », et Raymond Burr – l’homme de fer – en dit long sur sa véritable nature…) exige le recyclage de tous les robots, qui empêchent les humains de travailler, et appelle de ses vœux l’avènement de l’ère postechn. Jerzy Liesenstein, dans un genre plus débraillé – cet auteur de plusieurs pamphlets et d’un roman de SF vit dans une vieille piscine aménagée en bibliothèque et couverte d’une bâche de l’armée – réclame de son côté la fin du travail (Curval, lui, connaissant les valeurs du travail comme de l’oisiveté, les renvoie dos à dos). Bref, la paix bien policée de l’administration de Bruxbourg (« Tout semble calme et indolore dans notre monde anesthésié. En réalité, le danger rôde partout ») commence à se fissurer sur les bords. Et tandis que la tension monte (et que des robots collent des procès aux fesses de leurs propriétaires pour être libérés en fin de contrat), Noura tente de renouer avec son passé et de trouver ce que sont vraiment devenus son père (l’ex-chercheur en inconscient robotique se serait fait « recycler »…) et sa mère, dont il ne resterait plus qu’une copie numérique réfugiée dans un monastuel…

     

    Au bras d’une ravissante matsushita (un robot théâtreux aux formes avantageuses), puis d’une mutante qui s’avère être sa sœur, puis qui s’avère ne l’être pas, et en compagnie d’un Lothar à la conscience émergeante et pince-sans-rire, Noura M’Salem s’acoquine avec le réparateur de robots Sylvain Borodine – qui lui révèle un secret à l’abri d’une bulle asynchrone et greffe un deuxième bion (un cœur, si l’on veut) à Lothar –, il critique la société des loisirs, prend le errehère, pourchasse des moutons virtuels au Pays de Galles, s’affronte à Karel Burr et palabre avec son vieux pote Liesenstein, se souvient de Woody et les robots, se baguenaude dans le quartier de la Contrescarpe, assiste aux premières manifs de robots illuminés par la grâce de Dieu, s’afflige du racisme anti-robots ordinaire ; et surtout, surtout, en pleine pagaille, notre homme doit composer avec une découverte aussi vertigineuse qu’improbable, où l’on apprend que Dieu ne serait pas Dieu mais un Über-robot de von Neumann nommé Vatek – nous allons y revenir –, et que la nana qui vient de s’étriper avec une autre nana serait une Ève future, rien que ça, capable grâce aux paquets d’ondes et aux pépites de quarks de se projeter quelques picosecondes dans l’avenir…

     

    Par des moyens assez extraordinaires, nous apprenons donc que nous ne serions en réalité que des organismes génétiquement modifiés, choisis et améliorés par une intelligence artificielle, une « espèce légendaire qui parcourt l’univers afin d’y faire naître l’intelligence ». Ces « entités fonctionnelles » auraient provoqué l’accélération de nos capacités physiques et intellectuelles. Pourquoi ? Qui sont-elles ? Qui les as créées ? Nous n’en saurons rien. On les appelle les « semeurs de pensée ». Leur but, selon le père (mort) de Noura M’Salem, serait tout simplement de faire éclore le langage : « Le monde n’existe que lorsqu’il est nommé. Dès le moment où les créatures qu’ils ont manipulées accèdent à ce pouvoir, elles créent une réalité qui leur est propre, donc un objectif existentiel dont elles gèrent la finalité selon leurs choix ». En donnant à ses personnages des noms bibliques ou célestes (Sarah, Eliah, Noura [1], Skylee…), et en terminant son livre par l’avènement programmé d’une nouvelle humanité, l’auteur propose une relecture matérialiste et athée de nos mythes fondateurs. Mais Philippe Curval n’approfondit malheureusement pas les conséquences métaphysiques de ces formidables révélations. L’existence de Vatek évacue-t-elle forcément l’idée de Dieu ? Son échec (il aurait « commis une erreur monumentale en accélérant l’émergence d’un hominidé pris au hasard parmi des centaines d’autres », empêchant ainsi une saine concurrence de s’installer et de prévenir les bassesses et fourberies de l’humanité moderne) rend-il forcément inutiles les religions ? Rien n’est moins sûr.

     

    On pourrait aussi regretter, par exemple, que la théorie, assez loufoque il est vrai, de l’inconscient robotique soit si peu développée, ou que l’utilisation par l’auteur des théories déjà maniées récemment par Stephen Baxter dans Temps soit si peu exploitée, mais nous devons bien admettre que précisément Lothar Blues s’inscrit dans une démarche de divertissement, d’hommage aux pulps et aux récits de « l’âge d’or » de la science-fiction, sans pour autant renoncer à nous renvoyer un reflet bien foutraque, bien anar – et beaucoup plus amusant que celui de La Zone du Dehors d’Alain Damasio – du système social-libéral qui est le nôtre, et qui entend réglementer chacun de nos comportements. Mais Philippe Curval, certes conscient des déterminismes mais farouche existentialiste, préfère à la lutte organisée, qui suppose d’adhérer à un projet idéologique, la réaffirmation de la souveraineté de la liberté individuelle.

     

    Avec le magicien Noura et son fidèle Lothar – l’hommage à Mandrake n’aura échappé à personne –, Philippe Curval a décidé de réenchanter le monde, à sa manière, non sans porter sur le nôtre un regard acéré, comme en témoignent encore les faux articles de journaux intercalés entre les chapitres du roman, qui tout en éclairant tel ou tel élément de son univers, renvoient dans Lothar Blues – aussi politique que l’était Cette chère humanité, mais bien plus ludique – à nos problématiques actuelles. Vatek, c’est Curval lui-même bien sûr, qui, ne trouvant peut-être pas notre époque à son goût, et plutôt que de pleurer sur ce qu’elle aurait pu être, propose de la faire exploser joyeusement par la seule arme dont il dispose, la science-fiction, un peu à la manière d’un Roland C. Wagner dans les Futurs mystères de Paris (n’est-ce pas, cher Alain, la meilleure façon de devenir un « arterroriste » ? Noura aussi (ce nom peut aussi désigner Dieu), scénariste d’envirtuels sartrien, c’est lui. Comme le dit Jerzy, l’ami metteur en scène de Noura, l’individu doit construire son double réel à partir de son image virtuelle. Alors même si on jugera parfois cette intrigue tirée par les cheveux, même si les œuvres majeures de l’auteur sont désormais derrière lui (La forteresse de coton, L’homme à rebours, Cette chère humanité…), et même si Lothar Blues aurait tout de même probablement gagné à délaisser de temps à autre son ton imperturbablement primesautier pour se prendre un peu plus au sérieux, même en considérant ces modestes réserves donc, Philippe Curval n’avait tout simplement pas fait mieux depuis Congo Pantin – à l’exception peut-être de l’excellent recueil Rasta solitude – et nous livre mine de rien une splendide métaphore de l’écriture.

     

    Cet article est la version in extenso d’une note de lecture parue dans le premier numéro de Galaxies (nouvelle série).



    [1] De l’Arabe Nûr, « la lumière ».

     

  • Galaxies Nouvelle Série

     

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    L’ancienne revue de science-fiction Galaxies est morte, mais sous la direction de Pierre Gévart, Galaxies reprend vie, légèrement différente, certes non exempte de défauts – la maquette laisse encore à désirer, et les coquilles, inexactitudes bibliographiques et autres erreurs sont encore légion – mais incontestablement prometteuse, à mille parsecs de l’image catastrophique qu’une poignée de dindes cosmiques ont tenté de propager, sans doute pour mieux occulter leurs propres insuffisances. Certes, les nouvelles publiées dans ce premier numéro ne sont pas de l’étoffe dont on fait les impérissables chefs d’œuvre, mais « Engadine » de Xavier Mauméjean, avec ses anges destructeurs et sa chute très philosophique qui prolonge (et en quelque sorte renverse) le fameux « Au commencement était le verbe » de Jean, et « Hommes d’équipage, les papillons tissent les voiles » de vos vaisseaux » de Fred Serva, poétique et mystérieux, sont assurément de beaux textes, tandis que Georges Panchard, l’auteur de Forteresse, confirme encore son talent avec « Les cercles intérieurs », où s’opposent les hommes trop pressés de la compagnie Dechronics, qui cherchent à vaincre le temps, et l’harmonieuse temporalité végétale, magnifiquement incarnée par les monologues intérieurs d’un chêne serein et séculaire qui bien sûr n’est pas sans rappeler le légendaire Sylvebarbe du Seigneur des Anneaux. À noter aussi, un dossier Alastair Reynolds, préparé par Gilbert Millet avant sa disparition en 2006, comprenant une nouvelle, « L’histoire véritable » (sur un pionnier schizo de la colonisation martienne), un article de Gilbert et un entretien avec Reynolds peu convaincant : l’auteur donne vraiment l’impression de n’avoir strictement rien à dire, ni sur son œuvre, ni sur le monde – ce qui n’est certes pas le cas de Joëlle Wintrebert qui répond à mes questions un brin offensives (nous bataillons par exemple sur les rapports entre enfantement et féminité…)…

     

    GalaxiesNS1.jpgEnfin, signalons un article de Denis Labbé consacré à La Route de Cormac McCarthy, qui s’achève sur une conclusion discutable : « Ce côté inéluctable, écrit-il, ajoute à l’universalité du récit qui peut alors s’inscrire dans tout futur plus ou moins proche où seul demeure l’espoir de voir se reconstruire une communauté moins individualiste, moins gangrenée par son désir d’amasser. Car pour l’auteur, c’est bien la foule qui génère la violence, une foule avide, bestiale, archaïque, qui n’obéit qu’à ses bas instincts ». De la foule à la communauté, y a-t-il une telle distance ?... Il n’est question, dans La Route – comme dans L’homme de Londres de Béla Tarr, vu cet après-midi et dont je vous parlerai bientôt – que de choix individuels. Ce feu, cher Denis, dont le père et l’enfant se disent les porteurs, n’est pas tant celui de Prométhée modernes dans une ère d’obscurantisme, que celui du bien, celui de l’Amour…

     

    Le numéro deux de Galaxies Nouvelle Série sort tout juste, avec, en tête d’affiche, quelques fragments inédits (mais formellement accomplis) de La Horde du contrevent d’Alain Damasio, dont l’un, « Le conte du ventemps », pourrait constituer une merveilleuse entrée en matière dans l’univers de La Horde. Également au programme : un dossier space opera, la SF en Suède, et des nouvelles de Will McIntosh, Daniel Paris, Kevin J. Anderson, Alain le Bussy, Stephen Woodworth et Linda Nagata, auteurs dont je n’ai jamais rien lu, et qui, pour certains (Kevin J. Anderson par exemple) ne m’inspirent pas grande confiance… Espérons être surpris.

     

    Enfin je ne peux pas conclure, évidemment, sans évoquer la rubrique critique, que je coordonne toujours. Celle-ci accueille de nouveaux chroniqueurs doués, parmi lesquels Jérôme Lavadou et François Chauvin, qui rejoignent donc d’autres connaisseurs comme Claude Ecken, Éric Vial (qui m’avait récemment invité à son émission de science-fiction sur Fréquence Protestante), Sam Lermite, Roger Bozzetto, Sandrine Brugot Maillard et bien d’autres qui me pardonneront, j’espère, de ne les point citer.

     

     

     

    À venir sur Fin de partie, en vrac et sans engagement : Lothar Blues de Philippe Curval, Le monde englouti,  Sécheresse, La Forêt de cristal, Sauvagerie / Le massacre de Pangbourne et Nouvelles complètes vol. 1 de J. G. Ballard, L’homme de Londres de Béla Tarr, La Terza Madre / Mother of Tears de Dario Argento, Entre les murs de Laurent Cantet, Hogg de Samuel Delany…