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La Déchronique du Déchronologue. Fragment I

 

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Illustration : Corinne Billon

 

 

 

Publié à la Volte comme les précédents livres de son auteur, Le Déchronologue est, pour beaucoup (dont votre humble serviteur) l'une des œuvres les plus marquantes de l'année dans le domaine de l'imaginaire français. Mais s'il fallait en croire Pascal Patoz de la Noosfere, comme Alice Abdaloff de la Salle 101, Le Déchronologue serait « avant tout une histoire de pirates ». Et pour le chroniqueur « W », la piraterie serait même « le vrai sujet du roman »... L'on nous permettra de trouver ces formules un peu péremptoires : si Stéphane Beauverger avait eu l'intention d'écrire avant tout une histoire de pirates, ou d'écrire avant tout  « sur » la piraterie pourquoi se serait-il compliqué la tâche avec des désordres uchroniques d'ampleur cosmique, des brèches temporelles dignes des Voies d'Anubis et, pire encore, avec une déconstruction narrative aussi sophistiquée ?... Il l'a pourtant répété sans ambiguïté dans ses interviews, à qui voulait l'entendre : son projet, son livre, c'était l'histoire d' « un équipage de pirates pris dans des déchirures temporelles ». Voilà donc avant tout ce qu'est Le Déchronologue : le souffle du récit maritime et le vertige de la science-fiction. Et, bien que le roman ait déjà reçu nombre d'éloges dans les officines spécialisées comme dans les alcôves des tavernes bien fréquentées (pas le Rat-qui-pette, hélas, désintégré par une violente explosion), personne n'a encore exprimé l'évidence, comme s'il fallait absolument la taire, par crainte peut-être d'effaroucher des lecteurs qu'on s'imagine sans doute en quête de divertissements purs – d'une littérature émolliente, nette de tout matériau susceptible d'être interprété... Certes, nos pertinents laudateurs devinent sans aucun doute que l'intérêt des aventures picarocambolesques du capitaine Villon ne tient pas qu'au charme de la reconstitution historique et au savoir-faire de l'auteur. Mais ils n'en font pas état. Cette évidence, il nous faut donc maintenant l'annoncer : Le Déchronologue, c'est le récit – à la première personne – d'un flibustier tellement hanté par la culpabilité (la sienne, comme celle des autres) que la stabilité de son monde s'en trouve dangereusement menacée. Et nous verrons que tous les éléments essentiels du roman (les maravillas ; la révolution des Itzas ; le George Washington ; les fusions permutantes qui résultent des temps conflictuels) sont étroitement liés à l'être-au-monde du capitaine Henri Villon. En bouleversant l'ordre des chapitres, Stéphane Beauverger ne cherche pas seulement à susciter l'effet de réel : la déchronologie, qui n'est jamais vraiment justifiée par les événements, témoigne aussi, à mon sens, de la volonté manifeste (et, disons-le, désespérée) du narrateur – Villon – de résoudre un tragique problème métaphysique...

 

Commentaires

  • Tu vas me maudire là, je le sens... mais bon, je te le dis quand même : arrivée vers la page 180, j'ai arrêté ma lecture... Je vais recommencer en lisant les chapitres non tels qu'ils sont proposés, mais dans l'ordre chronologique de l'histoire. Oui, je sais c'est une hérésie, pas la peine d'insister... Mais il faudrait lire ce livre en une seule fois, j'ai beaucoup trop haché ma lecture (dix minutes par ci, une heure pas là), pour que cette formidable entreprise littéraire touche à son but ; j'avais l'impression de saccager ce livre. Et comme je ne vois pas quand je pourrai lire ça d'une traite, j'ai opté pour la reconstruction chronologique. Et quand je serai une grande fille, une lectrice intelligente comme toi, je pourrai aborder ce livre tel qu'il se présente. Cependant, ces 180 premières pages ont été un réel plaisir, dès les premières lignes : cette sombre histoire de mémoire et de tempêtes m'a submergée, j'étais d'autant plus frustrée de devoir l'arrêter pour mieux en profiter autrement.

  • Eh bien, si ça te permet de mieux apprécier, vas-y. Je suppose que ça doit pouvoir se faire, mais évidemment, au détriment d'une progression soigneusement préparée par l'auteur. Lis-le vite : je vais "spoiler" à tire-larigot. Mais... pourquoi ne pas prendre le temps, et ne pas le lire seulement quand tu fais la queue à la Poste ?

  • L'intervention un peu désabusée de "SBM" m'a donné envie d'intervenir au sujet de la lecture "chronologique" du roman. :-)
    Étant en dédicaces dans quelques librairies du grand "Sud-Est" la semaine dernière, plusieurs lecteurs m'ont demandé s'il est plus facile et/ou amusant de lire "Le Déchronologue" dans l'ordre chronologique les chapitres, à partir de la table des matières placée à la fin de l'ouvrage. J'avoue qu'au début, au-delà de la dimension "ludique / crash test" de la question, je ne voyais pas pourquoi un lecteur ne s'y essaierait pas...
    Et puis, en y réfléchissant plus avant, je me suis rendu compte que ça risquait bien de déséquilibrer la lecture en terme de distillation des informations et de la montée de la narration... Un exemple valant mille explications : si je m'étais contenté de décaler les chapitres dans le montage physique du livre, en procédant à un simple déplacement des chapitres écrits dans leur linéarité temporelle, la lecture chronologique ne poserait pas de problèmes... MAIS : pour veiller au confort du lecteur, j'ai justement procédé à des petites tricheries rédactionnelles, en proposant par exemple le portrait physique d'un protagoniste, d'un personnage secondaire, non pas la première fois que Villon le rencontre, mais la première fois que le lecteur le croise dans la narration déchronologisée...
    Je n'aurai pas l'outrecuidance de lister ici les petites astuces ainsi mises en place, mais, au final, et après ces très émoustillantes questions posées par les lecteurs à ce sujet, j'en suis arrivé à la conclusion que la meilleure forme de lecture demeure la forme déchronologisée, sous peine de passer à côté d'un certain nombre d'effets (je ne spoilerai pas ici d'avantage ^^)

    Amicalement
    ____
    sTeF

  • Très honnêtement, avant le commentaire de sTeF, je me posais aussi la question : aurais-je mieux ou moins bien apprécié la lecture si j'avais lu les chapitres dans l'ordre chronologique ? Maintenant je ne me la pose plus, merci sTeF :) En tout cas tes "astuces" sont passées pour moi inaperçues, comme quoi elles étaient subtiles et bien placées.

  • Mais quand vas-tu enfin te débarrasser de cette irrépressible tendance à distribuer bons et mauvais points aux autres critiques/chroniqueurs...?
    Tu es incorrigible! (oui, c'est pour ça qu'on t'aime, mais pas seulement!)

  • Haha. Oui, bon, j'aime bien les chatouiller...

  • L' "effet de réel" inclut déjà en lui la métaphysique. Un entretien de Michon le dit bien, mais/donc rapidement...
    Ce qui explique qu'au fond, ce que j'aurais pu (ou un Systar au "nature philosophe" surévalué...^^) dire, philosophiquement, du roman, fut déjà dit par François, de très belle manière...

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