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leonardo di caprio

  • Shutter Island de Martin Scorsese

     

    Cinéma, critique, scorsese, shutter island, dennis lehane, leonardo di caprio, schizomatographe

     

    Ayant lu il y a quelques années le roman de Dennis Lehane, l’effet de surprise, voire de vertige, du twist final du Shutter Island de Martin Scorsese, était sur moi inopérant. Comment le réalisateur d’Aviator s’est-il approprié un scénario reposant, du moins en apparence, sur une supercherie semblable à celle de Fight Club (autre roman culte, lui aussi adapté sur grand écran) ?

     

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    Ce qui frappe, quasiment d’emblée, c’est une certaine grandiloquence, un certain baroque un peu trop m’as-tu-vu pour être honnête, et un maniérisme de tous les instants. Si l’on s’en tient à une lecture purement linéaire, Shutter Island est en effet une succession de clichés cinématographiques, de gimmicks pompiers, de références plus ou moins évidentes – et, surtout, très appuyées, comme la musique, qui nous en évoque d’autres, herrmanno-hitchcockiennes. Et Pascal Zamor, sur son blog, a raison d’évoquer à son sujet la grand question hitchcockienne, celle du point de vue, et de signaler cet élément capital du scénario, absent dans le roman : à la fin, Teddy Daniels (excellent Leonardo Di Caprio) semble endosser, cette fois en toute conscience le rôle de l’inspecteur. Tel est le grand paradoxe de ce nouveau Cabinet du Docteur Caligari, dont le maniérisme semble ne jamais devoir faiblir, jusqu’à cette dernière séquence qui lui donne enfin sens, in extremis. Pourquoi cette musique tonitruante, un peu pénible ? Pourquoi cette scène éculée des appartements somptueux du directeur, sur l’inévitable grande musique ? Pourquoi la séquence du bloc C, à la limite du grotesque ? Pourquoi ce médecin allemand sinistre (Max von Sydow, impeccable) ? Pourquoi l’orage, le phare phallique Vertigo-like, l’onirisme pompier des apparitions de Dolores ? Pourquoi la grotte utérine de Rachel Solando (et pourquoi les rats) ? Pourquoi, surtout, ces flashes-back de Dachau, indécents à force d’être esthétiques ?...

     

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    Certes, les décors, les situations, sont un mélange de mise en scène (stratagème du corps médical pour le ramener à la réalité contingente), et des créations de son inconscient. Mais cela ne saurait suffire. L’on ne peut réellement comprendre l’esthétique  de Shutter Island qu’à la lumière de la phrase (absente du roman) prononcée par Daniels (« Mieux vaut-il vivre comme un monstre ou mourir en homme de bien ? » et de cet ultime regard jeté par Di Caprio à Ben Kingsley. Par cette phrase, et par ce regard, donc, Daniels prend acte de la fin du mirage : les images qui précèdent, chère madame, cher monsieur, n’étaient pas seulement qu’hallucinations, fantasmes et forclusion… Non, c’était du cinéma, un spectacle dont la fonction première est de divertir. Ainsi que je l’écrivais dans un petit article malheureusement toujours orphelin, « [les] images d’images, les sons de sons, affectent notre inconscient comme s’il s’agissait d’images et de sons co-présents, directement perçus, de la même façon, quoique dans un cadre institutionnel et codifié – le spectateur assiste volontairement à la projection –, que le rêveur ou le schizophrène. » Pour un homme comme Scorsese, sans la magie du schizomatographe, point de salut. Daniels – double évident du réalisateur – est un cinéphile soudain privé de son psychotrope le plus puissant.

     

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