Akira Kurosawa, Sanjuro
Villon, a quelque chose du rōnin à la Sanjuro / Yojimbo (voir par exemple la scène dans le grenier de la Ripaille, au premier chapitre). Il est un rebelle, un anarchiste, sans dieu ni maître. Et s'il prend éphémèrement fait et cause pour toutes les révolutions, ce n'est que par désir de subvertir tout ordre établi – de chatouiller les puissants. Il ne comprend pas les extrémistes comme Pakal (« Mort aux ennemis du peuple ! », 277) ou Simon le Targui, qui emprunte son surnom au célèbre zélote de la Bible (« [...] j'enrageai de n'avoir rien à lui opposer que mon égoïsme », 322), pas plus qu'il n'adhère au discours clairement révolutionnaire du k'uhul ajaw, venu du futur, descendu sur Noj Peten avec « ceux qui sont nés du feu » : « Il me décrivit son rouge empire restauré, glorieux et implacable, qui s'étendrait bientôt d'un océan à l'autre » (184) Allusion directe au communisme ? Les révolutions, telles que celles des Itzas, formés par ceux du futur à la guérilla et armés de maravillas destructrices, sont souillées du sang versé sur l'autel d'une cause, d'une justice, d'une vérité. L'ordre succède à l'ordre, l'holocauste à l'holocauste. Voilà qui ne saurait plaire, fondamentalement, à l'anarchiste Villon, qui ne croit pas tant à l'avènement d'un monde meilleur (« méchamment, j'appelais la mort de toute beauté du monde, puisque je ne l'allais plus arpenter », 75) ou à un « nouveau monde », qu'à un effacement total de ses fautes, de son monde propre (faire tabula rasa, comme le dit Villon à Sévère, p. 373 ; faire du monde une table nue sur laquelle rien n'est écrit en actes, qui peut recevoir toutes les formes). Devant l'échec annoncé de sa vita nova, le Temps chaotique est alors pour Villon un moyen – désespéré, là encore – d'échapper à la chaîne des causes et des conséquences, à la carte mystérieuse des sentiers arpentés, des carrefours de la vie et des bifurcations du passé. Tout faire fusionner – époques, chairs, territoires. Bien sûr, étendre l'holocauste à l'univers entier ne saurait apaiser les tourments du capitaine. Mais notre survivant n'est pas de nature à fléchir...