Du Jeanne d'Arc de Georges Méliès, l'un des plus lointains ancêtres des superproductions hollywoodiennes en costume, nous sont parvenus onze tableaux – le premier a disparu. Onze chromos, des apparitions des saints Michel, Catherine et Marguerite à la montée de Jeanne au ciel, qui ne sont pour le cinéphile johanien contemporain qu'une simple et charmante curiosité. Même le commentaire d'origine, dit jadis pendant la projection par un bonimenteur, et proposé par les éditions Lobster dans leur indispensable coffret Méliès, s'avère très approximatif (Baudricourt devient « Baudicourt », et Philippe le Bon est mystérieusement changé en « Philippe Auguste »)...
Les herménautes avertis regarderont néanmoins d'un œil appréciateur la transmutation symbolique réalisée par le cinémagicien au moyen d'un beau fondu entre les onzième et douzième tableaux : du bûcher qui embrase l'image – presque la pellicule, comme s'il devait déchirer l'écran du réel – aux cieux illuminés par un rayonnant et quasi maçonnique triangle d'or du Feu divin – bientôt rejoint par une Jeanne bras grands ouverts en signe d’amour –, Méliès parachève le symbole alchimique du Soufre philosophique – le feu secret qui anime la matière.