Malcolm Lowry, Sous le Volcan, chapitre 8 (31/12/2014)

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VIII

 

Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,

Sans horreur, à travers les ténèbres qui puent

Charles Baudelaire, « Au lecteur » (Les Fleurs du Mal).

 

Avec la fin du septième chapitre s'éteint aussi toute espérance. Les premiers mots du huitième, « Dans la descente... » nous informent d'emblée que Sous le Volcan a définitivement basculé dans l'ombre. Même à travers les yeux de Hugh, dont Lowry adopte ici le point de vue, même sous le soleil écrasant de la route de Tomalín, la mort rôde sur les chemins défoncés, plane comme les vautours-xopilotes en cercles attentifs, et s'invite dans l'autocar avec les voyageurs (les indiennes à l'impassibilité de sphinx, le pelado, les hommes endimanchés, quelques jeunes femmes en toilette de deuil...). Et c'est bien vers l'Enfer que les conduits le chauffeur du camión (« véhicule » mécanique et métaphorique – Quod semper, quod ubique, quod ab omnibus), sémillant Hermès aux deux pigeons voyageurs glissés sous son col de chemise. Ces deux curieux personnages qui font le tour de l'autocar pour récupérer les sommes payées par les voyageurs n'évoquent-ils pas aussi bien les assistants du Château de Kafka que des démons ?...

« À la surface de la plaine sur leur droite serpentait l'interminable voie ferrée à faible écartement qu'ils avaient choisie le matin parmi vingt autres itinéraires possibles pour revenir au bercail, chevauchant tous deux de front », remarque le journaliste. Vingt autres, vraiment ? Que le traducteur Jacques Darras me pardonne, mais il me semble que la matière occulte dont est tissé le Volcan lui ait quelque peu échappé : le texte original évoque non pas vingt, mais bien twenty-one other paths they might have taken. Ces vingt-et-un autres chemins, donc, font probablement référence aux vingt-deux sentiers kabbalistiques (correspondant aux lettres de l'alphabet hébreu) qui sur l'Arbre des Sephiroth mènent de Malkuth à Kether et/ou aux vingt-deux arcanes du tarot – dont une seule (la treizième, celle qui suit le Pendu...) représente la mort – mais aussi le recommencement.

On notera un autre choix discutable du traducteur, qui transforme en simples « cactus-cierges aux formes brutales » des Brutal-looking candelabra cactus, autrement dit non des cierges mais bien des chandeliers qui, dans le cratère ésotérique du roman, nous évoquent la Menorah, le chandelier à sept branches de la Kabbale, qui signifie la présence de Dieu. Voici, pour mieux comprendre le sens de cette allusion, la phrase complète : Brutal-looking candelabra cactus swung past, a ruined church, full of pumpkins, windows bearded with grass. Burned, perhaps, in the revolution, its exterior was blackened with fire, and it had an air of being damned. Une église en ruine, la lumière divine, sont laissées derrière le camió...

Et avec l'Indien à l'agonie en plein cagnard – le compañero, celui, déjà croisé deux fois, au cheval marqué d'un « 7 » à l'arrière-train, et dont un « oiseau solitaire » symbolise l'âme en transmigration –, c'est le Christ lui-même, bras tendu en direction d'une croix en pierre, qui sera abandonné par Hugh, Yvonne et Geoffrey qui, s'ils n'ignorent pas la loi mexicaine interdisant de porter secours aux blesséx avant l'arrivée des officiels, n'en sont pas moins rongés par la culpabilité, matérialisée par le butin ensanglanté volé par le Judas-pelado (qui s'en remet au diable : « ¡Diantre ! ¿Dónde buscamos un médico ? ») et, chez Hugh, par des visions d'horreur (inspirées de Titus Andronicus), d'Abyssinie (Abyss in you ?) et de vautours...

 

 

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