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journal

  • Fragments. Logos

     

    sébastien coulombel, sécheresse, logos, kepler 22

    © Sébastien Coulombel, 2011

     

    Les augures mineurs ont été chassés par l'esprit corrupteur qui souffle depuis hier sur la Zone. Seuls croâssent encore, tournoyant en cercles concentriques au-dessus des arbres épileptiques et nus, les trois anges de la putréfaction. Ici-même, au Blockhaus, j'entrevois l'esquisse d'une invisible métamorphose. Chez les Logs, pourtant, règne un calme absolu. Il est vrai que Lady Czartoryska navigue avec aisance d'une cellule à l'autre, impose les réaffectations idoines et maintient l'ordre sans jamais user de la moindre violence. Rien à craindre de ce côté, donc. C'est sur notre confrérie, hélas, que plane la menace. L'arche n'a pas encore été élevée que, déjà, s'exale dans nos rangs, à peine perceptible encore, mais j'en jurerais, un vent de dissidence qui, bien évidemment, porte sur le Nom. Restons prudents.

     

    Dans l'Antichambre, tout est chaleur, même l'air que nous respirons, enchanté par les sketches of Spain – et, parfois, amoureusement déchiré par les distorsions vintage des Châteaux de cristal. Ana prépare son voyage en Orient et je sirote mon Bubbahotep single malt devant les images d'une dépression filmée comme la fin du monde. Petit Tom s'inquiète : Kepler 22, l'exoplanète semblable à la Terre détectée par la NASA, peut-elle nous percuter comme Melancholia ?

     

    Non. Bien sûr que non. Elle est beaucoup trop loin.

    Y a-t-il des gens comme nous, sur Kepler ?

    Je ne sais pas. Peut-être.

    Il faut y envoyer des cosmonautes, alors.

    Oui, mais le voyage sera très, très long.

    Plusieurs jours ?

    Beaucoup plus.

    Des mois ?

    Beaucoup plus.

    Mais alors, combien d'années ?

    Six-cents ans, s'ils voyagent à la vitesse de la lumière. Sinon, des milliers d'années.

     

    Son regard s'est perdu à l'horizon.

     

     

    RADIO LIBRE. Joey a trouvé un nouveau titre et remonte la filmographie du grand Hitch, Simon-Pierre a réduit l'immonde Alsacien au silence, Rick M. Ricky sort du bois, le Messianien rêve de Saint-Pétersbourg et je porte les dernières touches à mes fragiles feuillets...

     

     

    Les livres tombés sur la bonne chair s'insinuent en nous, germent et finissent par éclore en lumineuses transformations.

     

  • Fragments. In-folio

    sébastien coulombel

    © Sébastien Coulombel, 2008


    Il ne pleuvait pas. Au grand dam de l'Opératrice, le concile s'est achevé sur un non lieu et les Cinq Cents se sont sagement dispersés dans leurs cellules de confinement. Mais, insensibles aux signes qui, comme toujours, s'amoncellent au-dehors – comme ces deux molosses tournant autour du Bloc en stop-motion à plusieurs reprises –, nous accomplissons notre tâche, inlassablement. C'est là-bas, aux Trois Pylônes, que nous maintenons les Logs en vie artificielle.

     

    « Bon sang ! s'écria le docteur C. Du Lys, tandis qu'il manipulait ses instruments entre mes mâchoires. Comment peut-on saliver autant ? »

     Enfant, on m'appelait le Baleineau. »

    Il brandissait une sorte de fusil à pompe relié à la station par un câble.

    « Ouvrez grands vos fanons. »

    Des éclairs m'ont traversé le crâne, et mes yeux étaient des cendres de cendres.

     

    C'est ici, dans le coin le plus chaud de l'Antichambre, qu'Ana tisse sa toile. Quel fil tirer, au juste ?... 

     

    SYNCHRONICITE. La douleur s'était mise à irradier à la minute précise où, conformément à l'enseignement des tiges d'achillée que K. avait ramenées de l'Autre Rive – vingt-et-unième hexagramme, Mordre au travers, en haut le feu, en bas le tonnerre –, j'écrivais...

     

    Marquée à vie par le dernier chant du Paradis, qu’elle lut cette nuit-là comme si ç'avait été la dernière, elle associe l’épisode – douze heures passées à boire du bourbon, à pleurer sa douleur et à lire Dante, et deux heures sur le fauteuil du dentiste – à sa compréhension intime de ce qu’elle appelle « la réalité spirituelle ».

     

  • Fragments. Idios kosmos.

    silo, blockhaus, zone, trois pylônes

    ©Sébastien Coulombel, 2011

     

    Sur les coups de midi, un mâtin noir sans maître, peut-être malade, apparut comme un fantôme sur l’un des carrés herbus qui jouxtent le parking du Blockhaus des Trois Pylônes. Jusqu’alors, n’avaient osé s’aventurer dans la Zone, entre le Silo, les entrepôts désaffectés et le Bloc, qu’une poignée d’écureuils diablotins, un hérisson solaire aux piquants ignés, trois corbeaux alchimiques et, au printemps, des démons processionnaires. Le psychopompe paraissait toujours immobile, tantôt allongé, semblant attendre son heure, tantôt sur ses pattes, le port et le regard d’une fixité oniriques. Les signes s’agençaient. Le bleu du ciel. L’or – ou le soufre –, sans l’antimoine. Puis il s'effaça. Le grand œuvre m’était encore interdit.

    Le Bloc encaissait le froid de l’hiver et les stridulations d’Interstellar Spaces. Je préparais le concile des Cinq Cents, l'oeil dorsal de K. me dardait sans ciller et Benjy ne cessait dans ma mémoire vive de tomber du haut de la colline parmi les formes lumineuses et tourbillonnantes, et je repensais à la marque du mille-pattes imprimée dans le fenestron sans jalousies qui reliait ma chambre quasi souterraine à la végétation. À Coltrane les augures et la désolation. Aux suites pour violoncelle le Jardin d’Éden.

    Mais ici et maintenant, dans l’Antichambre, où Jeanne brûle pour l’éternité sur mes écrans de contrôle, c’est le dronegazing de Nadja qui bourdonne le long de mes synapses. Les enfants sont couchés dans les coursives. Ana me surveille du coin de l’œil. Sur mon carnet, Angel et Philip K. se branchent au cosmos avec les Vieillards d’Argos et je gratte les derniers mots de ce jour...

     

    [...] quitter l’état d’idiot, de solitude singulière, pour se fondre dans l’infini.


    stalker


  • Schizosphère

     



    Découvrez Converter!

     

    Jésus a dit :
    « Si un aveugle guide un autre aveugle, les deux tombent dans un trou. »

    L’Évangile selon Thomas, 34.

     

    Fin de partie reprend vie. Sous une nouvelle forme. Terminées, les attentes de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Je ne renonce ni aux exercices herméneutiques, ni aux interminables études. Simplement, faire vivre ce lieu presque quotidiennement, user du blog comme d’un journal extime, parfois métaphysique, parfois polémique, souvent critique. Y insuffler peut-être – sans pour autant sacrifier à l’égotisme qui rôde – un peu plus d’humanité. Gifler les imbéciles et dégonfler les baudruches. Et puis, écrire surtout. Avec humilité. Sans fausse modestie. Se laisser envahir par les beats ravageurs des cyborgs électro-indus de Converter. Évoquer, ne serait-ce qu’un instant, le verbe blanc de Régis Jauffret, qui dans Clémence Picot (1999) réussissait, au moyen de procédés aussi simples qu’efficaces, à faire perdre au lecteur son contact avec le réel. J’y reviendrai, peut-être à propos de son nouveau roman, Lacrimosa, reçu ce matin. Dire deux mots, tout de même, du génial Dillinger est mort (1969) de Marco Ferreri, enfin vu hier soir, qui entre un réalisme à la Pourquoi Monsieur R. est-il atteint de folie meurtrière et un surréalisme buñuelien, et avec un Piccoli prodigieux, nous offrait l’un des films les plus férocement lucides sur la société bourgeoise, celle du spectacle, la nôtre. Ne plus hésiter à confondre les escroqueries logocratiques. Rendre compte de la bêtise relativiste érigée en valeur absolue par des colonies d’insectes cosmiques. Accorder l’importance qu’ils méritent à certains livres restés dans l’ombre de la rentré littéraire, comme le beau roman de Serge Rivron, La Chair ; n’en accorder pas moins à des œuvres immenses, ainsi celles de Dostoïevski, de Nabokov ou de Samuel Beckett. Commenter la science-fiction, encore. Disséminer parfois quelque élément de théorie. Reprendre, à l’occasion – le plus tôt sera le mieux – les travaux inachevés (Ténèbres, La Mémoire du Vautour, L’Enchâssement). Chercher Dieu. Complaisamment n’envisager les arts, voire les expériences, qu’à travers le filtre déformant de ce qui devient une authentique obsession, la schizophrénie (qui selon Le loup des steppes de Hermann Hesse, serait « le fondement de tout art, de toute création de l’imagination »). Ne rien cacher de L’Entre de Bin Kimura ou de la Daseinanalyse de Binswanger. Caresser les machines désirantes. Faire de ce blog ma schizosphère. Métamorphose. Citer la Bible et le président Schreber. Revenir sur le Moby Dick traduit par Armel Guerne ou – avant Contre-Jour – sur L’Arc-en-ciel de la gravité. Préférer ici – et consacrer – le fragment, pour qu’ailleurs la fiction se développe, moins parcellaire. Remercier le Déchronologue, mystérieusement. Assister, émerveillé, terrifié, à la naissance de S. Z. Accoucher du schizo-mystique Pod-Ex.