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Cosmos Incorporated de Maurice G. Dantec (The Novel That Exploded ― 1 ― Input)

 

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« C’EST UNE GUERRE D’EXTERMINATION. LUTTEZ CELLULE PAR CELLULE A TRAVERS LES ECRANS-CORPS-ESPRITS DE LA TERRE. AMES POURRIES PAR LA DROGUE-ORGASME, CHAIRS EXTRAITES DES FOURS TREMBLANTES, PRISONNIERS DE LA TERRE SORTEZ. PRENEZ LE STUDIO D’ASSAUT – »
William S. Burroughs, Nova Express.

 

Tantôt porté aux nues par ses fervents thuriféraires, tantôt ridiculisé par ses ennemis bêlants, le dernier roman de Maurice G. Dantec a déjà fait couler beaucoup d’encre, mais hormis ceux du Stalker comme d’habitude – quoique sur le mode inhabituel, mais fort pertinent, de la « divagation » –, pour qui Cosmos Incorporated était le prolongement prophétique et incontrôlé de ses propres réflexions sur le devenir-Machine du monde, rares ont été les commentaires intelligents, qui ne se seraient point contentés de signaler, usant de paraphrases et de formules journalistiques bien commodes, combien le roman est passionnant, ou indigeste, ou ambitieux, ou mystique, ou laborieux, ou tout cela à la fois, mais qui auraient au contraire résolu d’en explorer les tortueux rhizomes, d’en éclairer les épaisses ténèbres, d’en enténébrer la lumière trop crue. A trop rester en surface, à trop craindre de se perdre dans le labyrinthe des références et des errements littéraires de l’auteur, la plupart des critiques, effarouchés, sont complètement passés à côté de leur sujet, louchant un peu trop, à l’évidence, vers Philip K. Dick (Le Maître du Haut Château, Ubik ou la trilogie divine), alors que c’est sans doute davantage vers William S. Burroughs et son fameux quatuor (Le Festin Nu, La Machine molle, Le Ticket qui explosa, Nova Express) qu’il aurait fallu se tourner afin d’en mieux appréhender les enjeux, l’ambition et, au final, l’échec.

 

Sur ce monstrueux et aporétique roman de science-fiction qui met en scène son propre combat contre l’empire totalitaire de l’entertainment, sur ce rejeton difforme de Villa Vortex qui refuse la toute-puissance stochastique de l’ère post-industrielle, rien, ou presque, n’a encore été dit. Je vous invite donc à suivre en ces pages, dans les jours qui suivent, ma propre déambulation, ma propre errance au cœur du vortex, dans l’œil-fiction de la Métastructure de Contrôle – implacable descente au plus profond du cerveau de Sergueï Diego Plotkine, voyage critique au centre de la nuit métatronique. Errance, certes, car, et c’est peut-être l’intérêt majeur d’un récit qui ne parvient jamais à être un vrai roman au sens où l’entendait Raymond Abellio dans La Fosse de Babel, c’est-à-dire à « enfermer la plus haute charge de pensée et de vie dans la forme à la fois la plus concertée et la plus frémissante », d’un récit qui s’abreuve à mille sources comme son Enfant-Boîte, d’une œuvre au verbe métastatique, jamais vraiment maîtrisé, c’est peut-être son intérêt majeur, donc, de rendre inopérantes les pratiques formatées de la critique, de tuer dans l’œuf la simple note de lecture, d’avorter le compte-rendu synthétique. Errance, donc, mais rigoureusement téléguidée par nos obsessions propres. Ainsi nous intéresserons-nous d’abord à la première moitié de Cosmos Incorporated, à son apocalyptique description des simulacres de l’UniMonde Humain de Grande Jonction, soft totalitarism cyberpunk inspiré du Nous, fils d’Eichmann de Günther Anders, contre-utopie dans la lignée du Meilleur des mondes d’Huxley ou des Monades urbaines de Silverberg, ainsi qu’à sa théorie orwellienne, moins novatrice mais très stimulante, de « dévolution », à son homme dans le labyrinthe, Sergueï Plotkine dont les doigts morts parlent, et à son « ange » neuromatriciel El Señor Métatron. Puis nous verrons, dans un second temps, combien la « révélation » du Scribe halluciné Plotkine, qui fait exploser la narration au beau milieu du récit, n’est qu’une tentative confuse mais impérieuse de sauver ce contre-roman de sa propre incorporation ; de sauver l’humanité – rien de moins – de sa réification finale, en proposant de lui redonner vie par la fiction.

 

« Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. »
Saint Jean, Evangile, 1, 1

 

A venir : Cosmos Incorporated de Maurice G. Dantec (The Novel That Exploded – 2 – Zéropolis).

Commentaires

  • J'attends avec impatience ce rapprochement entre Burroughs et Dantec!
    A bientôt,
    S:

  • Comme dirait l'autre,
    Au commencement était le Verbe, à la fin était le Chiffre.

  • Vous ne croyez pas si bien dire, chers points de suspension. Dans les contre-utopies de Zamiatine, Orwell ou Dantec, le Verbe - l'homme - est impitoyablement exterminé par le chiffre - la Machine.

  • Vous avez tous mes encouragements et tout mon intérêt. J'ai achevé la lecture de Cosmos Inc. le mois dernier et je lis Burroughs depuis la fin des années 60... Du Festin Nu à ses Ultimes Paroles. Yes Dead Fingers Talk.

  • Vous avez également tout mon intérêt. Je suis actuellement entrain de finaliser un article de rélfexion d'une bonne quinzaine de pages sur le dernier Dantec (celui que j'annonçai triomphalement sur mon blog, au mois de septembre dernier - mieux vaut tard que jamais !), et je ferai référence à votre article si ce rapprochement entre le dernier Dantec et ce quatuor burroughien me convainc. En attendant, je reste convaincu que les inspirations fortes de Dantec restent du côté de Orwell, Huxley, Dick, Wells, et peut-être un peu Saint Augustin ! Qu'en pensez-vous ?
    Par contre, j'ai relu en entier le roman pour repérer d'autres pistes. Ca reste tout de même un peu indigeste (euphémisme !). Pour le dire vite, ça va un peu dans tous les sens ! Il ne faudrait tout de même pas que l'argument du roman labyrinthique (avec lequel je reste d'accord) ne cache quand même une réalité : celui que ce livre reste le brouillon d'une très grande oeuvre. C'est d'ailleurs en ce sens que j'accepte votre idée : on doit suivre l'ambition immense de cette oeuvre de fiction pour en saisir le retentissant échec !

  • Cher Marc, je partage votre avis. Cosmos Inc. est constitué de tellement de références que n'en retenir qu'une seule serait d'un ridicule sans équivalent ! Et sa deuxième partie est indubitablement indigeste - mais pas plus "illisible" (toutes proportions gardées) que les oeuvres de Burroughs citées plus haut, ou que certains textes de Beckett. Mais une fois admise cette indigestion, nous n'avons encore rien dit ; que vous ayez écrit quinze pages - que j'ai hâte de découvrir - en témoigne !

    Qu'on me pardonne : je suis encore plus lent que vous, Marc (mais un tel roman ne mérite-t-il pas plus ample réflexion que telle ou telle oeuvrette branchée ? Sans compter que j'avais une critique du dernier Houellebecq à écrire pour Galaxies, et une kyrielle de textes à préparer et rédiger...), et la suite de mon article (pas encore rédigée mais bien vivante, et fort agitée dans mon bocal), où j'entre de plein pied dans l'UMHU du roman, et où il sera question en effet de Dick, Orwell, Huxley, Zamiatine, Witkiewicz, Silverberg, Ballard, Anders, Bernanos et j'en passe (m'en sortirai-je vivant ?!?), mais aussi du style de Dantec, ne sera mise en ligne que vendredi ou samedi soir. Quant à Burroughs, il en sera surtout question, entre autres, dans la troisième partie, disponible lundi si tout va bien, lorsqu'il s'agira, cela au moins je peux vous l'annoncer, d'interpréter cette déroutante déconstruction romanesque comme la manifestation formelle de la guerre transfictionnelle, transnarrative, que se livrent Dieu et le Diable, l'Homme et la Machine, au plus profond de la boîte crânienne de l'auteur. L'auteur-boîte mis en boîte. Mais j'en ai déjà trop dit...

    Lucien, vous connaissez Burroughs, dont je n'ai pas encore tout lu (loin de là !), mille fois mieux que moi, aussi n'aurai-je point la prétention de vous apprendre quoi que ce soit... J'espère seulement que ce rapprochement (cette confrontation ?) entre Sergueï Plotkine et Bill Lee, entre la soft machine-à-écrire de Burroughs et la hard-science mégamachinique de Dantec, ne vous semblera pas totalement incongru...

    Merci à vous deux pour vos encouragements - et pour vos blogs respectifs que silencieusement j'arpente quotidiennement (ou presque). Bien à vous.

  • Eh bien, je sors éreinté d'un travail de rédaction, aussi la deuxième partie de ma critique, "Zéropolis", ne sera vraisemblablement prête que dimanche.
    Très cordialement.

  • Zéropolis? Est-ce en référence au livre de Bégout sur le monstre urbain qu'est Vegas? C'est amusant parce que j'ai été son étudiant à Amiens pendant deux ans, et il faisait un cours sur la fin du monde, la technique et les machines, très inspiré par Heidegger, Anders et Stiegler. Il citait, je me souviens bien, aussi des écrivains comme Ballard, Gibson (que j'ai découvert grâce à lui), Palaniuhk. Comme quoi, tout se recoupe. Mais son idôle philosophique était Anders qu'il nous lisait en allemand en donnant un souffle apocalyptique aux réfléxions andersiennes sur la mégamachine et a honte prométhéenne.

  • Parfaitement, Arian, je parle bien de la Zéropolis de Bruce Bégout. L'UMHU de Cosmos Incorporated ressemble en effet à s'y méprendre à la Vegas décrite par votre ancien professeur. Et cette zéropolis serait, en quelque sorte, la manifestation avant-gardiste, éminemment schizophrénique (cf. Debord) de la mégamachine de Günther Anders. Mais là encore, j'anticipe : rendez-vous demain pour la deuxième partie de mon article... Et toutes mes excuses pour le retard.

  • Je suis de plus en frappé par l'extrême jubilation "lexicale" de Dantec. Mettons de coté le récit...pour écouter sa sonorité sémantique, la résonance de ces mots qui semblent répondre à autre chose qu'à la trame de l'histoire, mais à assouvir un besoin profondément musical, il y a quelque chose de l'ordre du "riff" chez Dantec, pas plus indigeste que Paganini, MC5, Holdsworth, Reznor, Coltrane, Hendrix, Kraftwerk, Charlie Parker... une adoration du jargon technique, philosophique, du mot puissant, contenant, à plusieurs degrés, des mot-objets, brillants, chromés, comme autant de licks de bop, des gammes parfois out, de larsens, de loops, jouant non seulement avec, mais autour, contre, entre l'idée.
    Un open solo, une histoire dans l'histoire...

  • noOne...
    bonjour, je viens d'avoir 17 ans et j'espère bien un jour vous arriver à la cheville, en attendant..
    j'ai épuisé mes idées maladroites sur le forum..
    je fais un copier-coller
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    Re: Cosmos Incorporated de Maurice G. Dantec
    le 09/12/2005 16:27:44, NoOne a écrit :


    merci pour cet excellent lien, un blog intelligent

    ce travail de dantec mérite.. bah.. on en est pas là.. je dirai simplement merci pour moi-même et pour ceux qui oublieront de le faire.

    un discours intelligent

    « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. »

    Saint Jean, Evangile, 1, 1



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    ....Comme dirait l'autre,

    Au commencement était le Verbe, à la fin était le Chiffre.



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    Vous ne croyez pas si bien dire, chers points de suspension. Dans les contre-utopies de Zamiatine, Orwell ou Dantec, le Verbe - l'homme - est impitoyablement exterminé par le chiffre - la Machine.

    Ecrit par : Transhumain | 23/11/2005

    un univers plus que trans.. véritablement humain,.. véritablement transhumain, j'ai presque peine à croire qu'il y ait dans ce blog une once d'humanité (de celle que je connais et qui me fait froid dans le dos).

    j'ai trouvé un lien vers houellebecq qui m'a faite fondre en larmes .. j'ai lu tous les romans de houellebecq et cette merveilleuse page m'avait échappé ..

    j'ai trouvé un lien vers bukowski ..

    oui il est vrai, pas des morts-vivants ou des survivants, des VIVANTS

    allé zouh.. en "favoris"

    MERCI TRANSHUMAIN

  • très bo site,mais...Trop. Tropde Dantec, trop de "trans-", je lirai presque du Dantec, si ce n'était ce manque de rage brute qui le caractérise; avancer n'est pas copier, c'est au contraire déconstruire ce qui est déjà réalisé.

  • "bo" ? Trop de "trans-" ? Trop de Dantec ? "Copier" ? Mais de quoi parlez-vous donc ?... Lisez donc, au lieu de vous contenter de dénombrer les occurences du nom "Dantec".

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