Interstellar de Christopher Nolan (12/06/2015)

intertellar

And you, my father, there on the sad height,
Curse, bless, me now with your fierce tears, I pray.
Do not go gentle into that good night.
Rage, rage against the dying of the light.

Dylan Thomas

 

Et toi, mon père, là, sur ces tristes hauteurs,
Maudis-moi, bénis-moi de pleurs durs, je le veux !
N’entre pas apaisé dans cette bonne nuit.
Mais rage, rage encor lorsque meurt la lumière.

 Trad. Lionel-Édouard Martin

 

Il est vrai qu'Interstellar, le blockbuster SF de Christopher Nolan sorti en 2014, multiplie les maladresses scénaristiques (personnages secondaires sans intérêt, twists beaucoup trop prévisibles, invraisemblances scientifiques, raccourcis paresseux, tentation solipsiste...) mais aussi formelles... Et cependant, la plupart de ces défauts relèvent moins d'une incompétence – exception faite, me semble-t-il, des scènes d'action, toujours un peu pataudes chez Nolan – que d'une surdétermination de la représentation par le point de vue de Cooper (Matthew McConaughey) et de sa relation avec sa fille Murphy (Mackenzie Foy puis Jessica Chastain puis Ellen Burstyn), comme par exemple ce montage parallèle, certes un peu ridicule, et qui certes anéantit toutes les tentatives de Nolan de nous faire partager l'expérience des distances infinies et du temps long : ne s'agit-il pas avant tout pourtant, et pour l'essentiel, tel un trou de ver ou un tesseract, de rapprocher (d'arrimer ?) le pilote et sa fille pourtant séparés par des millions d'années-lumière ?

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Le film ne fait pas grand mystère de son sujet principal. Il y est bien question d'écologie, de colonisation spatiale, de voyage interstellaire, de relativité générale ou même de messianisme, mais ce ne sont là que des thèmes secondaires, ou plutôt des extensions plastiques et narratives de cet amour intemporel qui lie indéfectiblement Cooper et Murphy. L'on comprend mieux, alors, les clins d'œil à Gerry, le grand film intérieur de Gus Van Sant avec Matt Damon (qui dans Interstellar traîne sa solitude dans un désert de glace) et Casey Affleck (qui incarne ici le fils de Cooper).

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Champs de maïs terriens asphyxiés par les tempêtes de sable, vagues gigantesques d'une exoplanète, disque d'accrétion d'un trou noir : autant d'images mentales de Joseph – prénom signifiant s'il en est – Cooper – alias le « tonnelier », autrement dit l'artisan dont le savoir-faire permet le vieillissement –, qui gagnent jusqu'à l'espace-temps diégétique à la faveur d'un épisode métaphysique attendu, mais d'une grande beauté : une bibliothèque de Babel dans une chambre d'enfant...

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Et si, plutôt que de choisir une fin (absorption de Cooper par un trou noir, retour sur terre, retrouvailles, fondation d'un nouveau monde…), Interstellar s'offre le luxe de nous les offrir toutes – jusqu'à nous émouvoir –, c'est parce que Cooper a baptisé sa fille Murphy, précisément en vertu de la loi du même nom, et qu'il résume à sa manière : ce qui peut arriver, arrivera.

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