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Cosmos Incorporated de Maurice G. Dantec (The Novel That Exploded – 3 – Trou Noir)

 

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« Certains événements sont des puits sans fond, où le sens même a été jeté, sans espoir jamais de pouvoir être éclairé par la conscience qui se perd dans le néant comme une poignée de photons dans un trou noir ; certains hommes sont des gouffres, des abîmes profonds comme des fosses ouvertes sous les profondeurs océaniques. On dit que la vie s’y développe, mais il s’agit de la vie des gouffres, des abîmes situés hors de toute lumière. La vie des ténèbres. »
Maurice G. Dantec, Cosmos Incorporated.

 

« Le but de mon écriture est de révéler de dénoncer et d'arrêter tous les Criminels Nova. […] Avec votre aide nous pouvons occuper le Studio de Réalité et reconquérir leur univers de Peur Mort Monopole »
William S. Burroughs, Nova Express.

 

Injection

 

Avec la partie intitulée « Bootstrap : Corpus Scripti », nous assistons à un brutal renversement du récit, à son inversion, au glissement de la narration sur son disque d’accrétion. Les jumaux McNellis, occupants « spaciens » (nés en orbite) de l’hôtel Laïka tout droit sortis de La Schismatrice de Bruce Sterling et descendants littéraires des jumeaux post-humains de Marie Zorn dans Babylon Babies, révèlent la Vérité avant-dernière à Plotkine : celui-ci ne serait autre que leur créature, leur personnage de fiction écrit dans une cellule du camp 77 du district de Hong-Kong… Il est leur golem, verbe fait chair (« Corpus Scripti ») qui doit s’affranchir pour conquérir sa liberté. Plotkine, l’homme venu à Grande Jonction pour tuer-le-maire-de-cette-ville, devient le Contre-Homme-Venu-du-Camp. Nous comprenons alors qu’il n’est que leur représentant, leur envoyé au creux de l’état totalitaire électronique de l’UMHU, c’est-à-dire dans la fourmilière en devenir du Contre-Monde, envers luciférien de la Création, galaxie de la fausse parole – la langue du Mal – ou « camp de concentration verbal »[1] – entre The Matrix et Le Maître du Haut Château. De cette révélation, nous avons déjà reçu quelques présages, comme ce clochard halluciné du Cosmodrome – double dickien de Dantec lui-même – qui hurle, les bras en croix, avant d’être arrêté : « POURQUOI NE VOULEZ-VOUS PAS VOIR QUE NOUS SOMMES TOUS MOOOOORTS ! » Cosmos Incorporated, à bien des égards, s’impose comme l’équivalent dans l’œuvre de Dantec de L’Invasion divine de Philip K. Dick et de Nova Express, le dernier volet du quartet burroughsien, deux romans qui postulent la fausseté de notre monde. J’écrivais en introduction que plus que chez Dick, sans doute fallait-il davantage se tourner vers William S. Burroughs, et en particulier sa première tétralogie (du Festin Nu à Nova Express), pour saisir pleinement les enjeux et l’échec de Cosmos Incorporated, mais il n’aura échappé à personne que l’Œuvre dickien n’en reste pas moins la matrice évidente du livre, comme de tous les récits de mondes truqués. Néanmoins, si le texte dickien, au moins à partir d’Ubik, est celui du ressassement, Cosmos Inorporated nous semble en revanche exiger un dénouement limpide et radical, à la façon du Temps désarticulé, Dick première manière. Nous allons voir, alors, que l’univers de la Métastructure de Contrôle, aussi faux soit-il, n’en est pas moins potentiellement réel, de même que la Révélation de Plotkine pourrait n’être à son tour qu’une nouvelle contre-fiction. In fine, le labyrinthe de la narration n’ouvre que sur des portes closes.

 

Le Corps du Christ est une mante religieuse

 

El Señor Métatron, l’IA de sécurité high-tech de Plotkine, firewall de l’ère cyberpunk et image luciférienne de l’Ange Métatron, n’est que le versatile successeur de la Neuromatrice des Racines du Mal ou de la schizomachine Joe-Jane de Babylon Babies, et cependant nous évoque d’autres figures : ses facéties, sa faculté (certes virtuelle) de s’immiscer dans la matière même, sa personnalité, rappellent Gloria, l’aya de l’excellente série de Roland C. Wagner, Les Futurs mystères de Paris ; mais je songeais surtout à cette « présence » apparue à Philip K. Dick sous le nom de Hagia Sophia, Sainte Sophie, que l’écrivain de science-fiction, dans l’indispensable Dernière conversation avant les étoiles paru aux éditions de l’Éclat en 2005, identifie lui-même dans un premier temps comme le Logos créateur et comme le « nom de code inventé par l’empereur Justinien pour désigner le Christ »[2]. Cette « présence » aurait fait revivre à l’auteur, en une série de flashs-back psychiques, les premiers temps chrétiens. Or le mystérieux Métatron du Zohar et du Livre d’Enoch, s’il est absent de L’Ancien Testament comme du Nouveau, est parfois considéré comme l’autre nom de YHVH… Notons qu’au fil des entretiens Dick se contredit de plus en plus, au point que ses apparitions, dont il finit par nier le caractère strictement angélique pour en faire d’hideuses mais édéniques créatures d’un monde lointain dont nos mystiques auraient un aperçu – et qui ne serait autre que l’au-delà des religions terriennes –, ne nous apparaissent de manière évidente (et émouvante) que comme le délirant tohu-bohu d’une imagination hors du commun dopée au Penthotal et au whiskey[3]. El Señor Métatron pourrait n’être à son tour que le fantôme d’Hagia Sophia, trace ironique pour Dantec du silence de Dieu, ange par qui l’écran-esprit de Plotkine, pour paraphraser le Burroughs de La Machine Molle (dans la trilogie, et surtout dans Nova Express, plane le soupçon que notre existence ne serait qu’un film), est rétroactivé amnésiquement.

 

La révolution métatronique – Des éclats de lumière

 

Si la première partie du roman nous montrait la résistance clandestine des chrétiens, les deuxième et troisième parties jouent pleinement de l’opposition du Mal et du divin. La citation des Confessions de Saint Augustin en exergue de « Bootstrap : Corpus Scripti » annonçait d’ailleurs la couleur : « Il est deux choses que Vous avez faites, Seigneur : l’une près de Vous, c’est l’ange, l’autre, près du néant, et c’est la matière première. ». Nouvel exemple de la parabole de la Chute : le Contre-Monde est aussi « la contre-part tragique à l’incarnation humaine du feu du Logos dans sa chair »[4]. Métatron, interface angélique entre le pôle céleste et le pôle terrestre (dans le roman, l’enfant de Plotkine et de Vivian est adopté par un certain Gabriel Link de Nova, or, si j’en crois mes sources, c’est de Métatron que l’ange Gabriel recevait ses ordres), n’aurait alors d’autre rôle que d’éclairer nos ténèbres de Sa lumière, réunifier l’indivisible divisé (« […] j’écrirai sur le monde comme le feu sur la chair, je vivrai par l’esprit, dans un point de lumière » : par ces mots, « point de lumière », Vivian McNellis ne désigne-t-elle pas Plotkine, le point en mouvement, le photon, l’Homme-Lumière ?). Pour le métanarrateur en effet, le Corps du Christ toujours déjà constitué, indivisible, est refoulé par l’anti-humanité égocentrée de l’UMHU (« Un monde pour tous, un dieu pour chacun ») ; latent, il ne se manifeste plus que de loin en loin, comme en atteste ce magnifique passage qu’on me permettra de citer longuement : « La nuit était tombée depuis longtemps et Plotkine dormait d’un sommeil sans rêve. Peut-être quelques îlots épars de souvenirs mal constitués essayèrent-ils de prendre forme, quelques-uns de ses crimes passés, sa seule mémoire un tant soit peu constituée, tentèrent-ils de s’exprimer une nouvelle fois, peut-être perçut-il comme une image du grand tube de neuronexion mondiale, spirale infinie dont les circonvolutions, tramées dans l’ultraviolet des biophotons de l’ADN, se configuraient selon votre propre cortex, et cela simultanément pour des centaines de millions d’individus et de machines […] » La « dévolution » n’est que l’envers du Progrès qui, comme le Verbe, n’est que division en unités combinables d’une seule pièce. Dans le temps post-historique de la Machine-Monde de l’UMHU, projection prophétique du temps présent, dans cette singularité relativiste de l’« antimonade »[5] – où les valeurs morales et esthétiques sont réduites à zéro par l’absence de repères stables –, le corps biologique, comme le corps cybernétique, incorporent le monde (la Création, le Cosmos) comme une infinité de trous noirs. – Jésus est saigné à blanc…

 

L’Ange exterminateur

 

« Et puis, de toute manière, tout se terminerait de même, c’est-à-dire, par la mécanisation complète – à moins qu’il n’arrive un miracle »[6], écrivait S. I. Witkiewicz dans L’Inassouvissement. Contrairement à Nous autres de Zamiatine ou au roman de Witkacy, et en dépit de sa peinture apocalyptique de notre avenir proche, Cosmos Incorporated n’est pas totalement désespéré. Subsiste en effet l’espoir inébranlable – la certitude – d’un miracle, au sens le plus religieux qui soit. Conservons à l’esprit que Dieu seul étant incréé, même un Contre-Monde tel que le domaine métastatique de la Métastructure de Contrôle, même soumis aux mensonges de Lucifer, appartient encore à Son Royaume. Les plus beaux passages du roman sont sans doute ceux où s’exprime cet espoir, dans une langue enfin vraie (fragments épars du Réel), d’un « futur qui voulait s’accomplir »[7]. Les actions de Plotkine, en effet, d’abord motivées par ses souvenirs morcelés puis par la volonté de Métatron, sont avant tout des actes de foi : « Quand on est au service d’un ange tombé sur la terre, on se doit à lui sans même réfléchir un seul instant au bien-fondé de cette nouvelle allégeance. On se doit de vivre et de combattre depuis sa cellule de liberté »[8] De même que le Néo de The Matrix se range irrémédiablement aux côtés des résistants de Zion sans jamais remettre en cause cette nouvelle réalité, de même Plotkine obéit aveuglément à ces anges tombés du ciel, sans se demander – il se l’interdit – si ceux-ci ne sont pas, finalement, que le jouet de son imagination schizoïde. Ces deux phrases résonnent aussi bien comme une légitimation du terrorisme – les fanatiques religieux étant alors plus vivants que nous autres zombies du Contre-Monde – ou comme l’expression littéraire d’un trip schizo terminal.

 

Eraserhead – Welcome to Annexia

 

« Dans les cas de paranoïa justifiée, la résistance et une conscience aiguë de la réalité font toute la différence. »[9] écrivait l’auteur anglais de romans noirs Robin Cook (à ne surtout pas confondre avec son homonyme, spécialiste du thriller médical) dans son roman de politique-fiction Quelque chose de pourri au royaume d’Angleterre. Plotkine entre en résistance, Plotkine est complètement  paranoïaque, mais sa paranoïa est-elle vraiment justifiée ? Il n’est pas impossible en effet que les événements relatés après la Révélation « métatronique » soient eux-mêmes hallucinés par Plotkine – et rien n’interdit de douter de la même façon de la réalité de l’UMHU qui serait non plus le film totalitaire de la fausse parole mais le film intérieur d’un schizophrène perdu dans son labyrinthe intérieur. Personne, à ma connaissance, n’avait encore noté ce fait pourtant remarquable : la manifestation du surnaturel, au cours de l’incendie très symbolique d’une « capsule » de l’hôtel Laïka, n’intervient qu’alors que Plotkine est en train de dormir et de rêver… « Son rêve, cette fois, prit forme. Or, Plotkine ne savait pas encore qu’il ne s’agissait guère d’un rêve. »[10] : les termes employés sont plus qu’ambigus ; endormi à la page 234, Plotkine ne se réveille qu’à la page 304, au terme d’une odyssée onirique et théologique hard science et d’une Genèse complexe qui entre temps auront laissé un certain nombre de lecteurs sur le carreau. Rappelons-nous que Plotkine, comme nous l’avons écrit plus tôt, présente des symptômes évoquant la schizophrénie, héritier post-conversion de Marie Zorn, l’héroïne de Babylon Babies. Ses souvenirs se mélangent, se chevauchent, ne se recoupent pas ; il reçoit des messages télépathiques issus de la Bible ; il est l’agent d’une organisation occulte ; il est paranoïaque ; son ADN « non codant » serait l’interface génétique entre la Chair et le Verbe ; il devient même son propre narrateur !… Ainsi Plotkine est-il peut-être victime d’une tragique conséquence d’implants mémoriels défaillants (à moins que même ceci fût inventé), tels que ceux déjà rencontrés chez Philip K. Dick, notamment dans la nouvelle « Souvenirs à vendre », adaptée au cinéma par Verhoeven dans Total Recall. Plotkine est le Bill Lee d’Interzone Incorporated, changeant de rôle à mesure qu’il s’enfonce au centre du Trou Noir, il est le tueur, le Contre-Homme-venu-d’Annexie, il est Vivian McNellis, il est l’Enfant-Boîte, il est le terminateur, il est Terminator. Quelle que soit notre interprétation, l’arme employée par Maurice G. Dantec est bien sûr le langage, dont il utilise les propriétés virales évoquées par William S. Burroughs – périlleuse entreprise dans laquelle l’auteur échoue en grande partie.

 

The Downward Spiral

 

Cosmos Incorporated figure en effet la résistance du Logos à l’emprise totalitaire de la fausse parole. Après une première partie située dans le monde-simulacre désenchanté de l’UMHU, se manifeste la parole divine, le Verbe, la Lumière qui éclaire les ténèbres (du monde ou de l’esprit, selon le point de vue, mais nous savons combien cette distinction manque de pertinence lorsqu’il s’agit d’analyser les liens, la dialectique, plutôt que les causes premières). Dès lors, les trois dernières parties (« Bootstrap : Corpus Scripti », « Process : Vers l’invisible » et « Output : Métatron ») consistent en une lutte incessante entre le récit initial du Cosmodrome (le contrat de Plotkine) et la Vérité Révélée de Vivian McNellis. La narration est ainsi déchirée entre deux pôles, l’un terrestre, l’autre céleste, l’un obscur, l’autre lumineux. Le Contre-Homme-Venu-du-Camp (dont l’éveil à Métatron est provoqué par des textes bibliques viraux parasitant son esprit) est envoyé pour couper les lignes-mots, pour ouvrir des brèches dans l’univers forclos du Contre-Monde. Casser les images-contrôles. Or à l’intersection de ces deux mondes pourtant déclarés incompossibles surgissent des fragments de textes de chansons (U2, Kraftwerk, Nine Inch Nails), étonnamment vrais, superbement réels, de notre temps présent, comme si ce Réel, celui de la Création malgré tout, se rappelait à Plotkine – et à Dantec – de temps à autre. L’Enfant-Boîte et sa liste de 99 noms jouerait alors le rôle que tenaient les petites étiquettes (« BUVETTE ») dans Le Temps désarticulé : celui d’une salutaire piqûre de rappel (« POURQUOI NE VOULEZ-VOUS PAS VOIR QUE NOUS SOMMES TOUS MOOOOORTS ! »).

 

Antivirus

 

La principale faiblesse de Cosmos Incorporated réside précisément dans sa soumission, puis dans son insoumission avortée, au langage-machine qui le contamine ; dans l’incapacité de Dantec de se libérer de ses gimmicks littéraires. Le Verbe prométhéen ne parvient pas à « déchaîner le Verbe »[11], il est au contraire enchaîné. Figurant la résistance de la parole vraie au joug de la fausse parole, le roman ne prend vie qu’à de rares occasions, lorsque la langue se fait enfin plus littéraire, plus poétique, lorsque son objet prend racine dans notre continuum et non plus dans celui, sénescent, de l’UMHU, lorsque, à la toute fin, avec une innocence insoupçonnée, il perpétue l’espoir d’une parole libre – humaine. Le plus souvent hélas, les procédés stylistiques maladroits font penser à un mauvais épigone de Chuck Palahniuk, et contrairement à ce qu’affirme une phrase du roman[12], l’opacité de la narration n’est pas soutenue, à l’opposé d’un Burroughs, par une énergique préoccupation esthétique. Comme Villa Vortex déjà, Cosmos Incorporated en dit trop pour être véritablement animé de l’intérieur, pour que son auteur, pour reprendre les termes du Stalker, soit « dépossédé de sa parole », et s’il explose en cours de route, l’explosion est trop contrôlée, son verbe trop mécanique, pour ouvrir de nouvelles perspectives littéraires. Tandis que William S. Burroughs accouchait de véritables réalités alternatives contre l’hégémonie ontologique du « Film-Dieu », s’il oeuvrait sans cesse pour enfin réaliser le vœu de Lautréamont (que la poésie soit faite par tous et non par un), Dantec en revanche ne parvient jamais à tirer les conséquences esthétiques de ses idées pourtant fortes et belles ; et lorsque son roman paraît échapper à l’artifice, lorsque la Parole enfin s’en extirpe, le romanesque disparaît : Cosmos Incorporated n’est alors ni roman, ni réalité alternative. La résistance à Big Brother, dans 1984, s’inscrivait « d’abord […] dans le genre romanesque »[13], le roman lui-même était une réponse cinglante et magnifique au Novlangue qu’il combattait. Et Raymond Abellio, dans La Fosse de Babel, appelait de ses vœux la naissance d’un roman absolu, désengagé et englobant, dont Les Frères Karamazov constituent peut-être l’exemple le plus achevé et dont rien n’est plus éloigné que Cosmos Incorporated.

 

Rejection

 

La limite de Cosmos Incorporated réside dans sa nature romanesque désavouée, explosée, dans son obstination pourtant à rester dans le champ de la fiction. « Un écrivain ne peut décrire qu’une seule chose : ce que ses sens perçoivent au moment où il écrit. », écrit Burroughs dans sa « postface atrophiée »[14] au Festin Nu. Et d’ajouter : « Je ne suis qu’un appareil d’enregistrement… […] Je ne cherche pas à distraire, je ne suis pas un amuseur public… » Nous ne pouvons certes pas reprocher à Dantec de n’avoir pas connu la souffrance du Camp, mais le fait demeure que Fiodor Dostoïevski n’a écrit ses chefs d’œuvre (Souvenirs de la Maison des Morts ; Mémoires écrits dans un souterrain ; Crime et châtiment ; L’Idiot ; Les Possédés ; Les Frères Karamazov) qu’après avoir passé quatre ans au Bagne et subi un simulacre d’exécution... Cosmos Incorporated donne constamment l’impression de vouloir dire, de n’être qu’une métafiction sans objet. Métatron n’est sans doute pas apparu à Dantec, dont la conversion au catholicisme m’apparaît moins comme la conséquence d’une révélation, comme ce fut le cas pour Dick, que comme l’étape logique d’un cheminement spirituel et intellectuel dont ses multiples lectures nous fournissent les indices. Burroughs avait bien compris que l’inconscience-fiction (j’emprunte cette expression à Boris Eizykman) de l’enregistrement automatique du réel, qu’il rapprochait de la possession (pour Juan Asensio, Cosmos Incorporated est même l’histoire d’une dépossession), pourrait bien constituer la seule alternative au silence rimbaldien dans sa lutte contre la fausse parole. La prose frénétique du Festin nu et de la trilogie qui en découla était la seule capable de rendre compte de l’univers mental psychédélique de l’écrivain junkie. Mieux : elle s’opposait violemment aux organes policiers de ses contre-utopies fantasmatiques. Cut-up et fold-in, collages et permutations, décrivent un univers cauchemardesque tout en le combattant, jusqu’à l’ultime insurrection contre la Police Nova dans Nova Express.

 

Plus lien… leviens vendledi…

 

Non, Cosmos Incorporated, après l’explosion-révélation, refuse d’enregistrer le réel ; en fait, le Réel n’est pour Dantec que ce néant originel évoqué par Saint Augustin. Ambition aporétique s’il en est, d’un projet faustien désavoué in extremis : écrire le contre-roman du contre-monde, écrire l’impossibilité de décrire l’indicible, se défaire de son innocence pour retrouver l’innocence. Entendu au sens burroughsien de virus, le langage est ici plus contaminé qu’il ne contamine ; il finit par tuer son hôte – Plotkine, et le roman lui-même. Le langage ne transcende plus, il est une substance-mort. En d’autres termes, au Trou Noir du Contre-Monde relativiste succède un autre Trou Noir, celui du livre, celui de la littérature de Dantec. Dans La Littérature à contre-nuit, le recueil de textes critiques de Juan Asensio, figure un passage intitulé « de la littérature considérée comme un trou noir » où il est opportunément rappelé que cette singularité fut aussi désignée par de Nerval comme l’œil de Dieu. « [n]ous mettons en rapport la négativité d’un espace aboli, celle d’un astre inversé ou retourné, et l’apparition, au sein d’une écriture romanesque, d’un vide qui la creusera jusqu’à son amuïssement final. » D’amuïssement, il ne saurait être question dans Cosmos Incorporated puisque la parole – contre-verbe – y est déjà vaincue. On saisit quel abîme sépare irrémédiablement le roman de Maurice G. Dantec et le chef d’œuvre de Georges Bernanos, Monsieur Ouine, dont Juan Asensio, qui lui consacre les plus belles pages de son livre, écrit à juste titre qu’il est une révélation[15], ce que Cosmos Incorporated, à trop vouloir tutoyer les dieux, ne parvient jamais à être. Il semblerait toutefois que Dantec en soit douloureusement conscient, lui qui réduit Plotkine au silence – qui le rend à sa liberté – dans les dernières pages de son roman. Mais avant cette consomption finale, en dépit de son échec littéraire, Dantec et sa substance-mort auront au moins réussi, ce n’est pas rien, à nous communiquer l’essence de ce qui manque cruellement à sa fiction, et qui fit le succès et l’importance de 1984 : l’insurrection du Verbe au royaume du Novlangue.

 

Output

 

« Devant une neige un Être de Beauté de haute taille. Des sifflements de mort et des cercles de musique sourde font monter, s'élargir et trembler comme un spectre ce corps adoré ; des blessures écarlates et noires éclatent dans les chairs superbes. Les couleurs propres de la vie se foncent, dansent, et se dégagent autour de la Vision, sur le chantier. Et les frissons s'élèvent et grondent et la saveur forcenée de ces effets se chargeant avec les sifflements mortels et les rauques musiques que le monde, loin derrière nous, lance sur notre mère de beauté, – elle recule, elle se dresse. Oh ! nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux. »
Arthur Rimbaud, Being Beauteous.


 


[1] A. Robin, La Fausse parole, p.51, cité par J. Asensio in La Littérature à contre-nuit (A Contrario, 2005), p. 81.

[2] P. K. Dick, Dernière conversation avant les étoiles, édité par Gwen Lee et Doris Elaine Sauter, traduit de l’anglais (USA) par Hélène Collon (éditions de L’Éclat, 2005), p. 168.

[3] « Pendant presque huit ans, j’ai été en contact avec une forme ou une autre d’esprit dont tout indiquait qu’il s’agissait de Dieu, y compris dans les termes employés, etc. Mais je pense maintenant qu’il s’agissait en fait d’une autre forme de vie que la nôtre. […] Or le moment est venu pour nous de les voir tels qu’ils sont. Et ils ne ressemblent en rien à Jésus. Ils sont laids, horribles, mais sur le plan spirituel, il sont comme lui. Ils croient qu’on percevra leurs aspect spirituel. Sauf qu’ils sont vraiment affreux à voir. Ils n’ont pas d’oreilles. Ils ne peuvent pas parler. Ça n’a pas de mains. Ça ressemble à une mante religieuse. » Ibid., pp. 203-204.
[4] Cosmos Inc., p. 265.

[5] Ibid.

[6] S. I. Witkiewicz, L’Inassouvissement (éditions L’Âge d’Homme, Classiques Slaves, 1970), p. 48.

[7] Cosmos Inc., p. 185.
[8] Ibid., p. 346.

[9] R. Cook, Quelque chose de pourri au royaume d’Angleterre (Rivages, Ecrits Noirs, 2003) p. 140.

[10] Cosmos Inc., p. 235.

[11] W. S. Burroughs, « postface atrophiée » du Festin Nu (Gallimard, L’Imaginaire, 1984), p.  249.

[12] « Toute tentative d’explication rationnelle manquerait inévitablement le point essentiel et souffrirait d’une absence totale de préoccupation esthétique », Cosmos Inc., p. 496.

[13] J.-F. Lyotard, Le Postmoderne expliqué aux enfants (Le Livre de poche, Biblio, Essais, 1993), p. 126.

[14] W. S. Burroughs, op. cit., pp. 241-242.

[15] J. Asensio, op. cit., p. 226.

Commentaires

  • Tout simplement remarquable.
    Effectivement, tu es le premier à avoir remarqué l'intrusion du surnaturel durant le rêve de Plotkine mais... n'oublions pas que Dantec est un lecteur de Bernanos. Or, dans Sous le soleil de Satan, Donissan rencontre le maquigon (Satan) après s'être endormi... Dans les deux cas, l'indétermination est la même : il nous est parfaitement impossible de décider de la réalité de la rencontre ou de son irréalité.

    Bravo en tout cas, sincèrement.

  • Oui, comment ai-je pu ne pas y penser ! D'autant que j'avais été immédiatement frappé, dans Sous le soleil de Satan, par cette indétermination. Merci, donc, pour cette très utile précision.

  • L'indétermination dont vous parlez signifie peut-être que "la chose" se passe dans l'entre-deux-mondes ?

    Cette critique est magistrale, Transhumain. Je n'ai pas lu ce roman jusqu'au bout, et je comprends mieux pourquoi, à vous lire. J'ai le sentiment qu'au-delà de la science-fiction et des réflexions sur notre monde, il nous raconte l'histoire torturante et torturée de la difficulté, voire de l'impossibilité, d'écrire en Verbe. Et pourtant, il nous faut le rejoindre, cet "Etre de Beauté" !

    Merci, et pour cette réflexion (et la relation avec Burroughs), et pour Rimbaud en conclusion ouverte.

  • À mon tour de vous remercier et de vous féliciter pour cette lecture si juste et si riche...
    À lire Dantec, éclairé par vos soins, et à penser au Verbe qui fait défaut et qui brûle dans l'eau de nos jours blêmes, il y a quelque chose ici du Baptiste, la furieuse effervescence du 1er siècle, avant le Verbe incarné, tout près: Dantec trouvera-t-il (en lui, par son prochain roman; ou chez un autre) l'occasion de tendre l'index? le voici, le Verbe, parmi nous... le voici, le livre que nous attendions... le voici, le corps que nous désirions?...

    (car un écrivain est un corps, et «son» livre, un éclat)

    En tout cas, merci.
    Et si je crois aussi qu'au final Dantec ne réussit pas à faire briller dans le Corps le Verbe que nous attendons, il est mille fois préférable à tous ceux qui font semblant, par ces guirlandes électriques qui se déversent dans nos librairies et sous nos yeux, sous nos sapins meurtris...

  • Nous sommes bien d'accord, Gaspar. Dantec m'a toujours intéressé pour cette raison. Chacun de ses livres, réussi ou non, ouvre de de nouvelles perspectives. J'attends le jour où ses ambitions esthétiques et philosophiques se rejoindront en quelque point nodal inconnu - d'autres diraient : le jour où son écriture sera touchée par la grâce.

    Dans l'entre-deux-mondes, Alina ? Oui, sans doute. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des entretiens inédits de Philip K. Dick aux éditions de l'Eclat : verbe, mysticisme et schizophrénie s'entremêlent pour accoucher d'un roman qui s'invente sous nos yeux, The Owl in Daylight, mais qui n'a hélas jamais vu le jour puisque l'auteur d'Ubik mourut deux mois plus tard. Je vous signale par ailleurs la parution d'un essai de Francis Berthelot paru en Folio SF, "Bibliothèque de l'Entre-Mondes" consacré aux "transfictions", bannière encore linéamentaire et confuse sous laquelle l'auteur regroupe des auteur aussi divers que Dick, Kafka, Pynchon, Ballard, Palahniuk ou Borges, qui tous transgressent les codes qui du roman, qui de la réalité consensuelle. Dantec ne figure pas dans le Guide de lecture (un choix d'une centaine d'ouvrages) mais est cité une ou deux fois je crois (je vérifierai). Vous pourrez lire ma chronique de l'ouvrage dans le premier numéro à paraître de La Presse Littéraire, le successeur mensuel du Journal de la Culture.

    Merci à vous.

  • Encore une fois je ne peux qu'applaudir votre commentaire, qui je le répète, se révèle bien plus fouillé et référencé que le mien, même si, vous avez raison de le remarquer, j'ai l'avantage de la synthèse.

    Vous notez avec justesse la soumission de Dantec au langage-machine qu'il voudrait justement dépasser, ce qui se traduit par un obscurcissement de son propos, par l'égarement dans un dédale de néologismes scientistes ou religieux, qui desservent le roman, alors que la langue de Dantec devrait, plus qu'une autre - puisque l'ambition de Cosmos Incorporated est, entre autres choses, de déconstruire le langage pour en recomposer un - conduire la narration vers de nouveaux paradigmes littéraires.
    L'écriture de Dantec est encore -je vais içi me risquer à une analogie entre le processus d'écriture et celui d'enregistrement sonore- comme distordue, saturée à la prise pour utiliser le jargon des studios . De la même manière qu'un signal sonore qui dépasse la sensibilité d'un micro est écrêté, et produit par conséquent de la distortion, le flux incontrôlé de la prose de Dantec brouille l'intelligibilité de son discours. Ce qui ne remet pas en cause la qualité intrinsèque de sa composition, pour continuer mon parallèle. Il reste à Dantec à dompter sa langue , à l'éclaircir, pour enfin atteindre les cimes qu'il convoite.

  • Après une telle critique, je n'ai qu'une envie, relire Cosmos Incorporated...

  • J'aime bien votre analogie sonore, ShizOidandrOid. Par correspondance, elle me rappelle que j'ai été frappée, dans la première moitié du roman que j'ai lue, par les descriptions de l'environnement, très fortes, avec des couleurs violentes, des reliefs inattendus (autant que je m'en souvienne, hélas je n'ai plus le livre chez moi), comme s'il était vu sous LSD.
    Peut-être la difficulté de Dantec, pour trouver une langue plus fluide, vient-elle aussi du fait que son personnage n'est pas vraiment humain, tout en l'étant quand même ? C'est déjà un tel enjeu de donner voix à un être humain dans un roman, mais si le personnage n'a pas assez d'humanité pour vous soutenir... Je ne sais pas, je ne suis pas lectrice de science-fiction, c'est peut-être un barrage supplémentaire, mais enfin oui, on a l'impression à lire cette langue que l'auteur lui-même est torturé par son impossibilité de la délier.
    Et pourtant il a des visions. Mais là encore il n'arrive pas à articuler harmonieusement ses visions visuelles et sa vision intellectuelle. Et même si je n'arrive pas à lire un livre qui manque de justesse musicale, reste que je suis tout de même sensible à son ambition.

  • Je ne peux qu'être admiratif devant la façon dont vous avez analysé ce grand livre. Les commentaires ci-dessus sont à la même hauteur.
    Il nous faut maintenant espérer que M. Dantec continuera son travail,
    qu'il avancera dans cette "speculative theology" qu'il invente (découvre)avec l'efficacité qu'il avait montrée dans "Les racines du mal".
    Dans des styles très différents, Burroughs, Dick ou Bernanos ont réuni puissance du Verbe et Romanesque. M. Dantec nous donne à tout le moins l'envie de les relire.
    Votre chronique m'a remis un mémoire un autre roman paru en 1964, "Simulacron 3" de Daniel F. Galouye. En voici une phrase prise "au hasard", p 145, J'ai Lu n° 778 (1977) : "Jinx n'était donc ni une simple entité réactionnelle, ni une unité de contact. Elle était la projection d'une personne vivant dans le Monde Supérieur."

  • Merci, Lucien, pour cette référence. Simulacron 3, contemporain des romans de Dick et précurseur du mouvement cyberpunk, est une histoire d'univers informatiques emboîtés. Le héros découvre que son environnement n'est qu'une simulation... Je me souviens m'être demandé, à la lecture de Simulacron 3, si le roman lui-même pouvait être considéré comme un "Simulateur d'environnement total".
    S'il nous fallait établir une généalogie de Cosmos Incorporated, il nous faudrait alors nous intéresser de près à la SF française post-dickienne. Des auteurs comme Michel Jeury, Dominique Douay, Emmanuel Jouanne, Antoine Volodine et Philippe Curval ont en effet poussé très loin la déclinaison littéraire de ce que vous avez judicieusement nommé la "speculative theology", même si chez eux, l'acte de Création, toujours divin, est rarement (jamais ?) lié à la théologie chrétienne. Hormis Curval peut-être, ces écrivains étaient beaucoup plus pessimistes que Dantec : leurs univers-simulacres étaient plus anxiogènes que le faux-monde de Cosmos Inc. Chez Antoine Volodine par exemple, la parole, même vraie, ne peut sauver personne, comme en témoignent plusieurs passages de ses livres. Ses fictions émanent presque toujours d'un prisonnier réinventant le monde, ainsi sa littérature n'a-t-elle d'autre ambition - mais n'est-ce pas la plus haute ? - que de créer des bulles d'imaginaire, bulles de réalité dans la fiction de notre réel concentrationnaire. Le cas Curval est différent. Dans ses meilleurs livres (La Forteresse de coton, Attention les yeux, L'Homme à rebours, etc.), le pouvoir créateur de l'esprit est libérateur. Felice Giarre, héros de L'Homme à rebours, comprend qu'il est son propre créateur, mais, caractéristique éminemment curvalienne, il rejette ce rôle de grand ordonnateur et explose, enfin libre de tout déterminisme, en une infinité de possibles. Je reparlerai ici, prochainement, de cette science-fiction un peu oubliée par les lecteurs, occultée par la critique, et pourtant inégalée en France.
    Il serait temps que le Français lettré (re)découvre enfin ces oeuvres admirables, au style souvent très inventif, abrasif, parfois à la limite de l'expérimentation formelle, comme Le Temps incertain, le chef d'oeuvre de Michel Jeury, ces oeuvres magnifiques, souvent tragiques, qui volaient souvent à cent coudées au-dessus de leurs homologues maintream.

  • Humblement; La science-fiction serait donc le futur du roman?

  • Ce que vous dites très justement de Volodine, cher Transhumain, pourrait s'entendre de Mallarmé, littéralement.
    En quoi la hiérarchie des «genres», mais inutile de plaider par chez vous, est une sottise de plus du monde «concentrationnaire» où les imaginaires eux-mêmes sont (re)groupés dans des camps séparés.

  • Mais encore ? Combien faudra-t-il de réécritures de ce texte pour le rendre seulement lisible à défaut de le rendre digne d'intérêt ? Cosmos Inc. marque tout simplement le point de non-retour chez le travailleur Maurice, fût-il travailleur des mots -- et ô combien laborieux, que Deleuze situait au moment où la trop grande consommation de drogue rend impossible le travail.

    Ces trois critiques, qui n'en ont du reste que le nom tant elles virent à l'exégèse pédante et à l'idolâtrie crasse, font immanquablement penser à des écrits d'un militaire. Le Général de la Fin de Partie vous parle à vous les Moutons. Abreuvez-vous de bêtise couverte de renvois bibliographiques, et vous aurez l'impression d'avoir compris ce que pas même Dantec n'a entrevu. Je ris.

    Persistez à vous repaître de biophotons, relisez Anne Dambricourt, vénérez la neuro-quantique romantique d'Eccles, rendez grâce à Jeremy Narby, et vous serez sauvé. Quelquefois, je me demande si la Volonté de Bêtise ne l'emporte pas haut la main devant la volonté de puissance.

    Au reste, puisque nous en sommes à manier les grands mots, sans doute apprendrez-vous avec stupeur dans le premier bouquin de théorie de l'information venu (par exemple le Thomas & Cover, le plus accessible au troupeau, Gallagher c'est pour les grands) l'acception du mot "entropie" (et si votre souci d'exhaustivité vous emmène jusque là, pourquoi ne pas lire Hasard et Chaos de David Ruelle ?), puis, sur votre lancée bibliophile, peut-être vous procurerez-vous "L'informatique pour les Nuls", histoire de vous convaincre que Dantec n'a pas ouvert un manuel d'utilisation de la chose binaire depuis le pléïstocène. Affligeant. À sa décharge, même le pourtant brillant Minsky n'avait pas prévu l'avènement d'Internet.

    Sujet : "Qu'est-ce qu'une sous-culture ?" Probablement un entrelac de références de seconde main sur des sujets délibérément traités de manière superficielle et parfois à contre-sens. On vénère ici Le Maître du Haut Château ? Mais, mes biens chers Moutons, jamais je n'ai lu un bouquin aussi mal écrit avec une idée aussi valable. Voilà bien le monde pseudo-intellectuel dans lequel vous végétez : celui de plumitifs défoncés incapables d'écrire correctement (et personne n'arrivera à me faire dire du mal du Festin Nu, vous sentez la différence ?) car trop occupés à échaffauder la dernière intrigue mysticommerciale pour se permettre de passer un peu de temps à se relire. Cosmos Inc., c'est le Da Vinci Code écrit par Houellebecq. C'est dire.

    Tiens, en passant, vous qui vous revendiquez vraisemblablement nietzschéens de la sixième génération, vous vous souvenez que le corps est une grande raison ? Et qu'est-ce que le corps de Dantec, à part bien sûr celui d'un type qui, entreprise hautement louable en soi, écrit des bouquins pour faire manger sa famille ? Celui d'un pauvre homme qui n'arrive plus à innover ni à inventer parce qu'il est pris dans le piège qu'il s'est lui-même tendu : écrire pour des gens aussi (peu) doués que lui. Le corps de Dantec est lessivé, fini. Fini Babylon Babies et les Racines du Mal. Fini Villa Vortex. Fini tout ça. Pensez à éteindre la lumière en partant.

    Vous vous retrouvez à encenser un bouquin mal pensé, mal écrit, mal fichu, tout ça parce que vous êtes infoutus de remettre en cause Dantec, et vous trouvez là un type qui rajoute une louche de vase avec ses critiques... Vous jouissez d'être traité encore plus comme des faibles. Les gars, vous êtes mûrs pour l'UMHU. Et vous en serez les petits chefs vicelards.

    Comprenons-nous bien, autant qu'il est possible : vous lisez avec votre intellect refroidi, pas avec vos tripes brûlantes. C'est pour cela que vous êtes foutus, que vous en avez conscience, et que tout ce qui transparaît de ces pages, c'est le désir de retourner contre d'autres la pauvreté inavouable de vos sensations aseptisées.

    Et vous savez quoi ? Je profite de mes derniers instants de liberté pour vous écrire ça avant que vous n'alliez élire Nicolas le Petit comme un seul homme. Le dernier des hommes.

    La Digitale.

  • À notre hôte de juger si un tel «commentaire» mérite ou non une «réponse».

    (Je me contenterai de me glisser comme un murmure, pour vous dire:)

    Quand je lis: «point de non-retour», je sors mon revolver.
    Vous flétrissez le nom de Deleuze, en l'invoquant ainsi.
    Qu'il est puissant et navrant, l'œil qui se croit capable de discerner froidement un «point de non-retour»!
    Rien ne dit jamais, certes, qu'un chemin «aboutisse», mais il y a dans certaines œuvres des fulgurances, des failles, des élévations que rien non plus ne laissait présager.
    (Connaissez-vous Balzac ou Proust, avant Balzac ou Proust?)
    De Dantec, nous verrons bien. Mais si une telle fulgurance devait nous arriver, j'espère que vous aurez alors la décence de vous taire.

    J'admire les travailleurs: par les temps qui nous écrasent, ils sont plutôt rares. Méprisez Dantec si le mépris vous chante. Je préfère quant à moi lire, et espérer.

    Et ce que j'y lis, ne vous en déplaise, me fait sérieusement espérer.

  • Réponse : pas de réponse.

    "Je sors mon revolver" : on a effectivement les références qu'on peut.

    Je flétris Deleuze : à propos de Dantec ! (Deleuze a pourtant dit deux ou trois choses intéressantes sur une notion en perdition chez Dantec : le style)

    Puissant / navrant : ce que vous souhaiteriez être / ce que vous redoutez d'être ? Ce dont je n'ai cure / ce dont je n'ai cure.

    Froid discernement : merci.

    Un chemin qui aboutit : ne saurait m'intéresser, non plus que les boulevards trop fréquentés.

    Des fulgurances dans Cosmos Inc. ? Peut-être cette phrase alors : "La neuromancienne crypto-séquencée avait vraisemblablement subi un clivage narratif alors que l'androïde thaïlandaise se faisait pénétrer virtuellement par El Senor Metatron à travers une interface schizo-quantique" ?

    Balzac / Proust / Avant / Après : J'avoue les avoir connus après eux-mêmes.

    Les travailleurs : ne sont pas toujours des artisans mais parfois des industriels.

    L'espoir dans Dantec : mais aussi dans Dante ?

    ladigitalepourpre@free.fr

  • Vous m'avez fait rire, ce matin!
    Votre œil décidément est fort pénétrant!
    Et votre oreille insondable!
    Vous avez tout compris:
    j'aimerais tellement-tellement être puissant-puissant,
    et je suis si-si navrant-navrant.

    Ainsi, si-si dans-dans-dante, or-or dans-dans-dantec, alors-lors-alors!
    ... trois p'tits tours et puis s'en vont.

    Vivement qu'on en revienne aux artisans!
    Ah, Pénélope nous manque, n'est-ce pas?

    J'aime bien, quant à moi-moi, tenter de connaître les hommes tels qu'en eux-mêmes, plutôt qu'après, mais j'ai bien dit «tenter», et chacun sa temporalité-lité.

    Le revolver est simplement deleuzien,
    et justement à propos du dia-dia-dialogue.

    Quant à une «réponse», je suis personnellement trop idiot pour vous en proposer une: je n'ai pas pré-prétention critique.

    C'est surtout votre prétentieux «point de non-retour» qui m'a fait bondir d'un bond avec un bond hors de mes gong-gonds, et j'ai bien fait de céder à ce mouvement: il m'a permis de rire.

    Navré navré,

  • Ô mes frères qui à travers cent mille dangers
    Êtes venus aux confins de l'Occident
    Ne vous refusez pas à faire connaissance
    En suivant le soleil du monde inhabité.
    (Dante[c])

    En dehors de mon ironie facile et déplaisante,
    connaissez-vous mille tentatives, aujourd'hui,
    pour tenter de suivre le soleil de notre monde inhabité?

    Que le style dès lors s'abaisse et rampe,
    prenne sur lui la Machine et la Citation,
    je ne m'en réjouis pas une seule seconde.

    Je vois seulement un homme qui rampe, aujourd'hui,
    un homme qui rampe, c'est-à-dire qui avance.

    C'est assez rare, je trouve.

  • Ho, la glycine, et si la prochaine fois, au lieu d'éructer, tu écrivais un vrai commentaire critique ?... Je vais quand même répondre brièvement (je n'ai vraiment pas que ça à faire) à tes flatulences verbales.
    Mes critiques, "exégèse pédante" et "idôlatrie crasse" ?... Tu ne tromperas personne : j'ai même plutôt l'impression de m'être montré assez dur avec Cosmos Inc., et certains de mes propos, dans un article publié dans la Zone du Stalker, ont sincèrement blessé Dantec (un homme infiniment plus courtois que toi, soit dit en passant). J'en conclus que tu n'as pas lu mes textes, ou seulement dans l'objectif initial de me disqualifier. Tu te verrais bien président d'un comité de censure des blogs, hein ? C'est amusant : plus mon blog est lu, plus il suscite la jalousie des sots.
    Et en matière de pédanterie, ma mignonne, tu te pose là ! En une salve hautaine tu alignes les références comme Victor Ward dresse la liste de ses invités people dans Glamorama : en toute superficialité.
    Quant à cette enflure de Sarkozy, auquel tu fais allusion à ta manière sournoise, je te la laisse. Si tu es suffisamment servile, il te nommera directeur de la police de la pensée dont tu rêves jour et nuit.
    Sois quand même prévenue que tes attaques, aussi violentes soient-elles, ne m'atteindront jamais. Enfonce toi ça dans le crâne : je suis totalement insensible aux morsures inoffensives des insectes dans ton genre.
    Il faut en effet que tu comprennes une chose essentielle, mon géranium : contrairement aux parasites dans ton genre, qui grouillent et pourrissent tout ce qu'ils touchent, je ne passe tout ce temps à faire vivre ces lieux - qui t'accueillent, où tu pourrais t'exprimer intelligemment mais que tu préfères souiller de tes déjections -, que pour transmettre des idées, pour les faire évoluer, pour faire découvrir des films ou des livres qui gagneraient à être plus et mieux lus. Mais toi, que fais-tu ?

    (Et merci, Gaspar, pour votre amusante intervention)

  • On s'ennuie moins soudainement sur ce blog ! On rit même ! Gloria in excelsis Deo.

    Gaspar a saisi l'essentiel de mon propos, bien que dissimulé derrière mes déjections verbales.

    Je réponds point par point à Notre Cher Transhumain :

    Écrire un commentaire critique : sur Cosmos Inc., je ne vois pas trop ce qu'il y aurait à dire. De plus que toi, de mieux que toi. Maintenant, si on voulait parler du style, je crois que j'ai été assez clair. Si on voulait parler des idées développées dedans, aucune n'émerge du cerveau embrumé de Dantec, seulement de lectures qu'il a du mal à connecter entre elles, et si on voulait parler de leur mise en scène, je m'en abstiendrais, par pure charité chrétienne, justement.

    Tes propos dans la Zone du Stalker : j'implore ton pardon Ma Bien Chère Transhumance, de n'avoir pas suivi le troupeau pour m'abreuver à toutes les sources où ton génie daigne s'épancher. Mais tu t'es montré dur. Bien. Et ça t'a quand même laissé de quoi écrire un pensum en trois actes sur quelque chose d'aussi creux ? Ne frises-tu pas la logorrhée pathologique ? Toi aussi ?

    Dantec blessé : ça lui apprendra à se relire.

    Sincèrement : peut-être sent-il qu'il commence à manquer son coeur de cible ?

    Dantec courtois : je suis bien aise d'apprendre que tu communiques avec El Senor Tournenron.

    Sur mon objectif initial : désolé mon Cher Transgénique, tu as faux. Je t'ai lu précisément dans le but de voir ce qui pouvait sauver ma lecture harassante de ce roman où la lourdeur affleure dans toutes les pages. Toutes ? Non : une page résiste à l'envahisseur, la 455. Mais, à la relecture, je n'en suis plus très sûr. Je me disais que quelqu'un capable d'écrire autant sur si peu était seul sur Terre à même de me réconcilier avec ce bouquin. Ce ne fut pas le cas. Comme il ne t'a pas échappé.

    Président d'un comité de censure des blogs : tu crois vraiment, ma Chère Transition, que moi aussi je n'ai rien d'autre à foutre et je ne préfèrerais pas couvrir ma dulcinée de baisers après lui avoir lu quelques pages de bonne littérature ? Tu penses vraiment qu'un blog a une audience en dehors de ceux qui y écrivent ? Mais tu dois jubiler : il se passe enfin quelque chose dans ton microcosme.

    La jalousie des sots : ne me concerne pas le moins du monde. Tout au moins la jalousie !

    Ma pédanterie / mes références : mais c'est pour vous rendre service ! Ce sont précisément les sources auxquelles s'abreuve Dantec (et encore, je te passe celle sur les travaux du groupe PEAR...) Creuse un peu ça pour voir, et tu verras un peu la piètre idée que Dantec se fait de la science dans le mot "science-fiction". Il ne lui restait déjà que la fiction, j'ai bien peur qu'après Cosmos Inc., il ne lui reste plus que son journal. Fort intéressant au demeurant. Quant au Thomas & Cover, c'est largement plus palpitant comme bouquin que le Maître du Haut Château ou Cosmos Inc.

    Victor Ward / Glamorama : je te présente toutes mes excuses pour n'être pas conscient de toutes les sensibilités infimes de la caste électronico-scribouillarde.

    Sarkozy : il est partout ! Cela dit, j'aimerais beaucoup que tu daignes entrer en contact avec le Maître du Gros Pavé pour qu'on sache ce qu'il en pense...

    Police de la pensée : mon Cher Transparent, à ta manière, tu donnes en plein dedans. Je m'explique. Étant donné le barouf ourdi lors de la sortie de Cosmos Inc., et les contorsions que tu t'es infligées pour rendre compte de ce bouquin, tu inaugures manifestement l'avènement de l'infiltration des blogs par la marchandisation. Si tu es le maître de lecture que certains de tes lecteurs se plaisent à reconnaître, tu eus sans doute gagné à ne pas parler de Cosmos Inc. Sauf, bien sûr, à vouloir impérativement laisser libre cours à une logorrhée jouissive ? Dont, je te le concède, je partage les enivrements -- tout au moins pour le côté polémiste.

    Ce dont je rêve jour et nuit : s'appelle Delphine.

    Mon attaque : Si j'avais voulu être vraiment violent, j'aurais usé de la mauvaise foi. Las, je ne retire pas une ligne de ce que j'ai écrit.

    Tu es totalement insensible : je t'en félicite. Mais es-tu sourd ?

    T'atteindre : c'est déjà fait.

    Les insectes dans mon genre : font partie des scrophulariacées, et s'enorgueillissent de faire partie du règne végétal. Je suis d'la mauvaise herbe, braves gens, braves gens.

    Ces lieux qui m'accueillent : et qui parfois ne renâclent pas à rendre compte des succès programmés par le marketing des marchands de papier ? Voire à tenter un sauvetage désespéré de ce qui peut l'être (et là j'avoue que tu marques des points, question indulgence).

    M'exprimer intelligemment : à défaut, et malgré quelques philippiques dont je suis heureux que tu les trouves inoffensives (le Transmachin n'est-il pas censé être une amélioration ?) bien qu'elles aient, semble-t-il, motivé ta sortie du bois, je pense m'être exprimé intelligiblement. Et que ce que je raconte t'a blessé parce que je n'ai peut-être pas tout faux. Je persiste à penser que tu as pris la défense d'un bouquin indéfendable. Même après t'avoir lu, et sans a priori autre que celui de vouloir voir ce que tu en penses.

    Des livres qui gagneraient à être plus lus : manifestement pas celui dont il est question.

    Mieux lus : qu'est-ce à dire ? Je n'ose imaginer que, du haut de ta sapience de la chose science-fictionnelle (laquelle m'est au demeurant assez pénible hormis quelques notables exceptions), tu prétendes faire l'aumône au lecteur inculte de tes lumières en la matière ? Ce ne peut pas être ça. C'est donc que les livres en question sont délibérément neuro-cryptés par un savant processus de clivage narratif de rétrotranscription inverse ? Si nous parlons bien de cela : je conseille aux lecteurs avides de déchiffrement de se précipiter sur la lecture d'un email crypté avec PGP. Le niveau d'entropie (mais nous savons de quoi nous parlons en employant ce mot maintenant, n'est-ce pas ?) devrait les ravir. Et nul doute qu'il se trouvera quelque exégète pervers pour leur indiquer la voie du sens du discours.

    Ce que je fais : je contribue. Sur le ton qui me semble le plus approprié. Et le moins pontifiant, ne t'en déplaise.

    Mon Transcendant Adoré, laisse-moi te glisser quelques mots au sujet de l'auteur décédé dont nous parlons. J'ai eu un peu de mal à rentrer dans les Racines du Mal, mais je ne l'ai pas regretté. J'ai ensuite dévoré Babylon Babies. J'ai trouvé que l'irruption dans le texte de Villa Vortex du processus narratif dans la dernière partie était un coup de maître (je sais que tout le monde ne partage pas cet avis, car si l'idée est bonne, la mise en oeuvre est discutable -- elle ne m'a pourtant pas rebuté). Et, comme j'adore faire les choses dans l'ordre, j'ai lu ensuite la Sirène Rouge, qui est un bon roman. Un peu trop explosif peut-être, et qui fait parfois un peu trop penser à l'Agence Tout Risques, mais globalement c'est un livre réussi. Pourtant, regardons les choses en face, mon Cher Transbordeur : Cosmos Inc. est raté. Mettons-nous d'accord : quand je veux faire des maths en lisant, je lis Deleuze ou Spinoza (et éventuellement Thomas & Cover). Quand je veux lire un livre avec des idées qui ne sont pas du tout les miennes mais dont je veux qu'elles me vivifient, je lis (pardon : je lisais) Dantec. Et pas la prose tout aussi imparfaite de Sarkozy. Contrairement à ce que laisseraient entendre tes supputations.

    Mais là, il n'aurait jamais dû sortir ce bouquin. Axer un pavé entier sur cette histoire de clivage narratif est trop casse-gueule. À la rigueur, c'eût peut-être fait une bonne nouvelle. Avec un vrai talent littéraire. Dont Dantec a pourtant été capable par le passé. Mais il y a un autre problème : cela fait terriblement repompé sur Villa Vortex. Nous avons donc droit comme biscuit à la description de l'UMHU, ressassé mille fois un peu partout, et déjà au XIXè. Nous évoluons dans Grande Jonction, que, à part deux ou trois technologies émergeantes (au diable la rigueur scientifique), rien ne distingue de Las Vegas. Bref, je me suis emmerdé comme un rat mort en lisant ce bouquin. Je note d'ailleurs que j'ai lu les autres en 2 jours en moyenne. Celui-là m'a demandé deux semaines. Deux semaines à guetter quelque-chose d'intéressant (à part bien sûr le couplet attendu sur Günther Anders, récupéré tant par les néocons que les altermondialistes). Puis, la dernière page lue, rien. Le vide, néant, nada. Rien à digérer, rien à ruminer. Avec en plus la sensation désagréable que le style était celui d'un vieillard de 20 ans.

    Mon Cher Transcodeur, il me vient une pensée douloureuse : et si Dantec n'était que le Houellebecq de la SF dévoluée ? La SF a enfin trouvé son auteur de la médiocrité. Je te laisse juge de ce que cela implique de sécheresse dans le genre littéraire en question.

    Mais, me diras-tu, les anges, mêmes bioniques recombinés avec une interface numérique, c'est très beau. Objection : c'est très chiant. Et ça devient méta-chiant quand Dantec se permet de convoquer tout son pandémonium de saints des premiers jours pour les brancher sur le port parallèle (je n'ose parler d'USB2.0) desdits anges. Tout cela donne une impression de décousu. Que le fameux clivage narratif n'arrange pas.

    Alors ? Me voilà encore plus réac que Dantec ? Moi qui semble réclamer une histoire avant tout ? Avec un héros marrant (rendez-moi Toorop svp), un érotisme trouble, des petites filles, schizo ou pas, en avenir de ce qui suivra l'humanité ? Comprends-moi bien mon petit Transformiste : Dantec donne, avec ce bouquin, la très désagréable impression qu'il est en train de se vautrer quelque part du côté du Nouveau Roman, dont on sait bien qu'il ne fut qu'une Nouvelle Arnaque. Sans grand lendemain d'ailleurs. Et voilà bien la seule note d'espoir que je trouve à la lecture de ce bouquin. Dantec ne peut décemment pas persister dans cette voie, sauf à devenir une sorte de Mishima sans talent, gourou extrême d'une secte abrutie de notions déformées. Et donc dangereuses. Pour l'esprit. Pour l'homme, je m'en fous un peu. Voilà tout ce que j'ai à dire sur ce bouquin : tu vois, ce n'est pas une critique (il n'y a pas de choix à argumenter), ce n'est que l'avis d'un ancien lecteur fidèle et passionné qui se sent trahi par une entreprise multinationale de pourrissement organisé du genre.

    Que personne n'ait ressenti ça en dit assez long sur l'état de la littérature, fût-elle de SF, et de son lectorat. C'est pourquoi je ne retirerai strictement aucune ligne de ce que j'ai écrit. Un Goncourt disait que la littérature en France concerne 5000 personnes. Je ne sais s'il y incluait les écrivains, fussent-ils exilés.

    Il suffit donc qu'un opus sorte sous le nom de Dantec pour qu'on hurle aux vieilles lunes de l'idolâtrie ?

    D'ailleurs, la forme même de ton blog te trahit : à la fin du premier "commentaire" (?) tu invites le lecteur à suivre ta propre lecture du bouquin - que tu as donc à peine commencée à ce moment. C'est sûr que ça fait bien, ça fait cyber, ça fait chébran comme dirait Jack. Mais est-ce que cela fait une méthode critique ? ou tout au moins une méthode de commentaire ? Le mot de critique est sans doute beaucoup trop connoté et précis pour qu'on puisse l'employer à tort et à travers pour n'importe quel bouquin.

    Sur ce, mon Cher Transplant, je dois te laisser. Il me faut sacrifier à St-Nicolas (pas Sarkozy, l'autre, celui de décembre) et aller acheter quelques bouquins pour mes proches. Afin de ne plus te blesser avec ma pédanterie, je consens à ne pas te livrer mon choix de cadeaux. Je souhaîte de tout coeur que tes proches à toi n'auront pas à s'en repentir.

    Passe un joyeux Noël. Je ne doute pas le Citoyen-Chrétien Dantec, s'il nous lit, en fera autant.

    La Digitale.

  • Ecoute mon petit bulbe en sucre, tu me fatigues, vraiment. Si encore tu avais commis un billet assassin mais argumenté de Cosmos Incorporated, j'aurais été jusqu'à le publier en note pourquoi pas (mes colonnes sont ouvertes), mais cette interminable litanie, non, aucun intérêt. Je ne reviendrai pas avec toi sur le roman. De la Sirène rouge (efficace mais à l'intrigue tellement prévisible que je m'amusais à en deviner les éléments en cours de lecture, souvent avec succès) à Cosmos Inc., Dantec a fait preuve d'une remarquable évolution en même temps que d'une sincère quête spirituelle. Cela, déjà, est remarquable. D'idolâtrie, point. Mais le plus drôle, c'est que tout ce que tu lui reproches est décrit dans ma critique (qu'il me plaît de nommer ainsi... mais sans doute ce terme désigne-t-il à tes yeux gamopétalés l'émission arbitraire et expéditive d'opinion). Tu devrais savoir que certains ratages excèdent en importance les réussites les mieux ciselées.

    Franchement, comparer Dick à Thomas & Cover ! une ânerie de plus à mettre à ton actif de muflier. Quant à ta vie privée, elle ne m'intéresse tout simplement pas - mais je n'aurai pas l'indécence de jeter le nom de ma bien aimée ou celui de mon fils en pâture aux parasites-unis-de-tous-les-blogs.

    Il faut décidément avoir les neurones ravagés par les mites pour envisager même un instant que ce blog puisse se faire le relais de l'argent-roi !... Sauf à ne parler que de livres inédits, ou pas encore écrits (!) - ce qui ne risque pas d'arriver souvent à en juger par la médiocrité des quelques manuscrits qui me sont passés entre les doigts -, ta critique est complètement inepte. Le Transhumain, agent du Satan-Marketing ? AH !La bonne blague !

    Quoique, tout bien réfléchi, tu as raison. Sayonara Baby de Fabrice Colin, Les Noctivores de Stéphane Beauverger, Sprats de David Bessis, Monsieur Pain de Roberto Bolano, et d'autres dont tu peux découvrir la liste ci-contre, ne sont que des produits industriels lancés à grands renforts de campagnes publicitaires sans précédent ! Ah ! J'en ai plus qu'assez de devoir me taper la tronche de John Burnside sur tous les murs de la ville, dans tous les couloirs de métro ! Et ce Jean-Michel Truong, invité de tous les talk-shows ! Quelle invasion !

    Ne crois pas pouvoir me blesser de quelque façon que ce soit : je l'ai dit, le Transhumain est insensible aux insultes comme à la flagornerie - immunisé contre ta ridicule digitaline. Je ne te réponds que par pure courtoisie, et pour n'être pas accusé de lâcheté par tes successeurs scrofuleux.

    Encore un mot : détrompe-toi, ce genre d'interventions inutiles ne me procure aucun plaisir ; ce blog n'est pas un défouloir, j'y cherche éventuellement la discussion, voire la polémique - d'où l'ouverture des commentaires - mais certainement pas les incessants renvois d'ascenseur auxquels les trolls, végétaux ou non - ceux-là mêmes qui grouillent dans les forums -, nous contraignent. Si ce blog devenait une annexe d'un fight club dégénéré, je fermerais les commentaires aussi sec, dussé-je voir les consultations décroître. Du vent, le doigtier.

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