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La Maison des feuilles, Mark Z. Danielewski en Aleph

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« Je sais qu’on m’accuse d’orgueil, peut-être de misanthropie, peut-être de démence. Ces accusations (que je punirai le moment venu) sont ridicules. Il est exact que je ne sors pas de ma maison ; mais il est non moins exact que les portes de celle-ci, dont le nombre est infini, sont ouvertes jour et nuit aux hommes et aussi aux bêtes. Entre qui veut. »
Jorge Luis Borges, La Demeure d’Astérius.

« Le diamètre de l’Aleph devait être de deux ou trois centimètres, mais l’espace cosmique était là, sans diminution de volume. Chaque chose (la glace du miroir par exemple) équivalait à une infinité de choses, parce que je la voyais clairement de tous les points de l’univers. »
Jorge Luis Borges, L’Aleph.

Roman labyrinthique [1], borgésien en diable – on pense aussi à Edgar Poe et, bien sûr, au Feu pâle de Nabokov –, La maison des feuilles [2] est le fruit de douze ans de travail… J’en vois qui se gaussent, mais à le lire, on comprend combien ces douze années [3] ont été nécessaires : La maison des feuilles tient en effet autant de l’ouvrage universitaire que du roman, tant les références citées, réelles ou inventées, sont nombreuses [4]. D’emblée, Danielewski brouille les pistes : les auteurs crédités en page de titre ne sont autres que Zampano [5] – à qui nous devons l’exégèse du Navidson Record, vrai-faux film documentaire sur une (fausse ?) maison, infiniment plus vaste à l’intérieur qu’à l’extérieur (lire la note 22) – et Johnny Errand (référence souterraine au Billy Pèlerin de Kurt Vonnegut ?), commentateur de cette exégèse et auteur de logorrhéiques notes de bas de page (qui font aussi office de journal intime), sans oublier le (vrai) traducteur, Claro [6]. De fait, La maison des feuilles est bien un roman, mais présenté sous la forme d’une thèse aussi ardue que démente, où la mise en page hallucinante (typographies variées, pages blanches ou, au contraire, couvertes de minuscules caractères, reproductions de photographies, textes barrant obliquement les pages ou se chevauchant, écheveau inextricable de notes diverses, etc.) reflète les états d’âme des auteurs-personnages. La maison en elle-même, d’apparence banale, défie pourtant l’imagination : ses nouveaux locataires, Will Navidson, photographe lauréat du prix Pulitzer, sa femme Karen et leurs deux enfants Chad et Daisy, découvrent un matin une nouvelle porte donnant sur un couloir d’abord réduit mais qui prend par la suite d’inquiétantes proportions. Lorsque ce corridor paraît s’étendre à l’infini, silencieux [7] et ténébreux, Navidson décide de l’explorer, armé de caméras Hi8 et d’un appareil photo. Le texte de Zampano s’attache ainsi à analyser les différents films tournés par Navidson et par des hommes de terrain venus en renfort, films qui rendent compte de l’immensité vertigineuse de la maison. Zampano sonde les pistes comme Navidson a exploré la maison, se perdant dans les méandres de ses innombrables implications scientifiques, philosophiques, artistiques et psychologiques. Cette maison existe-t-elle – dans la diégèse du roman s’entend – ? Même cela est sujet à caution, puisque si Zampano prétend que le Navidson Record fut effectivement distribué par Miramax [9], le dépositaire de ses notes, Johnny Errand – schizophrène paranoïaque patenté –, nous indique en revanche qu’on ne retrouve nulle trace d’un tel document – et encore moins d’une telle maison –, sinon dans un mystérieux ouvrage intitulé… La maison des feuilles !
Danielewski n’est certes pas le premier à mettre son propre livre en abyme (Feu pâle, en 1961, nous donnait à lire non seulement le poème autobiographique d'un certain John Shade, mais aussi les commentaires du poème par Kinbote, et enfin les notes du commentaire) mais nul, sans doute, ne l’avait fait avec autant de zèle. La maison des feuilles, au premier degré, rappelle évidemment les romans de Philip K. Dick – Ubik, Le Maître du haut-château, Substance Mort… – ou les nouvelles de H.P. Lovecraft (La Maison de la sorcière). Moins viscéralement schizo et parano que le premier, moins effrayant que le second, il est en revanche plus « cérébral » et, surtout, plus fondamentalement labyrinthique. Savant mélange de Twin Peaks [10], The Blair Witch Project [11], The Kingdom [12] et de géométrie non-euclidienne lovecraftienne, [13] La maison des feuilles relève de l’horreur gothique classique comme de l’approche post-moderne des concepts de réalité, de perception et d’infosphère. Son foisonnement démentiel, qu’on peut juger rebutant, n’est jamais gratuit [14] : le roman représente au contraire fort pertinemment le gouffre ontologique qui menace d’engloutir notre société technologique du 21e siècle saturée d’information, de même que l’héritage artistique, fondu en une sorte de métacouche de pâte à modeler grisâtre, ensevelit peu à peu une création contemporaine orpheline de sens. De ce point de vue, La maison des feuilles est sans doute la plus extraordinaire métaphore littéraire du paradoxe de l’humanité technologique, poussière insignifiante à l’échelle cosmique, mais à son tour capable de créer de véritables univers aussi vastes que celui qui la contient – ou d’accoucher malgré elle d’une intelligence totalement inhumaine – : l’infiniment petit englobant l’infiniment grand…
Comparer Danielewski à James Joyce est alors injuste : si Danielewski ne possède pas le génie de l’auteur de Ulysses et de Finnegan’s wake, il offre néanmoins avec La maison des feuilles une œuvre hors normes, définitivement plus riche que ce qu’elle donne à voir, à l’image de la maison elle-même. Son influence excède en effet largement le cadre du livre-objet pour atteindre à une sorte d’épiphanie, fenêtre étroite – plus de 700 pages tout de même ! – ouverte sur des abîmes de références, de concepts, d’histoires ; ouverte, en somme, sur l’infini – sur le divin. Bien sûr, à n’évoquer que son apparente complexité – c'est une bibliothèque de Babel à lui seul –, on en oublierait presque qu’il s’agit avant tout d’une œuvre littéraire – le terme de « roman », trop formaté, trop assujetti à ses formes canoniques, paraît ici inadapté –, or La maison des feuilles, sous ses atours d’essai plus ou moins ésotérique, procure à son lecteur une expérience formelle indéniable : les aventures de Navidson dans la maison, vécues au travers des descriptions et analyses de Zampano, sont en elles-mêmes passionnantes, mais le journal intime de Johnny Errand, dissimulé dans de longues notes de bas de pages, est quant à lui pleinement dramatique, quelque part entre une littérature typiquement anglo-saxonne, disons dans la lignée de William Burroughs [15] et de Chuck Palahniuk (dont il faut relire Fight club, Monstres invisibles et Berceuse, tous disponibles dans la Noire de Gallimard), et les récits déstructurés d’un Fabrice Colin [16] – ou ceux, dont il me faudra aussi parler un jour, d’Antoine Volodine, auteur de textes aussi inclassables que Biographie comparée de Jorian Murgrave (Denoël) ou Lisbonne, dernière marge (Minuit). Les lettres de la mère de Johnny adressées à ce dernier, reproduites en annexe – et publiées indépendamment du roman, toujours chez Denoël & D’ailleurs, sous le titre Les Lettres de Pelafina –, éclairent le récit et forment en elles-mêmes un récit épistolaire autonome [17]. Peu à peu le lecteur – aidé en cela par les nombreux documents annexes – accompagne Errand dans son enfer labyrinthique, et assiste à sa tragédie, inextricablement liée – ici réside sans doute le génie de Danielewski – à l’histoire de La maison des feuilles elle-même [18]. Comme chez Volodine tous ces niveaux de lecture (Zampano, Errand, Claro, Danielewski…) s’enchevêtrent, s’écartèlent, s’enchâssent ad nauseam, tissant une trame fascinante, propre à susciter cauchemars étranges (le roman fait vraiment peur) et maux de tête lancinants. La maison des feuilles force le lecteur à s’emparer du livre, à se l’approprier, à le réécrire selon sa propre vision du labyrinthe ; il existe autant de façons d’explorer la maison qu’il existe de lecteurs, mais toutes mènent, au final, à la même terrifiante constatation : Abandonnez tout espoir, vous qui entrez ici [19]. Et si, en tant que thriller gothique ou fantastique, La maison des feuilles peut décevoir – trop expérimental, trop métaphysique –, celle-ci se révèle extrêmement stimulante, vertigineuse, comme une extension moderne et incontrôlée de « La Demeure d’Astérion » de Jorge Luis Borges (in L’Aleph, Gallimard, « L’imaginaire », 1967), écrivain dont l’ombre plane sur chaque page – comme chez Borges, l’angoisse de Thésée, désorienté et cible d’un Mal qui peut surgir de n’importe où, est palpable, d’autant qu’elle nous renvoie à nos pratiques d’hommes modernes à l’hypertextualité psychotique et débilitante dont la blogosphère est un exemple éloquent : ne sommes-nous pas en train de dissoudre nos âmes, progressivement, de lien en lien ?
Surtout, que la densité et parfois l’aridité du texte ne vous arrêtent pas[20] ; persévérez : vous verrez alors combien la maison vous hantera longtemps [21], et combien l’expérience vous aura transporté dans un ailleurs qui pourrait bien n’être, en définitive, que l’abîme de votre propre esprit. Mais attention : l’exploration de La maison des feuilles ne laisse jamais indemne : il vous sera désormais impossible de lire un roman comme vous le faisiez auparavant ; vous vous surprendrez à y chercher des phrases codées, à y traquer le Logos, à discerner son inframonde et, levant les yeux vers ce que vous croyiez être le monde réel, vous vous attendrez à voir surgir dans votre maison – ou votre appartement – de nouvelles pièces, de nouveaux couloirs, menant vers nulle part [24], vers Dieu ou vers le Mal absolu, baignés dans un silence de mort seulement troublé par un grondement chtonien auquel il vous suffira de penser pour sombrer – du moins faut-il le souhaiter... – dans un état proche de la catalepsie…


[1] Si d’aucuns ont évoqué – un brin abusivement – l’œuvre de James Joyce, pour son caractère résolument expérimental, on peut aussi aller voir du côté du nouveau roman, de l’Oulipo ou de la nouvelle vague anglaise (*) pour la recherche d’une adéquation totale entre signifiant et signifié.

(*) Notons que Danielewski doit beaucoup, entre autres, à James G. Ballard. Dans son chef d’oeuvrissime recueil Fièvre guerrière (Stock, 1992), nous trouvons, pêle-mêle :
- une nouvelle en forme d’index ;
- une autre, Note pour une déconstruction mentale, qui se compose d’une phrase et de longues notes de bas de pages ;
- une troisième, Univers en expansion, dans laquelle un homme perçoit sa maison comme un espace de plus en plus vaste ;
- une quatrième, Rapport sur une station spatiale non identifiée, où ladite station s’étend à mesure qu’elle est explorée, en sorte qu’elle finit par se confondre avec l’Univers...
Difficile de croire à une coïncidence… Il est alors permis de regretter que parmi son armée de références et autres citations (Pound, Duras, Derrida, Milton, etc., et même Heidegger en Allemand ! ainsi, d’ailleurs, que de nombreux autres extraits en langue originale…), Mark Z. Danielewski ait « oublié » le grand James G. Ballard
[23]

[2] La couleur du mot maison n’est pas fortuite ; elle trouve son explication à la faveur d’une citation d’origine inconnue. De plus, tout ce qui a trait au Minotaure est barré, du moins jusqu’à ce que Monsieur Errand décide de rétablir la situation.

[3] Voilà qui relativise les longues heures, les nuits blanches, les faces de zombies, qu’exige la lecture de La maison des feuilles

[4] Saluons l’initiative de l’auteur qui a eu la bonté d’insérer un index à multiples entrées dans son ouvrage (cf note ci-dessus à propos de James Ballard).

[5] Mark « Z. » Danielewski : « Z » pour Zampano ?...

[6] Claro est également traducteur de John Flint, Thomas Pynchon, William T. Vollmann, John Barth, etc., directeur de la collection « Lot 49 » au Cherche Midi, et lui-même auteur de plusieurs romans, dont le récent et excellent Bunker anatomie (Verticales, « minimales », 2004), sur lequel je reviendrai sans doute.

[7] A l’exception d’un grognement, ou grondement, selon les témoignages. Bête, Minotaure ou mécanisme ? La question, hélas, reste sans réponse.

[8] Hi8 : caméras vidéo professionnelles.

[9] Miramax : célèbre entreprise de production cinématographique dite « indépendante » (*)

(*) Indépendante ? Ah ah !

[10] Twin Peaks (David Lynch, 1989-1992) : série sophistiquée et post-moderne emblématique du style de son créateur, et assez proche, de par sa complexité et de par son inquiétante étrangeté, de La maison des feuilles. Varie du sublime au n’importe quoi.

[11] Le projet Blair Witch (Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, USA, 1999) : le film joue, comme le roman, sur la prétendue réalité des images.

[12] The Kingdom / L’hôpital et ses fantômes (Lars von Trier, Danemark, 1994-1997) : série comique, horrifique et danoise mettant en scène un hôpital hanté, lieu d’événements inexplicables, dont les couloirs et les sous-sols n’ont vraiment rien de rassurant…

[13] Lovecraft était effectivement féru d’angles bizarres et autres anomalies géométriques. Mais on ne saurait assimiler le récit de Danielewski/Zampano/Errand à du fantastique lovecraftien : La maison des feuilles, qui doit beaucoup à l’Aleph borgésien, serait plutôt le roman phénoménologique par excellence…

[14] 29€ pour être précis.

[15] Les pathétiques divagations de Johnny Errand ne sont pas sans évoquer les récits autobiographiques de Burroughs, comme Le Festin nu (Gallimard, L’imaginaire n°138, 1984) ou Junky (10-18, 1988).

[16] Fabrice Colin dont on connaît le goût des jeux formels et spéculaires : lire le formidable Or not to be (L’Atalante, 2002), et le non moins impressionnant Sayonara baby (L’Atalante, 2004), dont il sera bientôt question sur ce blog.

[17] Ceci me fait penser à un autre chef d’œuvre, Camp de concentration de Thomas Disch (Laffont Ailleurs & Demain Classiques, 1978), jamais réédité depuis 20 ans – un scandale – dans lequel le narrateur, dans son journal, inclut une nouvelle parfaitement autonome et néanmoins étroitement liée au reste du roman. Camp de concentration, écrit en 1968 et marqué par la guerre du Vietnam, narre les déboires d’un poète objecteur de conscience emprisonné puis transféré dans un centre d’expérimentation scientifique. Les « pensionnaires » sont drogués à la pallidine, drogue puissante qui décuple les capacités intellectuelles et créatives mais qui a l’accessoire inconvénient de tuer le patient en quelques mois seulement, non sans leur avoir fait tutoyer le génie absolu, c’est-à-dire ces contrées de l’esprit où la folie menace – on pense encore à William Burroughs pour certains passages torturés à souhait : du grand art.

[18] L’histoire de Navidson bien sûr, mais aussi celle du livre de Zampano… à moins qu’il ne s’agisse de celui de Danielewski ? Allez savoir !

[19] Dante, L’enfer, chant III, vers 7-9, cité page 4 de La maison des feuilles.

[20] Cette phrase sibylline figure en exergue : Ceci n’est pas pour vous. Vous voilà avertis.

[21] Danielewski retourne ainsi les conventions comme des gants. La maison n’est plus hantée : c’est elle, au contraire, qui hante le visiteur et, par extension, le lecteur. Le projet de La maison des feuilles est contenu tout entier dans cette idée toute borgésienne : la maison, en définitive, n’est que la projection architecturale de votre cerveau dérangé. En cela surtout Danielewski parvient à faire oublier les troublantes similitudes observées plus haut entre sa maison des feuilles et les nouvelles de James Ballard (cf astérisque de la note « 1 »), sans parler, évidemment, des textes de Borges, figure tutélaire écrasante.

[23] L’un de mes lecteurs me signale néanmoins que l’un des auteurs fictifs de Danielewski se serait perdu quelque part entre les pages 400 et 430… Un lien gratuit pour qui trouvera sa trace. Tiens, étrange : il semblerait que la note 22 ait elle aussi disparu…

[24] Je dois ici avouer combien m’étreint l’angoisse de la folie. Celle du héros, dont la mise en page et la construction du récit rendent admirablement compte, m’a donc atteint au plus profond de ma peur…

Commentaires

  • Article admirable, comme d'habitude, qui me donne envie comme rarement d'acheter l'ouvrage.

    Petite lacune à la frappe :
    "mais il est moins exact que les portes de celle-ci, dont le nombre est infini, sont ouvertes jour et nuit aux hommes et aussi aux bêtes."
    N'est-ce pas plutôt : "Mais il est NON moins exact..." ?

    Bien à vous. A bientôt

  • Merci de votre vigilance, mais après vérification, mon édition de L'Aleph, qui comprend la nouvelle citée, ne comporte pas le "non" que vous suggérez... Mais on peut se demander en effet s'il ne s'agit pas d'une coquille. Je vais essayer de trouver une autre édition.

  • Ce billet merveilleux de couleurs me remet du baume au cœur cher Transhumain (dommage toutefois qu'il n'y ait nulle note 29 pour vous souhaiter entre les lignes un très bel anniversaire!). Labyrinthe de l'apparat critique, de vos notes, de celles du texte originel, retours, clins d'œil et jeux de couleurs: un feu d'artifice pour l'esprit! Merci.

  • Et pour vous remercier, et vous faire sourire, un poème de Desnos à barrer tout entier, jusqu'à son titre....!

    À manger son propre sang
    En tartine sur du pain

    À boire l'eau de l'étang
    Où les morts prennent leur bain

    À prononcer des paroles
    Nées de coeurs empoisonnés

    À fréquenter les écoles
    Des esprits emprisonnés

    À marcher sur le chemin
    On l'on marche avec les mains

    Le [...] a vieilli
    Loin des siens et du pays

    Il va retrouver les sphinx
    Les licornes et les lynx

    Qui lui disent il est tard
    Déjà l'on ferme l'enceinte

    L'homme salera ton lard
    Dans un coin du labyrinthe

    Mugis encore si tu peux
    [...] de rien, [...] de peu.

  • Merci Salomé, de votre attention, et de ce poème dédié au [...], personnage fort à propos en effet, dissimulé dans ma deuxième note. Et vous ne le saviez pas, mais j'aime beaucoup Desnos.
    A bientôt.

  • On commence à peine à prendre la mesure du travail effectué par Claro dans les lettres françaises. La modestie du bonhomme n’a certes pas aidé les journalistes borgnes à en trouver le chemin mais sa ténacité combinée à une foi absolue dans les écrivains qu’il traduit ou édite finira bien par briser l’indifférence des imbéciles penchés sur les totems lisses du roman français contemporain. C’est par lui que passe aujourd’hui en France une ambition de littérature dépliée à l’image de la maison des feuilles, d’apparence ordonnée et limitée (surface concrète du bouquin qui se touche et se pèse) mais éclatée à l’intérieur sans qu’on puisse en tracer une frontière. Une littérature qui ferait parler toutes les voix du monde comme le langage le permet et qui en recueillerait toutes les scènes possibles. Dans les années 60, pendant que la France s’abîmait dans une conscience des (en)jeux littéraires, un type comme Pynchon écrivait modestement (c’est à dire dans l’effacement auteuriste et la virginité de ses intentions) une œuvre si accrochée au monde qu’elle en a fait mouvoir les plaques tectoniques. Il est temps que ce petit pays provincial en ressente les secousses.

  • Bonjour, fabuleux travail, je cours acheter ce bouquin !

    Pour Borges, j'ai vérifié, "Mais il est moins exact" est juste (justement) !

  • Le texte français doit comporter une coquille, sinon ça n'est pas logique : l'auteur dirait une chose et son contraire. Si quelqu'un a à sa disposition le texte original, qu'il nous fasse profiter de ses lumières.

  • Que votre volonté soit faite:
    "Es verdad que no salgo de mi casa, pero también es verdad que sus puertas (cuyo numero es infinito) estan abiertas dia y noches a los hombres y también a los animales."

    Il y a donc bien une erreur dans la traduction...(l' édition en pléiade donne "il est moins"). Pour ne pas à avoir gardé la repétition de "aussi" le traducteur semble s'être emmélé les pinceaux.

    Ceci dit, je suis beaucoup moins enthousiaste que vous sur La Maison des feuilles. Un Pynchon, un De Lillo ont beaucoup plus de profondeur que ce qui apparaît comme un petit jeu formaliste tout en effet de surface.

  • Merci, Tlön.

  • Je me suis moi-même emméllé les pinceaux. Il faut bien sur lire: pour ne pas avoir à garder....

  • Merci à tous les deux. L'erreur est corrigée.

  • "un petit jeu formaliste tout en effet de surface" : Tlön, je reconnais là votre expression mesurée pour dire des choses quand même outrées (l'inverse d'un très vilain défaut, soi dit en passant). Certes Danielewski n'est pas De Lillo (ne parlons pas de Pynchon) mais on retrouve quand même des échos du monde dans ce labyrinthe textuel. Des echos, donc du relief.

  • Il est vraiment bien ce blog... merci pour tous ces délicieux commentaires. D'autant que La maison des feuilles et Une certaine idée de l'Europe font partie de ma liste à lire en attente.
    A bientot peut-être

  • Je suis bien content de lire une petite critique sur mon livre fetiche du moment.

    Comme il se doit (pour cette oeuvre) celle-ci s'inscrit dans le livre lui même... mais cela n'est pas dénué de talent, ni d'esprit critique.

    Merci

    voila donc un blog de plus ou me disperser... on a pas fini

  • Merci floorshw, et bienvenue sur mon blog.

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