Au coeur de Ténèbres - 6 - Autopsie d'un meurtre (22/03/2005)
« Rythmes.
La toute-puissance des rythmes.
N’est durable que ce qui est pris dans les rythmes. Plier le fond à la forme et le sens aux rythmes. »
R. Bresson, Notes sur le cinématographe.
Le meurtre – acte d’une extrême complexité ontologique (les motivations véritables – latentes – ne peuvent être réduites à quelque mobile officiel) –, pièce essentielle du film, contribue évidemment à l’avènement de ce royaume d’ambiguïté. Dans Ténèbres plus qu’ailleurs, et contrairement aux apparences, le meurtre n’est que le point de convergence d’un important faisceau d’idées et de pulsions. Il est bien difficile par exemple, d’un point de vue strictement psychologique, de justifier les crimes de Cristiano Berti. D’un point de vue psychanalytique et esthétique en revanche, nous les avons interprétés comme l’extériorisation des pulsions de mort de Peter Neal, et comme les péripéties indispensables au bon déroulement de la fiction de l’écrivain. Berti, nous l’avons vu – dont l’autonomie est illusoire –, n’est en effet qu’une extension de Peter Neal. Catholique comme son alter ego, il prétend tuer pour purifier le monde, réduire au silence la « perversion » : Berti se réfère donc explicitement à la morale chrétienne – pour lui un individu « pervers » est celui qui a enfreint la loi de Dieu, celui qui a bafoué un des dix Commandements au moins : juste avant sa mort, la première victime, Elsa Manni, est montrée en train de voler un exemplaire du livre Tenebrae (la caméra paraît alors, le temps d’un travelling, épouser le point de vue subjectif d’un personnage invisible à l’écran, dissimulé derrière les rayonnages du magasin ; le plan suivant, assez bressonnien, nous montre le vol en question) or le septième Commandement ordonne : « tu ne voleras pas ». L’épisode du chapardage n’était en rien utile à l’intrigue (s’il ne s’était agi que de montrer la jeune femme en possession du livre « pervers », un simple plan aurait suffi) : il faut donc chercher sa légitimité dans sa valeur morale. Elsa vole, ment au surveillant et lui propose de surcroît ses charmes, en échange de sa liberté : elle enfreint donc également les huitième et neuvième Commandements (« tu ne mentiras pas », et « tu n’auras pas de désir impur volontaire ») – toutes les victimes, de fait, sont alors « impures ». Le meurtre cinématographique comme châtiment suprême est donc pour Argento un moyen à peine déguisé de dénoncer l’écœurante hypocrisie de cette morale répressive liée au milieu catholique bourgeois – celle-là même que Luis Bunuel a si bien percé à jour dans de nombreux films – : l’homicide, en effet, n’est pas l’entorse la plus négligeable de la loi divine ! Implicitement, Argento épingle cette morale religieuse assurément immorale (et dangereuse) qui prétend punir, au nom d’une parole sacrée – et non pour des raisons rationnelles – les comportements jugés « subversifs », « anormaux » ou « pervers ».
Le meurtre purificateur est aussi un acte concret, tangible, dont les conséquences excèdent largement le simple événement que représente la mort de la victime. Celui de la fille de Rhode Island en Nouvelle Angleterre (Eva Robbins) innerve ainsi l’ensemble du film, par « résurgence esthétique », par la contamination latente de l’image et du son. Argento ne cherche pas à représenter le meurtre de façon « réaliste » mais symbolique et résolument esthétique – c’est pourquoi les scènes de meurtre sont chez lui déréalisées : premièrement, ces dernières assument l’inéluctable artificialité de toute représentation spectaculaire du meurtre : le sang est rouge vif et jaillit de façon grotesque ou fantaisiste (voir la plaie béante du bras démembré de Jane McKerrow, d’où un jet puissant d’hémoglobine s’étale sur le mur telle une toile de Jason Pollock) – la caméra d’Argento confère beauté et séduction à cet acte abject qu’est le meurtre, qui n’est alors plus que l’expression plastique d’un artiste…
Disséquons à présent une de ces séquences, celle, en l’occurrence, du double assassinat, chez Tilda. Comment le cinéaste déréalise-t-il le meurtre, comment nourrit-il une telle scène des thèmes qui sous-tendent son film (la dualité, la désorientation du spectateur, l’érotisme de la mort…) ? Signalons que la séquence étudiée est précédée du premier flash-back onirique puis d’une scène de dispute dans un bar, entre Tilda et son ami (que nous supposons aussi être son amante), et enfin d’un plan montrant Peter Neal et Anne de retour d’une soirée visiblement assommante. Le premier plan de notre séquence – qui se déroule au domicile de Tilda – débute à la vingt-cinquième minute du film.
Découpage
(« P » est l’abréviation de « plan » ; la durée des plans « très brefs » est inférieure à 1 seconde)
P1 : Plan d’ensemble sur la maison (une villa d’architecture moderne, constituée de blocs de formes diverses, assemblés de façon disparate), extérieur nuit. Bruits de véhicule qui s’immobilise, bruit de portière qu’on ouvre, lumière des phares qui éclaire la maison. (9 secondes ; plan fixe)
P2 : Plan d’ensemble, à l’intérieur, dans le vestibule éclairé. Tilde entre, se dirige rapidement vers une porte située au bas des escaliers (la porte mène dans le salon) tout en ôtant sa veste, et se dispute violemment, par jalousie, avec son amante (cette dernière est seulement couverte d’une serviette de bain qui lui découvre un sein), Tilda lui lance un vase sur la jambe et passe dans le salon ; ici, elle se saisit d’une petite paire de ciseaux et dit entre ses dents « je la tuerais ! » ; elle entend alors des bruits suspects (1° un bruit de clochettes comme celles que l’on trouve dans certains jardins, ou à l’entrée de certains appartements ; 2° un bruit de porte, ou de poignée qu’on enclenche) et va en vérifier l’origine à la fenêtre (la musique au synthétiseur commence, rythmée). (75 secondes ; le plan se déroule en trois temps : la caméra suit Tilda en panoramique lors de son arrivée, cadre la dispute en plan quasiment fixe (l’image tremble très légèrement, comme s’il s’agissait d’une vue subjective : Tilda au rez-de-chaussée, son amie à mi-étage) puis, tout en demeurant dans le vestibule, panoramique de nouveau sur Tilda qui, dans le salon, se déplace jusqu’à la fenêtre)
P3 : Long plan (le plus célèbre du film) en extérieur nuit réalisé à la Louma, qui, à partir de Tilda que l’on voit à sa fenêtre, glisse sur les parois de la maison, se faufile par les fenêtres (où l’on voit l’amie de Tilda vaquer à ses occupations, puis des escaliers) et termine sa course sur des mains gantées de noir qui forcent un store de bois. (150 secondes, soit 2minutes 30 ; mouvements divers)
P4 : Plan rapproché sur Tilda qui, l’air excédé, hurle « Arrête ça ! » (on suppose qu’elle parle ici de la musique, révélant sa nature diégétique). On entend des insultes proférées à voix basse mais néanmoins intelligible (« Perverse ! Sale gouine vicieuse ! »). Tilda ôte son vêtement et endosse un nouveau T-shirt : des mains gantées de cuir noir (au premier plan, à gauche de l’écran) l’agrippent et la tirent en arrière. (35 secondes ; presque fixe)
P5 : Gros plan sur un rasoir dont la main gantée fait surgir la lame. (Très bref ; fixe)
P6 : Plan rapproché de Tilda, en contre-plongée, la tête empêtrée dans son T-shirt (seules ses mains, qui tentent de l’en dépêtrer, sont apparentes). (Très bref ; fixe)
P7 : Gros plan sur le rasoir – un doigt ganté assure sa prise. (Très bref ; fixe)
P8 : Gros plan sur la surface blanche de l’intérieur du T-shirt : la lame entaille le tissu, créant une ouverture par laquelle nous apercevons une forme assez vague, vraisemblablement un homme vêtu de sombre (vue subjective de Tilda). (Très très bref – quelques images à peine – ; fixe)
P9 : Contrechamp du plan précédent : par l’ouverture ainsi faite, on voit le visage apeuré de Tilda en gros plan. (Très bref ; fixe)
P10 : Contrechamp du plan précédant (vue subjective de Tilda) : par l’ouverture, on voit clairement les vêtements sombres de l’agresseur. (Très bref, fixe)
P11 : Suite du plan 9 : on voit Tilda par l’entaille élargie de son T-shirt blanc, on entend l’arme s’abattre, le sang gicle sur le visage de la jeune femme qui hurle et ferme les yeux sous le choc. (Très bref ; fixe)
P12 : Plan rapproché du bras droit de Tilda qui s’effondre par terre (5 secondes ; mouvement panoramique vers le bas, pour suivre la chute)
P13 : Plan rapproché sur les débris du vase entraîné dans la chute. (Très bref ; fixe)
P14 : Plan américain sur l’amie de Tilda dans sa chambre. Elle entend un bruit sourd et arrête la musique (nous avons enfin confirmation de l’origine diégétique de la bande son), boit un verre d’un liquide doré (vraisemblablement un alcool quelconque), le bruit de choc est réitéré : toujours vêtue d’une serviette de bain blanche, de sa démarche lascive, elle sort de la pièce (sans doute pour connaître l’origine des bruits entendus). (23 secondes ; fixe)
P15 : Plan américain sur la jeune femme qui se risque à descendre l’escalier, prudemment, les seins, le dos et les hanches dénudés. (18 secondes ; mouvement panoramique vers la droite puis vers la gauche, suivant les déplacements du personnage)
P16 : Gros plan sur une ampoule électrique qu’un rasoir, toujours guidé par une main gantée de noir, fait éclater dans un souffle, provoquant une baisse de luminosité. (3 secondes ; fixe)
P17 : Plan américain (suite du P15) sur la jeune femme qui descend lentement les escaliers. La musique reprend, stressante (toujours au synthétiseur). (10 secondes ; panoramique)
P18 : Plan moyen, en caméra subjective / jeune femme qui descend le long des marches et découvre peu à peu l’image dédoublée du visage ensanglanté de Tilda dans les miroirs. (4 secondes ; travelling avant)
P19 : Plan rapproché sur la fille, de face, un sein dénudé. (Très bref ; presque fixe)
P20 : Plan moyen, en caméra subjective / fille, des miroirs. (Très bref ; fixe)
P21 : Plan rapproché de la jeune femme qui crie et fait volte face pour s’enfuir en remontant les escaliers. (Très bref ; fixe)
P22 : Plan moyen en caméra subjective / tueur, sur la fille. Il la coupe dans le dos. (5 secondes ; travelling avant)
P23 : Plan rapproché sur la fille, en caméra subjective / tueur couchée sur le dos, à terre – du sang macule le plancher. (2 secondes ; fixe)
P24 : Plan moyen. La caméra est placée derrière une vitre en verre très légèrement sablé. La jeune femme, filmée de dos, se faire égorger et chute en arrière ; sa tête, dans sa chute, brise la vitre et passe au premier plan ; le visage jeté en arrière se découvre, révélant la plaie à la gorge ; des morceaux de verre tombent de la vitre brisée et se plantent dans sa gorge. (6 secondes ; presque fixe)
P25 : Plan large sur la montée d’escalier d’où dépasse la tête de la fille. La caméra effectue ensuite un travelling arrière accompagné d’un panoramique à gauche. Un flash éclaire un instant la scène, accompagné d’un déclic d’appareil photo. (5 secondes ; panoramique et travelling)
P26 : Gros plan sur un appareil photo. (Très bref ; fixe)
P27 : Suite du panoramique jusqu’au corps de Tilda qui gît sur le ventre, vêtue de son t-shirt troué et d’une culotte, blanche également. (2 secondes ; panoramique)
P28 : Gros plan sur l’appareil photo, zoom avant, jusqu’à ce que l’objectif de l’appareil emplisse le cadre. (Très bref ; zoom avant)
P29 : Gros plan sur le flash périphérique qui s’allume en un éclair (l’écran devient blanc le temps d’une poignée d’images). La musique s’arrête. (Très bref ; fixe)
P30 : Plan large sur Tilda éclairée par le flash. La lumière baisse et revient à son niveau initial. (2 secondes ; fixe)
La séquence est donc composée de 30 plans, pour une durée de 5 minutes et 56 secondes. Les quatre premiers plans seulement totalisent à eux seuls 4 minutes 30. Les vingt-six plans suivants sont répartis sur le temps restant, c'est-à-dire une minute trente environ. La fin du quatrième plan marque le début de l’agression et déclenche l’accélération du montage, avec huit plans de moins d’une seconde chacun. Après la mort de Tilda, quelques plans plus longs assurent la transition ; son amie se jette à son tour dans la gueule du loup, le rasoir brise une ampoule. Lorsque la jeune femme découvre le sort qu’a subi Tilda, le montage s’accélère à nouveau.
Il faut d’abord noter que les meurtres du film obéissent tous à un schéma identique : dans un premier temps la caméra s’attarde sur la future victime ; la peur, le suspense augmentent – la caméra est comme un prédateur fixant sa proie, guettant l’instant propice pour frapper – ; quand survient l’assaut s’instaure une succession de points de vue (assassin / victime), en caméras subjectives – parfois, comme pour le second meurtre de notre séquence, l’action est filmée principalement en caméra subjective / tueur.
On peut ensuite remarquer une corrélation étonnante entre le rythme de succession des plans jusqu’à la fin du premier meurtre et celui de succession des meurtres à l’échelle du film. Ceux-ci ont lieu en effet respectivement aux 10ème, 30ème, 54ème, 62ème, 77ème, 81ème, 85ème, 87ème, 90ème (le faux suicide), 94ème et à la 95ème (véritable mort de Peter Neal) minutes (ne sont pas prises en compte les deux scènes de flash-back montrant Eva Robbins se faire poignarder) : on constate qu’après un début piano, le film s’emballe ; à la fin les meurtres s’enchaînent à un rythme effréné. Or le rythme du montage du meurtre de Tilda (ceci vaut également pour la plupart des crimes, comme ceux d’Elsa Manni et de Jane) est identique. Ténèbres, comme les meurtres qu’il met en scène, est irréfutablement conçu comme une montée de désir, avec son inévitable aboutissement : la jouissance. Le montage épouse cette logique de désir – tout comme le récit –, afin de mieux piéger son spectateur.
Par sa durée anormalement longue, le troisième plan de notre séquence assume parfaitement la tâche de désorientation qui lui est assignée. La caméra rampe, virevolte, glisse, entre, sort, monte et descend autour de la résidence ; elle ne peut pas, de toute évidence, être assimilée au point de vue du tueur : elle semblerait plutôt asservir notre regard – notre voyeurisme exige d’assister au meurtre à venir. L’effet est radical : ce plan, qui franchit parfois les limites de l’abstraction (Gaspar Noé s’en souviendra pour tourner les premières séquences d’Irréversible) fait exploser nos repères cinématographiques, se fait sensuel par son extrême fluidité, mais aussi menaçant comme un rapace, et affiche sa performance technique de façon curieusement ostentatoire. La caméra épouse d’ordinaire un point de vue connu (point de vue d’un personnage, point de vue divin – ou d’un méga-narrateur), mais ici le spectateur se trouve dans une position indéfinissable : la caméra paraît autonome, prédatrice (et virtuose : l’emploi certes révolutionnaire de la Louma semble avoir exagérément enthousiasmé Argento…), le plan paraît totalement gratuit. La caméra est donc l’œil du réalisateur, elle est aussi celui du tueur, et encore celui qui contient les deux autres : l’œil du spectateur. La musique, à l’instar de la caméra, joue également un rôle étrange, indéfini : elle semble d’abord extra-diégétique, se révèle ensuite être produite par un disque (qu’arrête d’ailleurs la seconde victime), avant de reprendre, à nouveau extra-diégétique. Le second morceau, qui débute en toute logique juste avant la seconde agression, bien que légèrement différent de celui que jouait le disque vinyl, lui ressemble cependant beaucoup : les sons synthétiques sont identiques – il s’agit du reste dans les deux cas d’une composition électronique du groupe Goblin. Cette manipulation, ce jeu du réalisateur avec les conventions tacites entre film et spectateur, confère une certaine autonomie à la bande son, comme à la caméra.
Dans notre séquence, le thème du double évoqué dans nos chapitres précédents est évidemment développé. Deux meurtres sont commis ; l’amante de Tilda voit l’image de cette dernière dédoublée par les miroirs ; on peut aussi remarquer un écho à la séquence de flash-back qui précède celle-ci : la compagne de la journaliste en effet, aux longs cheveux, aux lèvres rouges et aux seins nus, enroulée dans une serviette blanche, évoque irrésistiblement Eva Robbins, la fille de la plage – elles semblent animées par le même cocktail de vulgarité et de sensualité, et trouvent hélas une fin similaire : assassinées à l’arme blanche.
De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts
Dans de telles séquences de meurtres, on peut observer une véritable distorsion de l’espace, opérée par les actions combinées du montage et du cadrage. Après les trois longs plans d’exposition (P2, P3,et P4), la suite de plans courts est constituées de gros plans et de plans rapprochés. L’espace est alors fragmenté jusqu’à l’abstraction ; l’usage du gros plan, s’il n’est pas isolé entre des images permettant de l’identifier, peut avoir cette conséquence : insidieusement l’espace se divise, se compartimente et éclate, d’autant plus que la durée des plans est très brève et ne permet donc plus de se repérer. La représentation des meurtres n’est donc pas naturaliste mais artistique, « sensuelle » en ce sens qu’elle en appelle à la perception sensorielle plutôt qu’à l’approche intellectuelle.
Cette approche esthétique du crime s’apparente au cubisme en peinture : tout montrer, sous tous les angles, de manière à déréaliser et à transcender le sujet. Le modèle matriciel du genre, en ce qui concerne le cinématographe, est la fameuse scène du meurtre de Janet Leigh dans Psychose / Psycho [Etats-Unis, 1960]. Si Dario Argento n’atteint pas une telle intensité dans la séquence étudiée, il en reproduit néanmoins l’ossature (découpage rapide, espace fragmenté). Seulement le but recherché est très différent dans les deux cas : le crime est chaque fois violent et sexuel, mais tandis qu’Hitchcock veut choquer le spectateur de l’époque, Argento transforme le meurtre en authentique happening, c’est-à-dire en œuvre d’art. Dans Psychose Norman Bates / Anthony Perkins frappe la belle Marion Crane / Janet Leigh, nue et en peine extase sous sa douche : la beauté meurt avec la victime ; dans Ténèbres la beauté plastique naît du meurtre lui-même (le positionnement des corps de Tilda et de son amie en témoigne : c’est bien mortes et ensanglantées – le rouge du sang contraste avec le blanc des murs et des vêtements – qu’elles sont vraiment belles).
Ces meurtres expriment donc une grande sensualité. Dans la séquence étudiée nous voyons Tilda se changer, son amante aux formes généreuses à moitié nue, et leur dispute tourne autour des relations sexuelles (Tilda reproche à son amie d’avoir couché avec un homme). Notons qu’aucun des crimes commis dans Ténèbres ne comporte d’agression sexuelle explicite – comme dans Psychose c’est justement parce qu’il n’y pas viol, parce que l’acte n’est pas consommé que le meurtre lui-même est érotique – : la charge sexuelle du viol est transférée sur l’acte de tuer (le médecin légiste se trompe évidemment lorsque, ayant découvert que la victime – l’amie de Tilda – avait eu des rapports sexuels une heure avant sa mort, il soupçonne l’amant d’être l’assassin). Telle est l’ambiguïté fondamentale du meurtrier, qui tue pour punir les pratiques sexuelles impures (ici, les amours saphiques et l’adultère), mais dont les crimes sont eux-mêmes hautement sexuels (et déviants).
15:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | | Imprimer